Lucie-Eléonore Riveron (NFT Factory) "La NFT Factory accueille près de 2 000 visiteurs par semaine"
Ouverte au public depuis le 22 octobre, la NFT Factory Paris complète ses cent premiers jours d'existence ce 30 janvier. Sa directrice dresse un premier bilan et les perspectives à venir de ce lieu dédié au Web3.

Que s'est-il passé durant ces cent premiers jours d'existence de la NFT Factory ?
Il a déjà fallu lancer le lieu et lancer un lieu physique est un enjeu en tant que tel. C'est mon deuxième (après la maison d'enchères Fauve Paris, ndlr) mais c'est toujours différent. Lancer un lieu physique pour parler du numérique, c'est encore autre chose. Pour le moment, nous nous sommes beaucoup concentrés sur la partie artistique et là encore, la blockchain et le Web3 ont fait voler en éclats tous les modèles traditionnels donc il faut réinventer des modèles, et notamment un business model. En fait, ouvrir ce lieu dédié au Web3 nous crée des besoins pour lesquels il n'y a pas encore d'outil. Le but est donc de construire ces outils en faisant le pari qu'ils deviendront les outils utiles de demain.
La NFT Factory est, entre autres, une galerie. Or, le grand public peut avoir une appréhension, se sentir intimidé, au moment de rentrer dans une galerie. Rencontrez-vous cette difficulté ?
C'est l'un des tout premiers enseignements et l'un des premiers grands étonnements : nous avons un public doublement non initié, c'est à dire que l'on a un public qui ne connait pas du tout les NFT et on a un public qui ne serait jamais entré dans une galerie d'art. C'est fascinant. Je pense que cela tient à l'emplacement. Nous sommes en face d'un musée mais aussi très proches des Halles, ce qui amène le grand public, et par ailleurs, notre lieu est intrigant, il ne ressemble pas du tout à une galerie d'art traditionnelle.
On a tout fait pour que ce lieu soit accueillant et très ouvert au public, et aujourd'hui, on a près de 2 000 visiteurs par semaine, de toutes les générations. C'est quand même très chouette. Les samedis et dimanches, nous proposons trois fois par jours des ateliers gratuits, et pédagogiques, et nous avons commencé à lancer des ateliers un peu plus avancés, payants, à la fois théoriques où l'on revient sur l'histoire du Web3, et pratiques où l'on accompagne le public dans sa création de wallet et de NFT.
"Pour la première session de notre club d'investissement, nous avons reçu plus de cent decks"
Avez-vous le sentiment que la création de ce lieu comblait un manque ?
Il y avait clairement une grosse attente, non seulement des artistes mais de l'ensemble de la communauté NFT. Nous avons la chance d'avoir Benoît Couty comme directeur artistique, il connaît très bien les artistes à la fois français et internationaux et ceux-ci lui font clairement confiance : il commande même des œuvres, les artistes créent spécifiquement pour nos expositions. A l'international, il y a une vraie curiosité. Par exemple, FVCKRENDER (artiste numérique canadien et collaborateur de Dior, Rosalia, Lil Nas X ou LeBron James, ndlr) devrait prochainement venir. L'une de nos missions est de connecter les protagonistes des NFT, et c'est pourquoi nous organisons régulièrement des événements. Nous avons un espace réservé aux membres. On a lancé un club d'investissement pour lequel on a reçu plus de cent decks pour la première session, ce qui prouve qu'il y a une vraie effervescence dans les projets Web3, en dépit du bear market.
Vous avez évoqué le besoin de créer des outils pour ce lieu. De quels types d'outils est-il question ?
Par exemple, nous avons des besoins de token gating (accès réservé aux détenteurs de NFT, ndlr) pour des environnements physiques, notamment l'accès à cet espace membres. Idem pour l'événementiel : comment accéder à un événement avec un token sans créer de compte chez un tiers ? Tout cela n'existe pas encore. Pour la partie galerie, nous créons notre propre plateforme de déploiement de smart contracts. C'est paradoxal de créer une exposition avec des artistes que l'on sélectionne mais sans leur offrir la possibilité de minter leurs œuvres chez nous. Nous sommes donc en train de développer cet outil dans les règles de l'art, avec OpenGem (outil d'audit de sécurité NFT, ndlr) pour que les artistes déploient avec notre smart contract, ce qui nous permettra dès lors un partage de revenus.
Ensuite, je veux développer une plateforme d'achats facile, intuitive, même dans la galerie physique. Aujourd'hui, il faut encore passer par un QR Code, cela peut être laborieux sans wallet, il y a encore beaucoup de frictions, ce qui freine à l'achat. On veut démocratiser, à la fois pour que le grand public puisse collectionner mais aussi pour que les artistes puissent diffuser de manière plus large. La question est donc de créer des UX qui puissent utiliser la techno NFT pour des applications concrètes dans un lieu physique.
"Nous avons des discussions avec le Centre Pompidou"
Au moment de présenter votre feuille de route en octobre dernier, vous évoquiez la formation auprès d'entreprises. Est-ce d'actualité ?
En effet, on travaille avec des grands groupes dans des domaines très variés. Pour l'instant, ils ont encore besoin d'acculturation. Donc, ce que nous faisons en BtoC — l'explication de la partie théorique puis la mise en pratique — on le fait aussi en BtoB. Ensuite, pour ce premier semestre 2023, on développe toute la partie d'après, c'est-à-dire des ateliers d'idéation en fonction des demandes.
Jean-Noël Barrot, ministre délégué à la Transition numérique, a fait partie des visiteurs de la NFT Factory. Ce lieu contribue-t-il à vos yeux à légitimer le Web3 ?
Elle contribue à légitimer et démystifier aussi : le fait d'avoir pignon sur rue, d'être en face de Beaubourg, ce qui n'est pas anodin, rassure. Les gens comprennent qu'on est loin du darkweb, voient bien qu'on a l'air relativement réfléchis (rires). Nous avons des discussions avec le Centre Pompidou, avec le Musée Granet à Aix-en-Provence, aussi très avancé sur la question. Je pense que la légitimité se fait dans un premier temps par la pédagogie, l'acculturation et c'est pour ça que c'était si important d'avoir un lieu physique.
Diplômée de Sciences-Po, passée par les Beaux-Arts et les Arts Déco, Lucie-Eléonore Riveron cofonde en 2014 la maison de vente aux enchères Fauve Paris, responsable de la toute première vente aux enchères de NFT sur le sol français en 2022. La même année, elle quitte la présidence de Fauve Paris pour prendre la direction de la NFT Factory.