Reporting de durabilité : le coût de l'immobilisme est plus élevé que celui du changement

Malgré des niveaux d'alerte en hausse de tous les côtés, la règlementation environnementale est encore aujourd'hui réduite par certains à une contrainte administrative.

Paquet Omnibus, simplification de la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ou encore report de l'application de la CS3D : le bruit ambiant ne fait qu’amplifier cette perception. Pourtant, si ces annonces semblent aller dans le sens d’un retour en arrière, il n’y a en vérité plus de place pour l’immobilisme – et de nombreuses entreprises n’ont pas attendu pour en prendre conscience.

Le reporting ESG : bien plus qu’une contrainte, un levier stratégique

Le reporting ESG (Environnement, Social et Gouvernance) n'est pas simplement une obligation réglementaire. Bien avant l'introduction de la CSRD, les grandes entreprises en comprenaient déjà l'importance. L'objectif premier de cette directive se limite à standardiser des pratiques qui se sont déjà imposées comme essentielles dans un monde de plus en plus axé sur la responsabilité. Aujourd'hui, ignorer ce virage stratégique équivaut à jouer avec l'avenir de l'entreprise.

Avant même l’adoption de la CSRD, la transparence ESG s’imposait déjà comme un enjeu crucial pour les entreprises. À l’image de la digitalisation qui a transformé le paysage économique, le reporting ESG est depuis longtemps passé du statut de contrainte perçue à celui de levier stratégique. Selon KPMG, dès 2020, 80 % des grandes entreprises publiaient un rapport ESG, un chiffre qui atteignait 96 % parmi les multinationales.

La raison d’être de la CSRD n’est ni plus ni moins que de répondre à cette dynamique en instaurant des normes harmonisées pour renforcer la fiabilité et la comparabilité des données ESG. Si cette directive s’adresse en priorité aux grandes entreprises, son impact dépasse largement leur périmètre direct en invitant les PME à se conformer indirectement à ses exigences, en fournissant des données ESG à leurs partenaires commerciaux soumis à la directive, et ce dès 2026.

Comme toute évolution règlementaire, ce contexte représente un défi pour les PME, souvent moins bien armées pour ces nouvelles pratiques, tant en termes de moyens financiers qu’humains. Pour faciliter leur transition, la Commission européenne a mis en place une norme volontaire simplifiée, leur permettant d’adopter ces nouvelles exigences progressivement, sans subir une pression disproportionnée.

Vers une simplification ou un affaiblissement des objectifs ?

La CSRD fait partie d’un cadre réglementaire en pleine évolution et le Paquet Omnibus, prévu fin février 2025, pourrait redéfinir les règles du jeu. Celui-ci vise à simplifier et à renforcer la cohérence du reporting ESG en regroupant plusieurs directives, dont la CSRD, la Taxonomie européenne et la Directive sur le devoir de vigilance. Toutefois, son approche suscite des inquiétudes : bien que l’intention soit de réduire les charges administratives, certains y voient un risque de dilution des objectifs sociaux et environnementaux.

Les mesures envisagées, comme la réduction du nombre d’indicateurs et l’élargissement des dérogations, pourraient nuire à la transparence et limiter les effets positifs du reporting ESG. Par ailleurs, ces ajustements imposeraient aux entreprises de s’adapter à de nouvelles exigences, ce qui pourrait soulever des défis d’interprétation et de mise en œuvre.

Face à cela, des acteurs clés du développement durable se mobilisent pour défendre l’ambition de la CSRD. En France, le Collège des Directeurs du Développement Durable (C3D), qui regroupe près de 400 responsables RSE, a adressé une lettre à la Commission européenne pour exprimer son soutien à une directive ambitieuse. Cette mobilisation illustre l’évolution du reporting ESG en tant qu’élément central pour la compétitivité, la résilience et la durabilité des entreprises.

Le reporting ESG : une boussole pour l’avenir

Cette approche proactive porte déjà ses fruits pour de nombreuses entreprises. Ainsi, 77 % des dirigeants affirment que le reporting ESG améliore la gestion des risques tout en éclairant les décisions stratégiques. De plus, 70 % constatent qu’un reporting intégré favorise une meilleure collaboration entre les différentes fonctions, permettant une gestion des enjeux ESG plus cohérente et agile.

Le reporting ESG n’est plus seulement un outil de conformité, mais une véritable boussole pour orienter les entreprises dans un environnement économique en mutation constante. Cette dynamique se traduit notamment par des attentes croissantes de la part des parties prenantes, 76 % des décideurs estimant indispensable de mettre en avant les engagements durables pour garantir la pérennité des activités.

Dans le même temps, les consommateurs se montrent de plus en plus attentifs aux pratiques responsables, adoptant des comportements d’achat plus alignés sur leurs valeurs. Quant aux jeunes talents, leur priorité croissante pour la durabilité environnementale témoigne d’une exigence similaire : la majorité privilégie les employeurs ayant des initiatives fortes en matière de responsabilité sociale et environnementale. Cette convergence fait de la responsabilité sociétale un levier stratégique incontournable, à la fois pour séduire les consommateurs et fidéliser les collaborateurs.

L’inaction n’est pas une option

Face à ce constat, les entreprises ne peuvent se permettre d’attendre et doivent adopter une approche proactive pour bénéficier des avantages d’un reporting ESG solide et durable, sous peine de se retrouver à la traîne.

Cependant, il est essentiel de rappeler que les entreprises n’ont pas attendu la CSRD pour commencer à se conformer aux exigences de reporting. La NFRD, ancêtre de la CSRD, a introduit cette dynamique dès 2014, et les entreprises ont engagé des investissements conséquents pour se mettre en conformité. Ce processus est donc en marche depuis plus de dix ans, et il serait contre-productif de ralentir cette transition maintenant. La CSRD n’a fait que standardiser des pratiques déjà bien ancrées, et ce faisant, elle ouvre la voie à une compétitivité durable.

L’Union européenne continue d’être le moteur de ces avancées. Pionnière en matière de durabilité, elle a su impulser un changement profond pour répondre aux enjeux économiques et environnementaux. Abandonner le reporting ESG serait non seulement un gâchis financier, mais aussi un recul majeur en matière de stabilité économique. L’avenir appartient aux entreprises transparentes et responsables, celles qui sauront transformer une contrainte en une opportunité stratégique. Celles qui saisiront cette chance auront une longueur d’avance dans la gestion des risques et dans la construction d’un avenir durable et résilient.