Aide internationale, de la crise à l'opportunité
Repenser l'aide internationale dans une logique d'investissement pour un impact durable.
Les récentes réductions de l'aide internationale, et notamment la coupe des 40 milliards de dollars d’aide allouée chaque année par l'USAID, ont ébranlé le secteur associatif et menacent de nombreux programmes d'insertion professionnelle et de soutien aux populations vulnérables. Cette crise sans précédent impose de repenser les modèles d'aide pour sortir d’une dépendance totale. Au-delà de la solidarité, il s'agirait d'offrir un retour sur investissement tangible, à la fois économique et social, pour les donateurs comme pour les bénéficiaires. Dans un monde digitalisé, ces nouveaux modèles pourraient notamment s’appliquer dans le secteur de la formation au numérique qui offre de nombreuses opportunités.
Tenir compte de l'effet domino
L’un des points essentiels est de comprendre que l'aide internationale ne profite pas uniquement aux bénéficiaires directs. Les impacts sont multiples. En effet, par exemple dans la majorité des cas, lorsqu'un réfugié trouve un emploi, en particulier dans le secteur numérique, il peut soutenir financièrement sa famille, ce qui stimule l'économie locale et pourrait ainsi à terme réduire les migrations périlleuses. Pour preuve, une étude de William N. Evans et Daniel Fitzgerald montre qu’un réfugié adulte rapporte 128 689 $ en taxes sur 20 ans, soit 21 324 $ de plus que les aides reçues. Ces chiffres démontrent à quel point la réduction des aides fragilisent un écosystème bien plus large que celui des seules personnes aidées.
Il est également important de mesurer l'impact économique des programmes d’insertion. Ceux-ci dépasse souvent les attentes : chaque emploi créé localement génère des revenus, une consommation accrue et un enrichissement collectif, notamment dans les zones fragiles. Les chiffres de l'USAID eux-mêmes montrent que pour chaque dollar investi dans des programmes de formation, les retours économiques peuvent atteindre jusqu'à 3 dollars selon plusieurs estimations.
Inventer des modèles hybrides et durables
L'arrêt brutal des aides accordées par l’USAID, doit être l’occasion pour le secteur associatif d’imaginer de nouveaux modèles pour sortir de la dépendance aux subventions : des dispositifs tels que le cofinancement des équipements par les bénéficiaires lorsque cela est pertinent, les microcrédits pour s’équiper ou les systèmes de partage de revenus une fois l'emploi sécurisé sont autant de pistes à explorer. Le secteur numérique, grâce à sa flexibilité et son accessibilité, est un terrain propice pour tester ces approches.
Des initiatives telles que celles portées par Jesuite Refugee Services ou Danish Refugee Council, qui combinent formation gratuite et opportunités de freelancing rémunéré, montrent qu’il est possible de concilier impact social et viabilité économique. L'approche hybride permet également aux bénéficiaires de devenir progressivement autonomes tout en garantissant la pérennité des structures d'accompagnement, qui peuvent aussi s’autofinancer en partie grâce à la génération de revenus commerciaux complémentaires.
Investir dans l'innovation locale et l'entrepreneuriat
L'aide doit aussi permettre de financer l'innovation et soutenir l'entrepreneuriat des réfugiés. Des structures comme Inkomoko, ayant soutenu 60 000 entrepreneurs en Afrique de l'Est et généré plus de 60 millions de dollars de revenus, prouvent l'impact de telles initiatives. Favoriser l'accès à des financements pour des projets innovants ancrés localement contribue non seulement à l'insertion professionnelle, mais aussi à la revitalisation économique des communautés hôtes.
L’investissement dans l’innovation locale doit servir à renforcer les compétences et encourager les idées nouvelles qui répondent aux besoins spécifiques des populations concernées. L’exemple d’Equal Reach, ayant créé 100 emplois pour des réfugiés (en Europe, en Afrique et au Moyen Orient), illustre parfaitement la manière dont un soutien ciblé peut transformer des vies et des territoires.
Créer de la valeur partagée
Intégrer les réfugiés dans l'économie répond aux besoins croissants des entreprises en matière de compétences tout en favorisant l'inclusion économique. En France, l'usine Stellantis de Sochaux, où des réfugiés formés assemblent des véhicules, démontre le potentiel de cette intégration. Cette dynamique permet aux entreprises de combler leurs besoins en main-d'œuvre et aux réfugiés de contribuer activement à l'économie, créant ainsi une valeur partagée.
Il est temps de transformer l'aide ponctuelle en un véritable tremplin vers l'autonomie, où on privilégie une approche d’investissement, conciliant impact social et viabilité économique, tout en s'appuyant sur l'innovation et la résilience des communautés locales.