Valérie Salomon (CMI France) "Le digital pèse pour 15% du chiffre d'affaires de CMI France"

Lancement d'une chaîne TNT, relance de Marianne, diversification… Valérie Salomon, présidente de CMI France, déroule la feuille de route du groupe pour 2025.

JDN. Que pouvez-vous partager sur l'économie de CMI France en 2024 et en ce début d'année ?

Valérie Salomon est présidente de CMI France © CMI

Valérie Salomon. Le contexte n'a pas été favorable à la presse en 2024, notamment en fin d'année, quand les investissements publicitaires ont sensiblement baissé. Nous l'avons ressenti dans le chiffre d'affaires global du groupe en 2024, en léger retrait comparé à 2023, de 3%. Malgré ce contexte, nous avons réussi à finir l'année en équilibre, ce qui est très positif pour un jeune groupe comme CMI France, qui n'a que cinq ans.

La moins bonne performance du marché publicitaire est-elle la seule cause de la baisse de vos recettes en 2024 

Nous avons constaté une baisse des ventes au numéro également. Le fait est que, en dehors de la parenthèse des Jeux olympiques, le contexte politique et économique français a généré beaucoup d'incertitudes en 2024. Sans compter que les groupes de presse magazine comme le nôtre n'ont pas véritablement bénéficié de la manne publicitaire générée par les Jeux, le sport n'étant pas nécessairement au cœur de nos contenus et de nos offres éditoriales.

Quel est le poids de la publicité dans le modèle économique de CMI France et quels leviers mobilisez-vous pour contrer cette tendance baissière ?

La publicité compte pour 30% de notre chiffre d'affaires, et cela inclut les recettes de nos activités de diversification (événements, services). Les autres 70% sont générés par les ventes au numéro (40%) et les abonnements (30%). Nous savons que la baisse de la publicité est structurelle sur le print, et que sur le digital des incertitudes planent toujours sur les prochaines années.

Pour contrer ces tendances baissières, il est important de diversifier ses revenus, comme nous le faisons avec les ventes au numéro et les abonnements. En parallèle il nous faut continuer d'investir en contenu de qualité tout en renforçant notre offre de services exclusifs à nos audiences, comme nous faisons avec les lectrices des titres de la marque Elle, qui fête ses 80 ans cette année, en leur proposant, en plus de contenus exclusifs, des box beauté, un book club, des master classes, etc. Il est également fondamental que CMI France continue de  lancer de nouveaux projets, que ce soit en imprimé ou en digital, comme nous faisons régulièrement, le dernier en date étant le trimestriel Vieux, que nous avons lancé en mai 2024 avec Romain Jubert et Antoine de Caunes.

Le digital compte pour quelle part de vos recettes ?

Le digital pèse pour 15% de notre chiffre d'affaires : notre ambition est de l'amener à 30% dans les deux années à venir. Nous avons aujourd'hui 26 millions de lecteurs (One Next ACPM) dont 15 millions en digital.

2024 a été une excellente année pour la captation d'audiences, notamment sur les réseaux sociaux. Le titre Elle a désormais plus de 8 millions de followers, une progression de plus de 30% sur une année. Au niveau du groupe, nous avons enregistré une progression de 20%, nous réunissons plus de 12 millions de followers. Un autre enjeu majeur pour nous en 2024, c'était le développement de vidéos, un pari réussi sur la marque Elle grâce notamment à l'apport de Loopsider.

Nous avons encore beaucoup à faire en digital. Nous sommes une jeune maison avec 16 marques, la plupart issues du print, dont une majorité étant des titres acquis au groupe Lagardère, à l'exception de Marianne, premier média acheté en France par Daniel Křetínský (propriétaire de CMI, ndlr), de Franc-Tireur et de Vieux, que nous avons créé. Depuis deux ans, nous avons réalisé des acquisitions et des prises de participation axées davantage sur le digital et l'événementiel, comme Usbek & Rica, Loopsider et Louie Media. Et nous lançons en juin une chaîne sur la TNT ! Tout cela en seulement cinq ans.

