Kaizen, ou l'art de transformer en douceur
L'approche Kaizen est un levier concret pour engager une transition régénérative au sein des organisations, tout en conciliant performance économique et transformation progressive.
Kaizen ? Non, ce n’est pas le dernier manga que mon fils souhaite désespérément que je lui offre - même si, vous allez voir, cette philosophie japonaise a tout d’un héros discret qui pourrait bien sauver le monde, un petit pas à la fois.
Je dirige une entreprise française d’édition de logiciels depuis plus de quinze ans. Je suis aussi maman de deux enfants qui grandissent dans un monde où l’urgence climatique, sociale et humaine est devenue omniprésente. Et comme beaucoup de dirigeants que je côtoie, je me pose cette question : comment transformer notre modèle sans renier la réalité du terrain, sans perdre l’équipe en chemin, et sans sacrifier la performance ?
J’ai découvert le concept de modèle régénératif en rejoignant la Convention des Entreprises pour le Climat en 2024. Le régénératif m’a ouvert une perspective nouvelle : celle d’une économie qui ne se contente plus de “moins polluer” ou de “compenser”, mais qui prend soin, régénère, répare.
Une philosophie simple, une puissance tranquille
Mais très vite, une autre réalité s’est invitée : comment rendre cette vision compatible avec les exigences business ? La marge brute, les charges, la croissance et les échéances clients ne disparaissent pas parce qu’on a envie de faire mieux. Et c’est justement là que Kaizen est venu faire le lien.
Kaizen, vient de "Kai" (changement) et "Zen" (meilleur). C’est une philosophie japonaise qui s’est développée dans le Japon de l’après-guerre, et qui a été portée notamment par Toyota dans le cadre du lean management. Mais au fond, Kaizen va bien au-delà des processus industriels : c’est une culture du progrès progressif, partagé, incarné, où chaque collaborateur a un rôle à jouer. Pas besoin d’un grand plan de transformation. On commence petit. On avance. On apprend. On ajuste.
Ce que j’aime dans Kaizen, c’est que ça ne fait pas peur. On ne demande pas à l’équipe de tout révolutionner. On leur propose d’améliorer ce qui est déjà là, à leur échelle. Et ça change tout.
Quand la transformation se joue dans les détails
Aujourd’hui, je suis convaincue que l’approche régénérative est non seulement souhaitable, mais vitale. Mais je sais aussi qu’elle peut impressionner, voire inquiéter : par son ampleur, sa nouveauté, ou parce qu’elle semble parfois éloignée des réalités économiques.
Avec Kaizen, on a une manière d’ancrer cette ambition dans le quotidien, dans des gestes simples, dans des décisions prises ensemble. C’est une manière de rendre la transition soutenable, au sens propre : soutenue par les collaborateurs, soutenue dans le temps, soutenue dans ses résultats. Et c’est, je crois, ce qu’on cherche tous en tant que dirigeants : faire mieux sans tout casser, avancer sans désorienter, transformer sans perdre ce qui fait ce que nous sommes.
Une transition à visage humain
Dans mon parcours de fondatrice, j’ai appris que les idées, aussi belles soient-elles, ne suffisent pas. Ce qui compte, c’est comment on les traduit dans les faits, comment on embarque les équipes et les clients et comment on tient dans la durée.
Kaizen m’a permis de dépasser cette tension entre “il faut changer” et “je ne sais pas comment faire”. Il m’a montré qu’on pouvait agir sans tout chambouler, qu’on pouvait rêver grand tout en avançant petit. Et surtout, que l’impulsion du changement pouvait venir de partout, et certainement pas uniquement du sommet.
Faire sa part, pas à pas
Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je crois profondément que notre responsabilité de dirigeant, c’est de créer les conditions pour que le changement ait lieu. C’est de montrer que performance et impact peuvent cohabiter, à condition de repenser notre manière de faire.
Kaizen n’est pas spectaculaire. Il est humble. Mais il est profondément transformateur. Il offre un chemin, là où trop souvent on attend un miracle. Alors non, Kaizen n’est toujours pas le dernier manga à la mode. Mais il a tout d’une saga qui mérite d’être suivie : une histoire où les vrais héros n’ont pas de super-pouvoirs, mais améliorent patiemment les choses, un petit geste à la fois.
Et si vous êtes encore là à me lire, c’est peut-être que vous aussi, vous avez ce scénario en vous. Tant mieux : les plus belles transitions commencent souvent en douceur. Mais elles finissent par tout changer.