Jacques-Antoine Granjon (Veepee) "Veepee lancera son service de ventes de seconde main entre membres en mars-avril 2023"
Veepee met les bouchées doubles sur la seconde main et entend développer un service de vente entre membres de la plateforme au printemps 2023.
JDN. Comment se porte Veepee dans le contexte actuel ?

Jacques-Antoine Granjon. Veepee est une société très résiliente, nous écoulons les stocks des marques et dépendons de leurs volumes de stock. Quand les consommateurs font attention à leur pouvoir d'achat, ils se tournent encore plus vers le discount. Nous avons déjà passé des crises et nous en passerons d'autres. Pendant le covid, sur le voyage nous sommes tombés de 380 millions d'euros de volume d'affaires à zéro euro. Aujourd'hui, le voyage est de nouveau un secteur tendu, les billets d'avion augmentent, le prix du kérosène aussi, donc nous en vendons un peu moins. Nous souffrons forcément, mais nous sommes résilients, nous vendons plus de proximité.
En juin 2022, vous avez lancé Upcycle Solution. Quelles sont vos premières conclusions sur la seconde main chez Veepee ?
Upcycle Solution n'est qu'un tout petit bout de la planète seconde main chez Veepee. Nous avons d'abord mis en place Re-turn, qui permet à nos membres d'acheter des produits neufs directement retournés par d'autres membres de Veepee à un prix encore plus attractif. Nous avons aussi lancé Re-cycle, le renvoi de pièces du vestiaire des membres de Veepee et leur remise en état avant revente. Via Re-cycle et Re-turn, nous avons écoulé plus de 350 000 pièces sur Veepee en 18 mois, soit 1 000 pièces par jour.
A côtés de ces services, Upcycle Solution, que nous avons monté avec Maroussia Rebecq, est un atelier où nous récupérons et transformons les invendus avec de la créativité pour créer des collections upcyclées. Nous n'en attendons pas de résultat financier immédiat, ce qui compte avec Upcycle Solution c'est l'expérience, mais aussi de faire travailler dans notre atelier des jeunes issus de la diversité.
Quelles sont vos ambitions dans la seconde main ?
C'est une activité nouvelle et très importante pour Veepee. Avec Re-cycle, nous prenons la seconde main dans une logique industrielle avec un entrepôt dans lequel nous recevons, nous trions, nous lavons et nous prenons en photo les pièces à revendre. Notre objectif est d'être profitable. Notre proposition est unique avec un même panier pour plusieurs pièces livrées propres et dans un seul colis.
"La seconde main, ce n'est pas que de la communication, c'est un de nos quatre piliers de développement"
J'explique à mes équipes que pour l'instant ce sont de petits chiffres, mais nous arrivons à faire venir un certain volume de membres et à écouler un certain volume de pièces. Ce n'est pas que de la communication, c'est aussi de la data et du digital derrière avec ses investissements industriels. La seconde main fait entièrement partie de nos quatre piliers de développement qui comprennent aussi les ventes éphémères, notre core business ; les activités où nous sommes moins dépendants des stocks, le voyage, l'entertainment, le wine and food ; et notre marketplace rebaptisée The Place, où les marques opèrent elles-mêmes leurs promotions.
Avez-vous de nouveaux projets de ce type ?
Nous allons lancer courant mars avril-2023 un service de vente de vestiaire entre membres de Veepee. Le member to member. Nous nous positionnons en intermédiaire de confiance et nous garantirons la qualité du service. Notre SAV sera en support pour résoudre les problèmes. Notre service sera différent d'un Vestiaire Collective et ressemblera plutôt un Vinted-like. Les pièces s'échangent entre membres et ne repassent pas par notre entrepôt. Dans un site C2C, ce qui est clé, c'est la vélocité des ventes, nous proposons à nos membres d'augmenter leur chance de vendre leurs produits plus vite.
Le sourcing vous pose-t-il problème pour évoluer dans la seconde main ?
