Petits centimes, grandes conséquences : pourquoi supprimer les pièces de faible valeur reste une fausse bonne idée !

Derrière l'idée de supprimer les pièces de 1 et 2 centimes se cachent des enjeux économiques, sociaux et logistiques bien plus complexes.

Dans un monde de plus en plus tourné vers les paiements dématérialisés, plusieurs pays européens, tels que la Belgique, les Pays-Bas, l'Irlande ou encore l'Italie, ont pris des mesures pour réduire, voire supprimer, la circulation des pièces de 1 et 2 centimes. En France, où la question reste en suspens, certains voient dans cette suppression une solution économique et pratique. Pourtant, derrière cette idée séduisante se cachent des enjeux économiques, sociaux et logistiques bien plus complexes. Ces petites pièces, que l'on pourrait croire négligeables, jouent un rôle bien plus important qu'il n'y paraît.

Les espèces : un ancrage essentiel dans une économie en mutation

En 2024, une enquête de l'IFOP et de la Monnaie de Paris a révélé que 80 % des Français restent attachés aux paiements en espèces, un chiffre qui illustre la confiance qu'ils placent dans la monnaie fiduciaire. Les espèces restent particulièrement utilisées pour les transactions du quotidien, notamment chez les petits commerçants, ainsi que pour une gestion budgétaire simple et tangible.

Cette importance des espèces a été accentuée par les crises récentes. En 2023, alors que l'Europe était confrontée à des tensions internationales et à une inflation galopante, le cash a confirmé son rôle de valeur refuge et de renforcement économique. Il offre une sécurité que les paiements numériques, soumis à des aléas technologiques, ne peuvent garantir. Supprimer les pièces de faible valeur reviendrait donc à affaiblir ce pilier essentiel de l'économie française.

Des impacts économiques sous-estimés

Les exemples étrangers montrent que la suppression de petites pièces peut engendrer des conséquences inattendues. En 2023, la Belgique a subi une pénurie de pièces de 10 et 20 centimes, causant la rétention de monnaie dans les foyers. Cette situation a perturbé les transactions, entraînant des coûts pour le secteur bancaire. De nouvelles pièces ont donc dû être commandées, ce qui a engendré de lourdes contraintes et un coût non négligeable pour l’État. De même, en Roumanie, où une tentative de suppression a été lancée avant un passage prévu à l'euro (finalement abandonné), des fermetures temporaires de caisses ont impacté les commerces locaux.

En France, supprimer les pièces de 1 et 2 centimes pourrait ainsi s’avérer source de problèmes. En effet, entre 2013 et 2023, l'État a dû réinjecter 5 milliards de pièces en circulation, malgré une diminution des paiements en espèces. Supprimer ces centimes n'éliminera pas la thésaurisation ; elle ne fera que déplacer le problème sur des pièces de valeurs plus élevées, aggravant la pénurie.

L'inflation : un risque insidieux

L'un des arguments avancés pour supprimer les petites pièces est leur coût de production, souvent supérieur à leur valeur faciale. Mais cet argument fait abstraction d'un effet indirect majeur : l'impact inflationniste des arrondissements. En Belgique, comme dans d'autres pays ayant adopté ce système, les prix sont systématiquement arrondis au chiffre supérieur lors des transactions en espèces, créant une hausse implicite des prix. Ce phénomène, bien que marginal à court terme, pourrait peser lourdement sur le budget des ménages à long terme, amplifiant le ressenti d'une augmentation du coût de la vie.

Une transition coûteuse pour les entreprises

Outre les effets sur les consommateurs, la suppression des petites pièces entraînerait des coûts considérables pour les entreprises et les institutions financières. Adaptation des logiciels de caisse, refonte des politiques de rendu de monnaie, formation des employés : autant de changements coûteux qui s’ajouteraient à une période déjà marquée par des pressions économiques. Par ailleurs, certaines usines spécialisées dans la frappe de ces pièces pourraient devoir réduire leurs effectifs, un impact social souvent ignoré.

Valoriser les petites pièces : une alternative pragmatique

Plutôt que d'envisager leur suppression, pourquoi ne pas repenser leur usage ? Les pièces de 1 et 2 centimes dorment souvent dans nos porte-monnaie ou nos tiroirs, mais des solutions existent pour encourager leur recyclage. Des initiatives, telles que les bornes de collecte en magasins, permettent de transformer ces pièces en bons d'achat ou en réduction. Ce type de dispositif, s'il était généralisé, pourrait non seulement stimuler la réintroduction des centimes dans l'économie, mais également créer un cercle vertueux entre commerçants et consommateurs.

On pourrait également envisager une prime à l'équipement pour inciter les points de vente à adopter ces solutions. Ces systèmes, inspirés de campagnes de recyclage réussies, montrent que même les plus petites valeurs ont une importance significative dans notre économie.

Des centimes qui comptent plus qu’il n’y paraît 

La suppression des pièces de 1 et 2 centimes pourrait bien se révéler une fausse bonne idée. Loin de simplifier l'économie, elle risquerait de créer de nouveaux déséquilibres, accentuant les tensions sociales et économiques. Ces petites pièces, souvent perçues comme insignifiantes, jouent un rôle crucial dans la stabilité monétaire. Plutôt que de les abandonner, il est temps de reconnaître leur importance et d'imaginer des solutions innovantes pour maximiser leur potentiel.