Pointé du doigt, l'abattement fiscal de 10% dont profitent les retraités a été créé par... Maurice Papon
Vieille de plus de 40 ans, cette loi est l'objet de nombreux débats en ce moment. Acquis social pour certains, énième privilège accordé aux retraités pour d'autres... Depuis plusieurs semaines l'abattement fiscal dont jouissent environ 17 millions de retraités chaque année en France est au cœur des discussions. Par la voix de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, le gouvernement a même récemment envisagé sa suppression.
Cette réduction d'impôt automatique de 10%, accordée à tous les retraités, a pour la première fois été remise en cause par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans un rapport publié en fin d'année 2024. Cet organisme rattaché à la Cour des comptes évoquait alors "une inégalité flagrante" estimant que "30% du coût total de la mesure (5 milliards d'euros) bénéficie aux 10% des retraités les plus aisés, dont le niveau de vie dépasse 3 290 euros mensuels". Partageant cet avis, le MEDEF va plus loin et questionne le principe même de cet abattement : "les salariés ont droit à un abattement fiscal de 10% pour frais professionnels, pourquoi les retraités devraient le conserver alors qu'ils ne travaillent plus ?", souffle son président Patrick Martin.
A l'inverse, la plupart des syndicats et des associations de retraités demandent le maintient de ce dispositif. Et pour cause, le gain est alléchant pour les aînés. Concrètement, avec cet abattement, un retraité peut déduire 10% du montant des pensions de retraite, des pensions de réversion, d'invalidité et alimentaires qu'il déclare aux impôts. La déduction est limitée à 4 399 euros par foyer. À titre d'exemple, un couple de retraités déclarant 43 000 euros au fisc, ne paiera des impôts que sur 38 700 euros. Le montant de son impôt sur le revenu passera donc de 1 700 euros à environ 1 000 euros.

Que l'on soit pour ou contre cet avantage fiscal, il convient de rappeler que cet abattement n'a jamais été une "extension des frais professionnels" comme certains détracteurs le laissent entendre. Pour bien comprendre l'origine de cet abattement, il faut faire un bond dans le temps... 40 ans en arrière. Le 6 octobre 1977, un député du Cher, également rapporteur général de la Commission des finances, introduit l'abattement fiscal dédié aux retraités dans le budget pour 1978.
Initialement, le projet ne prévoyait qu'une déduction ponctuelle l'année du départ en retraite. Puis, un amendement de ce même député du Cher, est venu étendre la mesure à l'ensemble des retraités. Pour justifier cet abattement fiscal, l'élu brandissait à l'époque l'argument des frais de santé qui ne cessent de croître avec l'âge. Convaincu, le Premier ministre de l'époque Raymond Barre choisit de pérenniser la mesure dès 1978.
Le nom du député du Cher à l'origine du texte résonne aujourd'hui de façon morbide aux oreilles de nombreux Français. Il s'agit de Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité à cause de son rôle pendant l'Occupation. Il a été reconnu coupable d'avoir activement collaboré afin de faire déporter des milliers de juifs vers l'Allemagne et la Pologne.