
"Je suis tombée dans ma cuisine et c'est un accident du travail" : la justice lui a donné raison
Que prévoit la loi pour les télétravailleurs lorsqu'ils ont un accident à leur domicile ? Une cour de justice a récemment tranché, au grand dam de la Sécu.
Peut-on être victime d'un accident du travail chez soi ? Depuis quelques années, les contours de la règle évoluent à mesure qu'une pratique se popularise : le télétravail. Lorsque le domicile devient également le lieu professionnel, un accident ouvre-t-il droit à des indemnités de la sécurité sociale et de l'employeur ? Une première affaire jugée fin 2024 à Amiens donne de solides éléments de réponse.
L'affaire opposait la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise à une salariée d'une agence d'intérim. Cette dernière avait déclaré un accident du travail survenu alors qu'elle exerçait son activité à son domicile : elle expliquait être tombée dans ses escaliers en se rendant dans sa cuisine pour déjeuner. Conformément à la procédure, elle avait fait constater par un médecin des blessures à l'épaule et à la jambe.
Mais la CPAM avait refusé de qualifier l'accident du travail, arguant que l'évènement était survenu après que l'employée avait "effectué son pointage lors de sa pause méridienne" : par conséquent, "elle ne se trouvait pas dans les plages horaires du télétravail et n'était donc plus sous la subordination de son employeur". Loin de se démonter, la salariée a alors saisi la justice.

Verdict ? Le tribunal judiciaire de Beauvais, puis la cour d'appel d'Amiens, lui ont donné raison. Une décision motivée par plusieurs aspects de la loi : d'abord, d'après le Code de la sécurité sociale, "est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail".
Or, la justice reconnait une "présomption d'imputabilité au travail" dès lors qu'un accident survient sur le temps ou le lieu d'exercice de l'activité professionnelle, et ce, même lors d'une courte coupure dont les horaires sont fixés par l'employeur, telle que la pause déjeuner.
"La salariée n'avait pas interrompu son travail pour un motif personnel, de sorte qu'elle bénéficiait de la présomption d'imputabilité lors de la chute intervenue pendant cette plage de temps", a conclu la Cour. Le fait que l'activité ait été effectuée à distance ne change rien au raisonnement : le Code du travail dispose en effet que "le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise."
Un accident survenu pendant la pause méridienne au domicile d'un télétravailleur entre donc dans le cadre de l'accident du travail. Une qualification qui prend toute son importance si l'évènement entraîne un arrêt : la personne concernée peut alors prétendre à une indemnité de la part de la sécurité sociale, ainsi que de son employeur et/ou de son assurance.
Ajoutons que si un employeur conteste un accident du travail, la preuve est à sa charge : il lui faudrait donc être capable de démontrer que son employé s'est blessé en dehors du temps de travail ou hors du lieu où il était autorisé à exercer son activité.