Donald Trump, meilleur allié d'une économie plus résiliente et durable, malgré lui ?

Et si la politique commerciale brutale de Donald Trump pouvait, malgré elle, ouvrir des brèches vers un avenir plus soutenable pour les États-Unis ?

Annoncé le 2 avril par le Président Trump comme le "Liberation Day", ce jour marqué par l’imposition de droits de douane réciproques d’une ampleur inégalée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale inaugurerait un nouvel "âge d’or" de l’Amérique. Ce jour de libération pour les États-Unis marquerait-il la "fin de l’Histoire", annoncée en 1989 à la veille de la chute du mur de Berlin ?

Petit retour en arrière : à l’été 1989, alors que le monde communiste est en pleine effervescence, Francis Fukuyama, conseiller de l’administration Reagan, expose dans un article publié dans The National Interest sa théorie de la fin de l’Histoire. L’effondrement des régimes communistes en Union soviétique et en Europe centrale aurait signifié, selon lui, la victoire écrasante du libéralisme politique et économique, ouvrant la voie à un capitalisme mondialisé. Pourtant, ce libéralisme triomphant ne s’est pas toujours accompagné de l’avènement d’une démocratie libérale, comme le montrent les exemples de la Chine, du Vietnam ou encore de la Russie.

Une rupture de l’ordre commercial international

Les annonces du 2 avril ne signent sans doute pas la fin de l’Histoire, mais marquent clairement la fin d'une certaine histoire : celle de la "mondialisation heureuse". Elles rompent avec l’ordre commercial international construit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, des accords de Bretton Woods à la création de l’OMC en 1995.

L’objectif de cette politique protectionniste est double. À court terme, les tarifs douaniers punitifs – 104 % pour la Chine, 46 % pour le Vietnam ou encore 20 % pour l’Union européenne (début avril 2025) – visent à remplir les caisses de l’État pour financer les baisses d’impôt promises durant la campagne de 2024. Selon Peter Navarro, conseiller commercial de Trump, ces droits pourraient rapporter 600 milliards de dollars par an. À plus long terme, ils visent à réduire le déficit commercial – plus de 920 milliards de dollars en 2024 – et à réindustrialiser le pays en incitant les entreprises à relocaliser.

L’administration Biden avait amorcé une politique de friendshoring, visant à sécuriser les approvisionnements en orientant la production et les échanges commerciaux avec des pays considérés comme alliés ou amis. L’administration Trump va plus loin avec une logique de reshoring massif, favorisant un repli industriel national.

Les vertus insoupçonnées des tariffs

Faut-il pour autant rejeter en bloc cette stratégie ? Derrière le chaos qu’elle suscite, ne peut-on y déceler quelques vertus insoupçonnées ? En rapprochant producteurs et consommateurs, cette politique de relocalisation industrielle pourrait favoriser des circuits courts plus respectueux de l’environnement. Moins de transports, donc moins d’émissions de CO2. Moins de dépendance aux chaînes logistiques mondialisées, donc plus de résilience face aux crises internationales, comme l’a montré la pandémie de 2020. Par cette politique de reshoring, Donald Trump ne serait-il pas finalement le meilleur allié malgré lui d’un modèle économique plus résilient et durable ?

Dans cette dynamique, la réindustrialisation pourrait même servir une écologie industrielle et territoriale (EIT), qui favorise les synergies locales entre entreprises pour mutualiser ressources et énergies. Plutôt qu’un retour vers un productivisme dépassé, elle serait une opportunité de transformation durable, conciliant compétitivité, souveraineté et responsabilité écologique.

Choc d’inflation et sobriété subie

Certes, cette lecture n’était probablement pas celle du président Trump. Et les effets à court terme seront douloureux avec une augmentation des prix et l’accélération de l’inflation, comme l’a annoncé le mois dernier la Réserve fédérale américaine (FED). Le choc d’inflation devrait amputer le pouvoir d’achat de chaque ménage américain de 3 800 dollars en moyenne, selon The Budget Lab (université Yale). Les ménages les plus modestes seront les plus touchés, avec une perte de 4 %, contre 1,6 % pour les plus aisés.

Cette pression économique pourrait de ce fait initier un mouvement vers une sobriété non pas choisie mais subie, au prix d’un accroissement des inégalités. Moins de consommation, plus de discernement, plus de relocalisation : c’est, peut-être, paradoxalement, un pas vers un modèle plus soutenable.

Pour autant, il ne faut pas occulter les conséquences globales : les pays les plus fragiles, très dépendants des exportations, verront leur croissance, leur emploi et leur stabilité politique s’affaiblir. Le choc protectionniste américain risque de déstabiliser l’ordre économique mondial qui a permis au cours des dernières décennies de sortir du sous-développement nombre de pays ayant trouvé leur place dans les échanges internationaux.

Donald Trump, en voulant restaurer la puissance industrielle américaine par une politique commerciale brutale, pourrait bien devenir – malgré lui – l’artisan d’une économie plus résiliente et durable. Mais le président Trump est surtout celui par qui l’injustice et le désordre éclatent au niveau international, n’épargnant aucun pays – aux exceptions notables de la Russie et de la Biélorussie.