Les aptitudes à avoir pour résoudre efficacement les conflits au travail

Un bon chef de projet ne tranche pas les conflits à la hache. Il les écoute, les comprend et les transforme. Dans cet article, je donne quelques aptitudes de résolution de conflits essentielles.

C’est une ironie que l’une des plus grandes caractéristiques d’une équipe efficace soit en soi source de conflits potentiels. Les meilleures équipes sont en effet celles qui regroupent en leur sein une diversité d’opinions, de compétences et de parcours. C’est pour cela qu’un chef de projet ne doit pas uniquement être un bon technicien. Il doit aussi savoir amener son équipe à travailler ensemble, à s’écouter et à prendre en considération les différents points de vue. 

Après un rappel sur ce qu’est la résolution de conflits en gestion de projet, nous verrons quelques aptitudes essentielles à la résolution de ces conflits que tout chef de projet doit cultiver.

Qu’est-ce que la résolution de conflit ?

La résolution de conflit implique un processus d’identification et de mise en application de solutions pour résoudre une crise relationnelle. Ainsi, à l’échelle de l’entreprise, et dans le cadre de la gestion de projet, c’est la capacité qu’un manager a pour trouver des solutions pertinentes pour faire travailler ses collaborateurs indépendamment de leurs divergences d’opinions, d’idées, etc.

La résolution de conflit n’est cependant pas une compétence innée. Comme la plupart des soft skills, elle nécessite un apprentissage et une compréhension profonde pour pouvoir triompher des conflits au sein de son équipe. Sachant que le conflit n'est pas forcément une mauvaise chose, il faut d'abord identifier le type de conflit auquel on est confronté pour espérer le résoudre.

Ce travail de clarification est d’autant plus crucial que les conflits au travail sont loin d’être marginaux. Une étude relayée par l’Observatoire du coût des conflits au travail en France révèle que plus de 85 % des salariés sont confrontés à des situations conflictuelles, avec un temps moyen de 3 heures par semaine perdues à gérer ces tensions, soit l’équivalent de 20 jours par an. Ce coût caché dépasserait les 10 milliards d’euros chaque mois pour les entreprises.

Les types de conflits en gestion de projet

Les conflits sont de divers ordres. Il peut s’agir de :

  • Conflits d’intérêts : points de vue divergents, mésententes sur les objectifs et le contenu, la stagnation, répartition inéquitable des tâches, etc.
  • Conflits de rivalité : compétition, absence ou faible collaboration 
  • Conflits de valeur : réactivité et susceptibilité par rapport aux critiques constructives, passivité, perfectionnisme et contrôle, démotivation, etc.
  • Conflits de générations : divergences en raison des écarts d’âge, décalage en raison de la diversité des expériences antérieures, opposition des façons de réaliser le travail, etc.
  • Conflits culturels : attitudes discriminatoires, confrontations sur le plan des valeurs, préjugés, etc.
  • La communication : aptitude essentielle pour fédérer les parties autour d’une vision commune

La capacité à communiquer efficacement est sans doute l’une des qualités essentielles du chef de projet. Elle l’est encore plus en temps de conflit, car souvent un conflit est le résultat d’une perception liée à une mauvaise communication. Garder la communication avec toutes les parties est la première et la plus importante des approches si vous voulez favoriser une relation saine sur le long terme. Par exemple, si de nouveaux défis surviennent, vous devez servir de canal pour permettre aux parties de surmonter beaucoup plus facilement les différends.

Votre sens de l’écoute doit dans le même temps vous aider à comprendre les non-dits, les enjeux et les implications de vos échanges avec les parties prenantes. Votre écoute doit être active et est importante lors de l’expression des besoins et de l’élaboration du cahier des charges. Cette capacité d’écoute est une compétence essentielle lorsque vous tentez de régler un conflit. Vous devez utiliser ce sens non seulement pour déchiffrer la communication non verbale de vos interlocuteurs, mais éventuellement y répondre. Ceci est très important si vous voulez construire un environnement de travail propice aux relations non conflictuelles. 