Nous regardons ce que font nos concurrents et les petits acteurs pour récupérer des produits. Est-ce qu'on rachète les pièces ou est-ce qu'on propose des bons d'achat ? Notre métier est de vendre des produits en fin de vie. Nous ne produisons rien et écoulons des produits pour lesquels l'empreinte écologique est déjà faite. Nous comptons sur le vestiaire de nos 66 millions de membres qui représente plusieurs milliards de produits. Si nos membres nous envoient ce qu'ils ne portent plus, cela a un impact fort RSE. C'est comme cela que nous voyons l'avenir chez Veepee : comment dans un monde où les marques produisent moins, nous pourrons utiliser la puissance de Veepee et son trafic pour remettre en circulation des produits de seconde main.
Comment se porte votre marketplace ?
Notre marketplace The Place est encore petite en termes de chiffre d'affaires, mais nous y écoulons pour 800 000 à 1 million d'euros de produits par jour. La machine est lancée. Nous l'avons ouverte il y a quatre ans et c'est un service à développer sur le long terme : les promotions des marques sur leurs collections en cours. Nous nous sommes spécialisés dans les ventes éphémères, nos membres viennent sur Veepee dans une logique de scroll, de bandeaux pour découvrir les offres, alors que The Place fonctionne dans une logique de search. C'est un changement de paradigme pour nos membres qui implique des transformations en termes d'UX et de marketing pour personnaliser le contenu proposé.
De quel œil voyez-vous le développement d'un acteur comme The Bradery qui a été racheté par Showroomprive ?
"Leur mantra c'est fashion first. Je m'aperçois qu'ils le transgressent déjà."
Cette plateforme est certes intéressante et nous n'avons pas d'arrogance vis-à-vis des jeunes acteurs qui arrivent sur le marché et regardons toujours avec attention les idées nouvelles. Dans leur cas, ils proposent de petites marques, que nous identifions comme très parisiennes. Elles proposent des tailles uniques, des petits volumes et n'ont pas assez de stock pour que nous puissions travailler avec. Leur mantra c'est fashion first. Je m'aperçois qu'ils le transgressent déjà. Notre stratégie est de tout mettre sur Veepee, contrairement à notre concurrent Showroomprivé qui a acheté The Bradery et qui a maintenant deux sites à opérer. Nous faisons le choix de mixer toutes les marques ensembles, même si les petites marques seront peut-être moins visibles car notre algorithme de personnalisation s'active en termes de chiffre d'affaires et les mettra peut-être moins en avant. D'où l'importance d'une personnalisation efficace.
Et votre développement en Europe ?
Nous réalisons 45% de notre chiffre d'affaires en dehors de la France, en Europe, alors qu'en 2016 nous réalisions 85% de notre chiffre d'affaires en France. Nous avons fermé le Royaume-Uni, à cause du Brexit, mais aussi la Pologne et le Danemark pour nous concentrer sur les pays rentables et B2B2C. Nous nous développons peu en Allemagne car le taux de retour y est trop élevé. Notre métier fonctionne mieux sur les pays latins qui sont plus attachés à la marque et au discount que les pays nordiques. Nous ouvrirons certainement le Portugal quand nous le déciderons et nous nous intéresserons de nouveau à l'est de l'Europe une fois la crise actuelle derrière nous. Nos priorités sont ailleurs aujourd'hui.
Après des études à l'European Business School (EBS), Jacques-Antoine Granjon crée en 1985 avec Julien Sorbac la société Cofotex, spécialisée dans la vente en gros de fins de séries. En 1996, il installe le siège de sa société dans les anciennes imprimeries du Monde à la Plaine Saint-Denis (93) qui deviendra par la suite celui de Vente-privee.com. L'entreprise change de nom et devient Veepee en janvier 2019. Elle réalise 3,2 milliards d'euros de volume d'affaires en 2021 et est présente dans 10 pays avec 66 millions de membres.