Ilan Ouanounou (Edenred) "Les seuls qui réussissent sur le marché du titre-restaurant sont ceux qui investissent beaucoup"

Part des titres-restaurant utilisés en magasin, titres perdus chaque année, commission prises au restaurateur... Ilan Ouanounou, directeur général d'Edenred France nous en dit plus sur les titres-restaurant en cette période d'inflation.

JDN : La part employeur sur les titres-restaurant qui est exonérée de cotisations sociales a été augmentée deux fois au cours de l'année 2023. Suite à cela, avez-vous constaté une augmentation des titres-restaurant par les employeurs ?

Ilan Ouanounou, directeur général d'Edenred France. © Edenred

Ilan Ouanounou. Ce que l'on ne voit pas, c'est qu'après les annonces du gouvernement pour augmenter la part exonérable du titre-restaurant, il y a tout un travail à faire pour les sociétés émettrices de ces titres comme Edenred. Notre équipe commerciale se rend dans les entreprises et leur explique l'évolution de la réglementation pour les encourager à augmenter la part employeur sur ces titres et ça fonctionne. Chez Edenred, la moitié de nos entreprises clientes ont augmenté d'environ 10% la valeur du titre-restaurant, saisissant ainsi l'opportunité créée par le gouvernement.

Quelle est la part des titres-restaurant utilisés en restaurants et en magasin d'alimentation ? 

Auparavant, près de 2/3 des titres étaient dépensés en restauration, aujourd'hui c'est moins d'un sur deux avec l'élargissement des produits éligibles aux titres-restaurant en magasin. Selon l'Umih (Union des métier de l'industrie et de l'hôtellerie), seuls 43,3% des titres-restaurant sont dépensés en restauration, sur place ou à emporter. De notre côté, nous pensons que le titre-restaurant doit être davantage dépensé en restauration qu'en supermarché parce que c'est sa vocation première. C'est le financement d'une pause déjeuner de qualité pour les salariés sur leur journée de travail. Les salariés qui bénéficient de titres-restaurant vont cinq fois plus au restaurant que les autres et sautent deux fois moins la pause déjeuner et bien se nourrir durant son temps de travail, c'est un facteur de concentration, de productivité, d'efficacité. 

Les Français ont encore le droit d'utiliser leurs titres-restaurant pour acheter des aliments qui ne sont pas immédiatement consommables durant l'année 2024, qu'en pensez-vous ?

En supermarché, il y a des espaces de snacking avec des salades, sandwiches et des boissons, c'est donc légitime que ce type de magasins soient partie prenante en ce qui concerne les titres-restaurant, car ces produits sont immédiatement consommables. Toutefois depuis 2022, avec l'inflation, une loi élargit l'usage des titres-restaurant à des produits non consommables immédiatement comme le riz, les pâtes, la viande crue… Cela doit rester temporaire et s'arrêter au 31 décembre 2024. D'ailleurs, d'ici là, l'inflation devrait diminuer et justifier l'arrêt de cette mesure. 

De nombreux médias évoquent 10% de titres-restaurant non utilisés chaque année, confirmez-vous ce chiffre ?

Ces chiffres sont faux, ils proviennent d'une start-up et ont été repris sans précaution par d'autres médias. C'est une fake news, vous pourrez vérifier auprès de la CNTR, ce chiffre est de seulement 1,25%, ça représente 100 millions sur un marché de 9 milliards d'euros. Avec les titres dématérialisés, nous sommes proches de 0% de perte.  

Aujourd'hui, de nouvelles sociétés émettrices de titres-restaurant ne prennent aucune commission aux restaurateurs, que pensez-vous de ce modèle ?

Pour moi, c'est une erreur. Ces sociétés aimeraient bien prendre des commissions aux restaurateurs, mais elles ne le font pas car c'est compliqué à faire. Nous sommes des apporteurs d'affaires pour les restaurateurs, cela a une valeur. Le business modèle d'un émetteur c'est un modèle dans lequel on investit énormément au niveau commercial et digital. Beaucoup de start-ups n'auront pas les moyens d'investir. Une fois qu'elles auront consommé la cash qu'elles ont levé auprès des investisseurs, elles devront se poser la question de la rentabilité de leur modèle. Les seuls qui ont vraiment réussi sur ce marché sont ceux qui ont beaucoup investi, comme Sodexo ou Swile qui est rentré sur le marché récemment.

Edenred prélève-t-il le même taux de commission auprès de la restauration et des magasins d'alimentation ?

Notre tarif public est de 4,18% pour tous, restaurateurs et supermarchés. Après, ce taux peut varier en fonction de chaque négociation. C'est normal que le restaurateur contribue à notre travail, il le fait de façon très raisonnable, avec une commission qui est de 4% en moyenne. C'est peu comparé à des sociétés comme Deliveroo ou Ubereats qui prennent des commissions de l'ordre de 15 à 25%.

Entré chez Edenred France en janvier 2022 comme directeur général, Ilan Ouanounou a auparavant occupé les postes de directeur exécutif de Carrefour Proximité, directeur général d'EpiSaveurs (groupe Pomona) et vice-président sales & marketing de Coca-Cola France.