Enfin, la transparence dans votre communication implique qu’il faudrait éviter de cacher ou de minimiser un problème au risque d’amplifier ce dernier. Elle doit être la clé dans les relations. Quel que soit le problème, il est nécessaire d’en parler tout de suite et d’éviter ainsi qu’il ne prenne des proportions trop importantes. Toutefois, face à une situation, si vous jugez que le problème est personnel, évitez d’en discuter devant toute l’équipe au nom de la transparence.

Les compétences itératives pour rendre les conflits "productifs"

Non seulement vous devez posséder certaines compétences en gestion de conflits si vous voulez être un bon chef de projet, mais vous devez également savoir vous en servir au moment opportun.

1. L'intelligence émotionnelle du chef de projet

On décrit l’intelligence émotionnelle comme cette aptitude à lire et à comprendre ses émotions ainsi que celles des autres. Cette capacité est extrêmement nécessaire dans la résolution des conflits. Elle aide à empêcher l’escalade. Parvenir à interpréter efficacement les émotions de la partie opposée ou des parties qui s’opposent permet de plus facilement communiquer avec elles sans les provoquer.

Si vous êtes en mesure d’éliminer la colère et la frustration du conflit, il est fort probable que les personnes impliquées soient aussi susceptibles de se concentrer sur les compromis puisqu’elles ne sont plus distraites par leurs émotions. Faites preuve d’écoute et de maîtrise de vos propres émotions, et laissez évacuer la charge émotionnelle des personnes impliquées sans réagir et sans essayer de la justifier. C’est une énergie qui doit être dissipée avant de commencer à traiter le fond du problème de manière factuelle. À ce titre, former vos équipiers sur la gestion des émotions est une bonne action qui aura des retombées positives en cas de conflit dans l’équipe.

2. La patience dans la gestion du conflit

Il est rare qu’un conflit soit simple ou facile à surmonter. Sur un projet, les parties n’aiment pas se tromper. Elles ont tendance à maintenir leur position sur un problème aussi longtemps qu’on n’a pas démontré qu’elles se trompent. Dans une perspective de résolution de conflit, vous devez garder à l’esprit que le problème peut ne pas être résolu rapidement, même si la solution est évidente. Armez-vous en conséquence de patience.

Dans une équipe, la tension émotionnelle peut obscurcir la vision rationnelle. Un conflit est avant tout une situation où les émotions dominent la raison, rendant les protagonistes incapables de voir la situation autrement que par leur propre prisme. En tant que manager ne précipitez jamais une solution. Créez un espace d’écoute et de désescalade, parfois même avec l’aide d’un tiers neutre, pour permettre à chacun de suspendre son jugement et envisager un objectif commun.

3. L'aptitude à négocier

La négociation est importante pour arriver à un compromis. Ensemble ou par des têtes-à-têtes, le chef de projet devra démontrer ses talents de négociateur à un moment donné s’il veut résoudre le conflit. Bien évidemment, tous les conflits ne demanderont pas de recourir à la négociation. Cependant, cela peut être l’unique solution pour parvenir à un compromis dans certains cas. Pour être efficace, la négociation exige une bonne préparation : choisir un moment propice, dans un lieu neutre, au calme, de préférence en début de semaine, permet d’aborder les échanges dans un état d’esprit plus constructif.

Il est aussi essentiel de poser un cadre clair dès le départ, en précisant l’objectif de l’échange et en rappelant que l’enjeu n’est pas de désigner un coupable, mais de rétablir une collaboration saine. Enfin, le chef de projet devra parfois arbitrer entre des attentes contradictoires : rechercher un compromis réaliste sans renier les objectifs du projet est un exercice délicat, mais indispensable pour sortir d’une impasse.

4. La positivité

Si vous ne voyez le verre qu’à moitié vide, il est possible que cette énergie négative ne vous aide pas à sortir du pétrin. Appelez cela comme du réalisme ou tout ce que vous voulez ; la vérité est qu’au bout du compte, aborder la résolution d’un conflit avec espoir et positivité vous donne plus de chance de trouver des solutions.

Une astuce est de valoriser les actions réalisées ensemble qui ont rencontré le succès ou de mettre en avant les compétences professionnelles des parties ou encore de rappeler leur volonté commune à conjuguer au passé ce différend. La résolution des conflits est remplie de défis et obstacles divers. Si vous n’avez pas un mental fort, vous ne pourrez pas les surmonter. C’est pour cela qu’il faut avoir une bonne attitude face au conflit. Cela sert de catalyseur pour les autres parties prenantes qui croiront aussi à une issue positive.

