"On a investi 900 euros chacun pour lancer la boite" : quand les fondateurs de start-up font beaucoup avec peu
C'est bien connu, quand les investisseurs financent une start-up en early stage, ils misent davantage sur l'équipe que sur le produit. Pour les fondateurs novices qui se lancent dans l'entrepreneuriat et qui doivent encore faire leurs preuves, il ne faut donc pas trop compter sur le financement du capital-risque, du moins pendant les premiers mois de l'aventure. En attendant de conclure une levée de fonds ou de générer des revenus, le fondateur engage ses économies personnelles. Dans ces conditions, chaque centime compte.
"Avec mon associé, on a investi personnellement 900 euros chacun pour lancer la boite", raconte Dorian Ciavarella qui a cofondé en 2016 Hivency, une start-up qui met en relation des marques avec des influenceurs. "On était encore étudiant donc forcément on avait des moyens modestes. Mais on a pu utiliser de nombreux outils en version freemium qui nous ont permis de tester notre idée quasi gratuitement".
De son côté, Nicolas Fayon a dû sortir 10 000 euros de sa poche pour fonder Heek en 2016, un chatbot spécialisé dans la création de site Internet : "Cet argent a notamment servi pour les serveurs, le nom de domaine, le dépôt de marque et les frais d'avocat pour rédiger les statuts. Si j'avais lancé Heek aujourd'hui, j'aurais sans doute dépensé bien moins que 10 000 euros grâce à l'intelligence artificielle".
Enfin, quand Loic Mackpayen et ses trois associés ont cofondé Noowu en 2018 pour aider les grands groupes (dont Orange, Air France ou encore Warner Music) dans leur transformation digitale, ils ont chacun investi personnellement 1 250 euros. "On a mis en commun notre matériel informatique. J'ai mis mon mac à disposition de la boite. On a dépensé 500 euros pour reconditionner ce matériel. Ensuite on a dû payer quelques abonnements comme HubSpot ou Google Workspace. Si on ajoute le dépôt au greffe et quelques frais d'avocat, il ne reste plus grand-chose. On a commencé sans locaux et sans site Internet".
Le développeur, un associé précieux
Evidemment, nos interlocuteurs ont dû attendre plusieurs mois avant de se rémunérer. Avec des moyens limités, il fallait d'abord cibler les postes de dépenses prioritaires. Lesquels privilégier ? "Il faut prendre sa décision en fonction de ce qui est le plus critique et payer ce qu'on n'est pas capable de faire. De mon côté, je manquais de compétences sur la partie tech. J'ai profité d'une subvention de la mairie de Paris pour recruter des développeurs. Mais c'est clair que s'associer avec un profil technique peut s'avérer très intéressant", répond Nicolas Fayon.
"La première année, ce qui compte réellement, c'est l'association entre les cofondateurs pour couvrir le plus de tâches possibles", abonde Dorian Ciavarella. "Mes trois associés étaient développeurs. On a pu commencer très vite sans recruter de salarié fixe. De mon côté, je faisais tout ce qui ne touchait pas à l'informatique : la vente, le service client et même un peu de comptabilité", raconte Loic Mackpayen.
Arrive un moment où les cofondateurs doivent tout de même constituer une équipe pour passer à la vitesse supérieure. Mais avec des moyens toujours limités, ce n'est pas toujours chose aisée. Si, comme évoqué précédemment, Nicolas Fayon a bénéficié d'une subvention qui lui a permis de recruter des développeurs, Loic Mackpayen a sollicité des freelances, "notamment grâce à la plateforme Malt". Dorian Ciavarella, lui, a d'abord recruté un développeur en stage qui venait de l'Ecole 42, avant de se tourner également vers des freelances : "Comme on a eu des clients assez rapidement, on a pu recruter des développeurs en freelance au bout de neuf mois, dont notre futur CTO. Ensuite, on a recruté des customers success puis des commerciaux".
Le marketing sacrifié
S'il existe des postes de dépenses prioritaires, cela signifie que d'autres sont sacrifiés. C'est notamment le cas du marketing : "Au début, on ne veut pas gâcher de l'argent dans du marketing tant que le produit n'est pas abouti", indique Nicolas Fayon. "On voulait d'abord confronter notre idée au marché. Quand on a vu que notre solution rencontrait un intérêt, on a préféré miser sur une organisation commerciale pour recruter des clients plutôt que sur le marketing", ajoute Dorian Ciavarella.
Depuis la création de leur première start-up, nos trois entrepreneurs ont parcouru du chemin. Loic Mackpayen a cofondé la fintech Alterplan. Pour cela, il a pu compter sur les revenus générés par Noowu pour débourser 50 000 euros (200 000 euros avec ses trois autres associés) et obtenir le coûteux agrément PSAN auprès de l'AMF. Nicolas Fayon a revendu Heek à Freeland et a cofondé Jump, une plateforme spécialisée dans le portage salarial qui a levé 15 millions d'euros depuis ses débuts. Enfin, Dorian Ciavarella a vendu Hivency à Skeepers et dirige maintenant Zeliq, une start-up spécialisée dans la prospection commerciale qui a réussi à conclure deux levées de fonds (11 millions d'euros au total). Au moment de ces deux tours de table, seule la version bêta du logiciel était lancée. Le temps de la débrouille et des petites combines parait loin…