ZFE : sortir du dogmatisme pour une transition plus juste ?
Les ZFE sont contestées pour leur rigidité et leur impact social. Une alternative plus souple pourrait cependant être appliquée pour réinventer la ville de demain - la tarification différenciée.
Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) continuent de susciter de vifs débats en France, entre impératif écologique et acceptabilité sociale. Dernier rebondissement en date, la commission spéciale de l’Assemblée nationale chargée d’examiner le projet de loi de simplification de la vie économique, a adopté, le 26 mars, deux amendements visant à abroger les ZFE. Ce vote traduit un rejet croissant de ces restrictions de circulation jugées contraignantes. Si le texte doit encore être débattu en séance publique à partir du 8 avril, cette décision illustre les divisions politiques et l’évolution du débat sur ce dispositif.
D’un côté, le gouvernement apparaît lui-même partagé, entre opposition de la part du ministre des Transports, et soutien de leur maintien par la ministre de la Transition écologique. De l’autre, l’opinion publique exprime de plus en plus son scepticisme, comme en témoignent les nombreuses pétitions signées dont celle lancée par l’Association 40 Millions d’Automobilistes. Face aux critiques et aux difficultés d’application des ZFE - reports successifs, complexité des contrôles, opposition des élus locaux - il devient urgent d’envisager des alternatives plus souples et mieux acceptées. Parmi elles, la tarification différenciée du stationnement payant sur voirie se distingue comme une solution potentiellement plus efficace et socialement équitable.
Une mesure controversée et complexe à appliquer
Les ZFE visent à améliorer la qualité de l'air en limitant l’accès à certaines zones urbaines aux véhicules les plus polluants. Toutefois, leur mise en application se heurte à plusieurs obstacles. Le principal défi réside dans le contrôle de leur application, rendu difficile par un manque de moyens techniques et humains. Les radars prévus pour automatiser la verbalisation ne seront déployés qu'à partir de 2026, limitant l'efficacité du dispositif.
Au-delà des difficultés pratiques, le contexte social et politique influence également l’acceptation de ces mesures. La vignette Crit’Air est souvent vue comme une contrainte trop lourde pour les foyers à revenus modestes, qui n'ont pas toujours les ressources pour changer de véhicule. Cette perception nourrit un rejet populaire, poussant certains élus à se montrer réticents face à la mesure. Certaines villes, notamment en Allemagne, ont ainsi choisi d'abandonner leur ZFE. Enfin, la nécessité de ces dernières sur la qualité de l’air fait débat. La pollution urbaine a déjà diminué ces dernières années sous l'effet combiné de la généralisation des motorisations moins polluantes et du renforcement des transports en commun. Dès lors, la nécessité d’un dispositif aussi contraignant est questionnée.
La tarification différenciée : une alternative plus souple et efficace
Face aux difficultés rencontrées par les ZFE, la tarification différenciée du stationnement payant sur voirie apparaît comme une solution plus pragmatique et mieux adaptée aux réalités locales. Ce système repose sur une modulation des tarifs en fonction des caractéristiques des véhicules (le poids et l’énergie à Lyon et Paris par exemple), encourageant ainsi des comportements plus vertueux sans recourir à des interdictions strictes.
Contrairement aux ZFE, la tarification différenciée du stationnement payant en voirie présente plusieurs avantages. Elle peut être rapidement mise en place grâce aux outils existants de gestion du stationnement, permettant un contrôle simplifié via les systèmes de paiement. Si elle n'exclut pas totalement les véhicules polluants, elle les incite néanmoins à limiter leur stationnement, et indirectement à réduire leur présence en ville, ce qui peut rendre la mesure plus socialement acceptable. Certaines villes françaises, telles que Paris et Lyon, expérimentent déjà des dispositifs combinant ZFE et tarification différenciée. Depuis le 1er octobre 2024, Paris applique une tarification spécifique pour le stationnement des SUV, ce qui contribue à limiter leur présence en centre-ville. Bien qu’il n’y ait pas encore de chiffres prouvant l’efficacité de cette mesure en termes de réduction de la pollution, elle génère néanmoins des revenus supplémentaires pour la ville
Diversifier les critères pour une meilleure acceptabilité
L’une des pistes pour améliorer l’efficacité de la tarification différenciée réside dans le choix des critères à prendre en compte. Au-delà des dispositifs existants, la modulation des tarifs pourrait être affinée en fonction de plusieurs paramètres :
- Le type de carburant utilisé par le véhicule (électrique, hybride, essence, diesel)
- La marque et l’année de construction du véhicule, pour encourager le renouvellement vers des modèles moins polluants
- Le poids du véhicule, critère déjà pris en compte à Paris et Lyon pour la tarification environnementale
- Le nombre de places et la puissance du moteur, qui influencent la consommation énergétique
Il est cependant important de noter que, selon la réglementation actuelle, le niveau d’émissions de CO2 ne peut pas être utilisé directement pour la tarification, sauf dans le cadre du système de vignette Crit'Air. Par ailleurs, les villes peuvent appliquer une tarification différenciée en prenant en compte des profils d'usagers spécifiques (résidents, professionnels, etc.) et des critères sociaux, ce qui permet de rendre cette tarification plus équitable.
Une approche hybride pour une transition plus équilibrée
Privilégier une approche hybride pourrait ainsi offrir une solution plus équilibrée, en combinant ZFE et tarification différenciée. Les grandes agglomérations pourraient maintenir une ZFE dans les zones les plus sensibles (hyper-centres, secteurs à forte pollution), tout en appliquant une tarification différenciée pour le stationnement et l’usage de la voirie.
Bien que les ZFE puissent susciter des tensions, une approche plus modulable, intégrant des mesures incitatives, semble non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire. Par exemple, la tarification différenciée, comme celle appliquée aux SUV à Paris (où le tarif peut être trois fois plus élevé), peut avoir un impact direct sur l'acceptabilité sociale. En s’éloignant des solutions clivantes, il serait pertinent de favoriser une approche plus adaptable, conciliant enjeux écologiques et réalités sociales.