Quelles sont vos ambitions pour T18 justement ?

T18, placée sous la direction de Christopher Baldelli, va proposer dès le 6 juin aux téléspectateurs une offre de contenus gratuits sur la TNT mêlant information, culture et divertissement. Nous proposerons notamment une offre de documentaires riche et des débats avec une quotidienne.

Existe-t-il un fil conducteur ou des synergies entre vos différentes publications ?

Le point commun entre toutes nos marques, c'est d'informer et d'inspirer nos audiences en toute indépendance avec des contenus d'une très grande qualité. Ceci étant, nos publics sont très différents d'un titre à un autre. Nous essayons également de développer de nouvelles activités et expérimenter de nouveaux modèles, notamment à travers nos plus récentes acquisitions et prises de participation.

Quand nous avons lancé Franc-Tireur avec Caroline Fourest comme directrice de la rédaction il y a trois ans, il n'y avait quasiment pas d'offre d'hebdomadaire avec un format aussi original (12 pages), sans publicité et à un prix très incitatif (2 euros). C'est un modèle qui cartonne : nous en vendons près de 70 000 exemplaires par semaine (+25% comparé à 2023), dont près de 30 000 en kiosque.

Prenons un autre exemple : Vieux, qui apporte une proposition éditoriale innovante aux seniors : le premier numéro s'est vendu à plus de 80 000 exemplaires, et les suivants maintiennent des scores très élevés, autour de 60 000, ce qui est énorme. Cette marque, qui s'installe, est très forte, et on réfléchit déjà aux projets de diversification qui pourront s'y greffer.

Et sur le plan des synergies ?

Il y a plein de synergies en effet. Je vous en donne trois exemples. Usbek & Rica, média qui explore le futur, nous accompagne fortement en conseil et planning stratégique pour nos activités événementielles et publicitaires et pour d'autres magazines du groupe. Loopsider produit toutes les vidéos du groupe CMI, nous permettant de nourrir de vidéos nos médias, dont Elle, et nos comptes sociaux. Enfin, Louie Media produit les podcasts du magazine Elle en marque blanche. Nous venons d'ailleurs de lancer "Faut que je te dise", podcast d'éducation féministe fact-checké réalisé par la journaliste Marine Revol, dédié aux jeunes femmes, une coproduction entre Elle, Louie Media et Fameplay (propriété de la holding de Daniel Křetínský, ndlr) disponible en dix langues grâce à l'IA.

Vous avez décidé de ne plus vendre Marianne. Pourquoi ?

La perspective de vendre Marianne était liée à notre souhait d'offrir à son ancienne directrice de la rédaction, Natacha Polony, la liberté éditoriale dont elle avait besoin. Nous n'avons pas trouvé de repreneur solide pour Marianne, et Natacha a depuis indiqué ne pas s'inscrire dans la suite de la direction du journal. Nous avons par conséquent finalement choisi de conserver le titre mais en recentrant la publication sur sa ligne éditoriale initiale, celle de Jean-François Khan (fondateur de Marianne, disparu le 22 janvier 2025, ndlr). Nous travaillons avec la nouvelle direction du journal, Eve Szeftel et Frédéric Taddeï, sur un projet réaliste et davantage en mesure d'élargir le lectorat afin de redresser Marianne, qui à date est en difficultés financières, tout en veillant à l'indépendance éditoriale de la rédaction. (Dans son édition du 24 mars 2025, La Lettre a indiqué que CMI France a "enclenché la vente d'Ici Paris et de France Dimanche". Sollicitée par le JDN sur ce point, Valérie Salomon n'a pas souhaité commenter cette information. CMI Media a rappelé que les salariés ont été informés en début d'année du fait que le groupe a reçu des "marques d'intérêt pour ces deux titres" et que cette information était publique, ndlr)