La guerre commerciale n'effraie pas les investisseurs de la French tech, bien au contraire
Les investisseurs de la French tech inquiets par la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump ? Pas vraiment. Voire même pas du tout. Et leur sérénité ne provient pas de la suspension des taxes douanières décidée par l'administration américaine jusqu'à début juillet. A les écouter, les raisons sont plus profondes.
"Sur nos décisions d'investissement, cela ne change rien", balaie Renaud Guillerm, CEO de Side Angels et managing partner de Side Capital. "On investit principalement dans des logiciels qui ne sont pas touchés par les droits de douane. Par ailleurs, on mise sur des jeunes boites dont le développement aux Etats-Unis n'est pas prévu pour tout de suite".
Louis Sautet, directeur des investissements chez Founders Future, se montre tout aussi tranquille. "La tech européenne évolue un peu en dehors des tendances macroéconomiques. C'est encore plus vrai pour les droits de douane car, dans la tech, les marges sont bien plus élevées que pour les biens physiques. De toute manière, une start-up qui se lance aux Etats-Unis a généralement une bonne compétitivité-prix. Pour une boite, les fondamentaux pour traverser l'Atlantique n'ont pas changé. Par ailleurs, Trump n'est pas coupé du business et de ce qu'il se passe à Wall Street. Si la situation continue de se dégrader, il fera marche arrière".
Vous l'aurez compris, le climat d'incertitude ambiant ne touche pas vraiment nos interlocuteurs. Ceux-ci partagent même une conviction : la politique de Trump a rappelé à l'Europe la nécessité de renforcer sa souveraineté. "Pour les start-up qui participent à la souveraineté de la France ou de l'Europe, il y a clairement des opportunités à saisir", se félicite Renaud Guillerm.
"On a envie d'accélérer et de collaborer avec d'autres investisseurs européens pour faire grandir des entreprises tech du continent"
"Des boites de qualité, il y en a autant qu'avant. Mais la volonté de les développer en Europe est désormais plus forte", confirme Antonin Léonard, partner chez Asterion Ventures. "On a envie d'accélérer et de collaborer avec d'autres investisseurs européens pour faire grandir des entreprises tech du continent. On se doit de jouer le jeu de la coopération européenne". Un volonté qui pourrait même gagner les jeunes pousses de la French tech : "Avant, les start-up allaient presque automatiquement aux Etats-Unis après s'être développées en France. Je pense que ce ne sera plus le cas", poursuit Antonin Léonard.
Malgré tout, quelques points méritent d'être surveillés. "On pourrait éventuellement observer un impact indirect si les clients de nos start-up sont touchés par les droits de douane", admet Louis Sautet. "Quelques-unes de nos boîtes ont des grands groupes comme clients qui pourraient avoir des processus de décision un peu plus longs. Mais de toute manière, l'incertitude et les aléas économiques font partie de la vie d'une start-up", ajoute Renaud Guillerm.
"European premium"
De son côté, Antonin Léonard y voit une nouvelle opportunité : "Les entreprises concernées par les droits de douane qui achetaient américain les yeux fermés pourraient se tourner vers nos start-up. Je pense que ces entreprises pourraient même accepter de payer un peu plus cher des services européens, toujours au nom de la souveraineté. Un peu comme celles qui acceptent de dépenser un peu plus pour des produits éco responsables. On pourrait passer du green premium au european premium".
Enfin, Louis Sautet mentionne une dernière "préoccupation mineure" qui retient son attention : la dépendance des start-up françaises aux investisseurs américains pour le late stage : "A partir de la Série B ou C, ce sont surtout les VC américains qui mettent la main à la poche. Si jamais ils sont amenés à se retirer pour des raisons politiques, ça peut faire mal. C'est à surveiller, même si on en est encore très loin". En attendant un tel scénario, inutile de s'alarmer.