5. Le leadership

Il faut un certain leadership pour résoudre les conflits pendant l’exécution d’un projet. Souvent, votre leadership vous amènera à ne pas chercher qui a raison ou qui a tort, puisque bien souvent les torts sont partagés. Il vous permettra plutôt de pousser les protagonistes à désamorcer le conflit par eux-mêmes sous votre leadership. Votre leadership vous permettra aussi d’être en mesure de faire baisser les tensions et d’agir en tant que coach pour accompagner les protagonistes. En effet, l’impartialité n’est pas synonyme de passivité dans le conflit.

En tant que chef de projet, vous devez écouter tous les points de vue et proposer si possible des moyens et des solutions pour résoudre la crise. Vous êtes censé bien connaitre votre équipe en sachant dire si une personne traverse une période difficile - et de ce fait très sensible - ou si cette personne a un caractère difficile.

6. La connaissance du projet

Malheureusement, si vous ne maitrisez pas correctement le projet, il peut vous sembler difficile de comprendre certaines oppositions. Tout comme les soft skills présentées, les compétences techniques sont nécessaires pour arriver à dénouer une crise sur un projet. Une opposition peut parfois masquer un désalignement sur les priorités, les contraintes techniques ou les responsabilités. D’où l’importance, pour le chef de projet, de faire la part entre les facteurs objectifs (enjeux opérationnels, périmètre, pression temporelle) et les facteurs plus subjectifs comme la personnalité ou l’historique relationnel entre les membres de l’équipe.

Le triangle de Karpam : grille de lecture comportementale

Il existe plusieurs techniques dont certaines sont bien connues et utilisées en psychothérapie, en sociopsychologie des organisations et en coaching. Le triangle dramatique de Karpman est l’outil le plus populaire considéré comme une grille de lecture pour comprendre ce qui se passe dans une relation ou à l’échelle d’un individu. C’est une méthode psychologique inventée par le psychologue du même nom dans les années 60 pour expliquer certains problèmes et comportements relationnels.

Dans les situations difficiles comme les conflits, un jeu psychologique se met en place inconsciemment. Chaque personne se retrouve piégée dans une posture : persécuteur, victime ou sauveur. Ce jeu inconscient consomme beaucoup d’énergie psychique. Il faut être conscient de ce qui se passe pour en sortir et retrouver des relations plus saines.

La Victime est en haut du triangle et subit les deux autres personnages, mais c’est elle qui entretient le piège. Car sans victime, il n’y aurait eu ni Persécuteur, ni Sauveur. La personne qui se met systématiquement en position « victime » peut manipuler (en silence) l’autre personne. C’est la partie la plus difficile à gérer dans un conflit, car on a tendance à tomber dans le piège et se sentir obligé de soutenir la « victime ».

Comment utiliser cet outil en gestion de conflit ? Cet outil est surtout utile pour comprendre les conflits relationnels qui perdurent sans raison apparente. Il y a par exemple un conflit sérieux quand les deux personnes impliquées sont piégées dans la posture de « persécuteur ». Tout l’enjeu pour le manager est alors de les ramener à adopter un comportement « adulte », autrement dit « responsable ». C’est surtout pour comprendre ce qui se passe dans une relation conflictuelle et ce qui empêche les personnes impliquées de sortir de cette situation.

Le manager d’équipe formé au triangle de Karpman sera mieux armé pour aborder avec confiance une médiation. Si les deux personnes sont prises dans un jeu psychologique (inconscient), le manager saura les aider à en sortir, notamment en leur expliquant de manière simple ce qui se passe dans la relation entre elles.

Il y a plusieurs types de conflits interpersonnels dans le cadre d'une gestion de projet. Bien souvent, ces conflits résultent d'une mauvaise communication.  En travaillant à avoir une communication transparente et un bon sens de l'écoute, le chef de projet peut rendre productives ces situations conflictuelles. Il devra aussi s'armer de patience, de flexibilité et d'une intelligence émotionnelle pour réussir ce challenge.