NV Gallery survole le secteur du meuble en adoptant les codes... de la mode
Un simple groupe Facebook, c'est ainsi qu'est née en 2016 la DNVB de l'ameublement NV Gallery. Mais depuis de l'eau a coulé sous les ponts. En 2024, la marque a atteint 30 millions de chiffre d'affaires grâce à son site Internet et son showroom niché derrière la place des Victoires. Cette croissance de 15% sur un an contraste avec le secteur : selon le panel iCE 100 de la Fevad, les ventes e-commerce de meubles ont reculé de 6% en 2024.
Si la griffe aux lignes épurées fait mentir les courbes de croissance du secteur, c'est parce qu'elle a répliqué les recettes des DNVB de mode. Une méthode assumée par François Turck, CEO de NV Gallery : "Notre différenciation se fait par nos inspirations qui sont très éclectiques… parmi elles, la mode".
Une marque lifestyle
La DNVB aime d'ailleurs se définir comme une marque "lifestyle" plutôt que d'ameublement. Une volonté qui se ressent : "Ils arrivent à reproduire ce que Sézane et d'autres ont fait dans la mode : avoir une communication qui ne vend pas un produit mais un art de vivre", analyse Daniela Leonini, directrice de l'agence de retail Appuntamento. En cause ? Des designs très marqués et des visuels aspirationnels. A l'image des griffes de mode, nvgallery.com laisse la part belle aux visuels de shooting. Les collections portent des noms et une bannière "shop the look" incite même le client à découvrir la nouvelle collection. "L'idée est de dire : comment cette patte créative différente peut être retranscrite à la fois dans le fond et dans la forme marketing", justifie François Turck. Et si NV Gallery se veut être une marque lifestyle, elle ne vend pourtant bien que du meuble. Chaises, fauteuils, canapés et tables constituent la grande majorité de son catalogue.
Et pour encore s'éloigner de la norme instaurée dans le secteur de la maison, NV Gallery entretient son esprit de "love brand". Sur son e-commerce, les "NV stories", des sélections de produits par des ambassadeurs, accompagnent le client tout au long du parcours. Ainsi l'on peut retrouver une sélection de meubles faite par la modeuse Jodie la Petite Frenchie. L'influenceuse aux 726 000 followers sur Instagram collabore aussi avec des marques comme Chloé ou Karl Lagerfeld. Une relation avec le monde de l'influence qui ne s'arrête pas là.
Avant-gardiste sur l'influence
"NV Gallery a parfaitement compris l'importance du placement produit et du marketing d'influence, bien avant d'autres marques de mobilier", estime Daniella Leonini. Une analyse que corrobore le CEO : "Aujourd'hui l'influence est plus répandue sur le meuble, observe-t-il. Mais il y a encore quelques années, nous étions parmi les premiers à l'exploiter". En effet, la marque a été l'une des premières dans l'ameublement à faire d'Instagram le pilier central de sa stratégie d'acquisition client. Quand on interroge François Turck sur les clients de la DNVB, il va jusqu'à citer les réseaux sociaux comme une typologie de consommateurs à part entière : "Au sein de notre communauté, il y a trois blocs : Nos clients B2C historique, la communauté Instagram qui s'extrapole aussi sur TikTok et YouTube, et enfin nos clients B2B ", énumère-t-il.
La marque compte 331 000 abonnés sur Instagram, bien plus que des DNVB arrivées plus tôt comme Miliboo (82 500) et un peu moins que des marques installées comme AM.PM (436 000). Et pour entretenir une relation privilégiée avec sa communauté, NV Gallery republie régulièrement sur son compte des photos prises par ses clients. Une série qu'elle nomme "nos meubles chez vous". Mais au-delà de la fidélisation, les réseaux sociaux sont un puissant levier d'acquisition clients pour la marque.
"Quand j'observe les influenceurs avec qui NV Gallery collabore, c'est totalement adapté : on voit des influenceurs mode et beauté qui intègrent les meubles de façon naturelle dans leur univers", affirme la directrice d'Appuntamento. La marque a lancé un NV design challenge en collaboration avec Mayadorable (667 000 abonnés YouTube). Le concept ? Deux amies s'affrontent dans un défi déco pour aménager une pièce avec goût. La vidéo a cumulé 346 000 vues. Plus récemment, la marque a également signé une collaboration avec Gaëlle Garcia Diaz (2,5 millions d'abonnés sur YouTube). Dans sa vidéo, l'influenceuse beauté et NV Gallery proposaient à une abonnée de rénover entièrement sa maison. "Ça marche parce qu'ils savent jouer avec cette ligne très fine entre l'influenceur qui est là pour vendre un produit et l'influenceur qui t'inspire chez lui sans en avoir l'air", résume Daniela Leonini.
Une expansion maîtrisée
Mais si NV Gallery peut se permettre de jouer le jeu des réseaux sociaux comme les marques de mode, c'est qu'elle est capable de suivre les tendances, Saint Graal des plateformes. Comment ? "Nous sommes capables de lancer une nouveauté en six à neuf mois quand nos concurrents le font en 12 à 18 mois en moyenne", s'enorgueillit François Turck. Une efficacité que le dirigeant explique par l'internalisation du design et du stockage dans son entrepôt de 6 500 m2 à Saint-Ouen-l'Aumone. La production est déléguée à des usines partenaires. "Notre co-fondateur et l'équipe créative travaillent beaucoup sur l'identification des tendances. Ils repèrent aussi bien les évolutions de fond que les opportunités ponctuelles qui seront dans l'air du temps pour quelques mois", ajoute François Turck.
Un second showroom ouvrira à Lyon en mai 2025
Si la marque excelle dans ses processus, elle fait preuve de la même intelligence dans son développement physique. Daniela Leonini, qui a travaillé pour la DNVB Made.com sur l'ouverture de ses showrooms, attribue aussi la réussite de NV Gallery à la maîtrise de son expansion physique. A ce jour, la DNVB n'a ouvert qu'une seule boutique située au 5 rue d'Argout en 2019, où elle est entourée de ses homologues de l'univers de la maison : AM.PM, Tikamoon, Kave Home… "Made.com a voulu ouvrir plein de boutiques partout et ça leur a coûté cher, rappelle Daniela Leonini. NV Gallery a été plus stratégique en se concentrant sur un seul showroom". François Turck justifie ce choix par la prudence : "Nous avons voulu nous focaliser sur les fondamentaux, une croissance rentable, avant de commencer notre expansion. De ce que j'ai pu comprendre, ça a été un choix un petit peu différent chez Made et ils ne sont plus là."
Mais l'ouverture de nouveaux showrooms n'a jamais été aussi proche. "L'achat du meuble en ligne semble assez intuitif, mais il est plus facile d'acheter un fauteuil, une chaise ou un pouf pour un montant allant de 200 à 600 euros plutôt qu'un canapé, un lit ou une table, souligne le CEO. L'analyse du chiffre d'affaires par catégorie révèle une surpondération des grosses pièces en boutique. Cette complémentarité entre commerce physique et digital est essentielle pour notre croissance". François Turck annonce au JDN qu'un second showroom ouvrira à Lyon en mai 2025. "Et demain à Madrid puis en franchise dans des villes secondaires", glisse le dirigeant de la DNVB qui réalise encore 80% de son chiffre d'affaires en France. Fort de ce plan d'expansion, NV Gallery vise les 100 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2030, continuant de faire mentir la croissance du secteur.