L'hybridation entre marketing et RH : la seule voie possible
L'expérience collaborateur, du recrutement à l'ensemble du parcours dans l'entreprise, est devenue plus que jamais déterminante.
L’expérience collaborateur, du recrutement à l’ensemble du parcours dans l’entreprise, est devenue plus que jamais déterminante.
D’un point de vue de la performance client, depuis une trentaine d’années le lien direct entre le niveau de satisfaction des collaborateurs et celui des clients est établi (Service Profit Chain - Heskett, Sasser et Schlesinger).
D’un point de vue économique, entre le temps passé par les managers à recruter, les frais de recrutement externes, le temps passé à la formation, à l’intégration d’un nouveau collaborateur, ou encore la perte temporaire de productivité ; le remplacement d’un collaborateur partant coûte de 6 à 9 mois de son salaire brut (selon les études Gallup et SHRM). Soit, en prenant le salaire brut moyen français Insee, un coût d'environ 30 000 euros par remplacement.
Parallèlement, les entreprises et institutions n’ont, justement, jamais été autant impactées par des difficultés de recrutement, de rétention et d’engagement de leurs équipes. Poussés par une singularité toujours plus forte des revendications des collaboratrices et collaborateurs, les managers doivent faire de plus en plus dans le “sur-mesure”, profil par profil, cible par cible, offre par offre... en d’autres termes, soigner l’expérience collaborateur.
Technologique, physique et culturelle, l’expérience collaborateur est bien un sujet transverse et plus uniquement un sujet de management de proximité. Pour faire face aux défis du recrutement, de la fidélisation et de la mobilisation du capital humain, il est nécessaire de dépasser le champ d’action historique de chacun et d’hybrider les expertises. Or, il faut bien l’avouer, si elles tendent à devenir un partenaire stratégique pour leurs dirigeants, les directions RH, dont le background initial est majoritairement juridique et social, sont bien souvent considérées uniquement dans leurs dimensions « d’experts administratifs ». Avec, comme l’ont montré différentes études (Cornell University), une acception très fonctionnelle de leur rôle (paie, conformité légale des contrats et de leur rupture, relation avec les partenaires sociaux, budget formation, maîtrise de la masse salariale, etc.). Ainsi, rares sont les réponses émanant des équipes ressources humaines en termes d’expérience collaborateur, qui s’éloignent de préconisations centrées sur les politiques RH, le système de rémunération, la gestion de la mobilité interne, ou l’inclusion et la diversité. Dimensions qui, bien qu’extrêmement importantes, ne sont qu’une partie seulement de ce qui constitue l’expérience collaborateur, comme l’a encore démontré notre dernière étude IPSOS pour Insign (“La politique RH idéale des jeunes français.es” - 2023).
Avez-vous remarqué que, lorsque l’on parle de ressources humaines, on parle désormais de marque employeur, de théorie de la marque, d’attributs et de bénéfices, d’expérience, de parcours, d’avantage concurrentiel, d’offre, de rétention et fidélisation, de ciblage, d’engagement ? Même si, dans ces expressions, par analogie et symétrie les « collaborateurs » ont remplacé les « consommateurs », nous voyons bien à quel point celles-ci sont directement inspirées du marketing.
L’éditorial d’un numéro de Décisions Marketing le soulignait dès 2020 : les expertises RH et marketing ne se croisent et ne se parlent que trop rarement, il n’a pourtant jamais été aussi impératif de les hybrider. Certes, il y a un mouvement d’hybridation en cours, mais les ressources humaines se contentent trop souvent d’intégrer des profils “communication” dans leurs équipes à des postes de gestion de la “marque employeur”. Pourtant, de la même manière qu’on ne peut pas résumer le marketing à de la communication externe, on ne peut pas résumer le marketing RH à de la communication RH.
Pour faire la différence sur un marché tendu, il s’agit bien désormais d’avoir une approche du marketing RH dans ses dimensions les plus stratégiques :
- Définir mes cibles RH (profils types, hard et soft skills, localisation), leurs freins et motivations, au regard de la stratégie de l’entreprise sur le long terme.
- Distinguer mes profils “idéaux” de ceux sur lesquels j’ai le plus de chance d’être profitable (de la « customer lifetime value » à l’« employee lifetime value »).
- Définir les offres que je leur propose, mes avantages concurrentiels par rapport à ma véritable concurrence RH, mon « employee value proposition ».
- Veiller à mon « Top of mind » en tant qu’employeur sur ma cible, mon attribution aux métiers critiques, la fierté que je génère, l’employabilité que je génère, etc.
- Distribuer et communiquer tous ces éléments au mieux.
- Veiller à ce que mes recruteurs soient des « vendeurs » pertinents.
- Définir le parcours, les moments clés et balises expérientielles que je propose à mes profils cibles.
- Évaluer si les outils et l’infrastructure que j’ai à ma disposition sont les bons pour recruter, fidéliser et mobiliser.
- Identifier et fédérer mes prescripteurs et ambassadeurs.
Et la liste pourrait être encore bien plus longue. Nous ne sommes qu’au début de cette hybridation entre marketing et RH, si nécessaire aux défis de demain.