Voici où s'écrasent les satellites en fin de vie – cette région est l'une des plus dangereuses du monde
C'est l'endroit le plus isolé de toute terre. A l'horizon, rien, à part la mer. Une zone inhospitalière de l'océan Pacifique qui s'étend sur une surface de plusieurs milliers de kilomètres carrés avec, en son centre, un point portant le nom du célèbre capitaine de Jules Verne : Nemo.
Dans le livre Vingt Mille Lieues sous les mers, "Nemo rêvait de passer ses journées à naviguer sur les sept mers, pour ne plus jamais poser le pied sur la terre ferme. Le nom m'a donc semblé approprié", justifie Hrvoje Lukatela, ingénieur qui a calculé l'emplacement du point Nemo, dans une interview au média bulgare, Geomedia.
Pour les amoureux de voile, c'est une zone bien connue, car tous les quatre ans des dizaines de skippers la traversent lors du mythique Vendée Globe. C'est une mer redoutée des marins, coincée entre la Nouvelle-Zélande et le cap Horn. Il faut plusieurs jours pour rejoindre le premier port. Les terres les plus proches ? Plusieurs îles inhabitées, dont l'une appartient à l'archipel de l'île de Pâques, à environ 2 690 kilomètres - cette estimation varie légèrement selon le mode de calcul.

Ce point est si éloigné de toute terre que, théoriquement, les habitants les plus proches sont les astronautes de la station spatiale internationale logés à "seulement" 400 kilomètres du point lorsqu'ils le "survolent". D'ailleurs dans le jargon scientifique, on ne parle pas de point Nemo mais plutôt de SPOUA, pour South Pacific Ocean Unhabited Area (Zone du Sud Pacifique Non-habitée).
Cette terre hostile n'en est pas moins stratégique. Certaines agences spatiales utilisent ce désert océanique comme poubelle. Lanceurs, propulseurs, satellites en "fin de vie" ou autres débris s'écrasent ou sont pulvérisés dans le ciel du point Nemo. D'après le magazine américain Popular Science, entre 1971 et 2016, plus de 263 engins spatiaux - sans compter les petits débris - ont été envoyés au point Nemo, dont la majorité serait d'origine russe.
Aujourd'hui, des organisations internationales prévoient dans leurs parcours de mise en orbite de larguer les débris dans cette zone, comme en juillet 2024 lors du premier lancement d'Ariane 6, mais cette pratique reste marginale. "L'année passée, 2 094 objets catalogués - de plus de dix centimètres - sont rentrés dans l'atmosphère. Sur ces 2094, une vingtaine seulement l'a été de manière contrôlée" fait savoir Christophe Bonnal, membre de l'Académie de l'Air et de l'Espace et expert en débris spatiaux.
Mais ce cimetière de satellites est particulièrement connu pour avoir accueilli les restes de la toute première station spatiale internationale, Mir. Lancée par les Russes en 1986, elle fut détruite volontairement quinze ans plus tard. D'ici cinq à dix ans, c'est l'emblématique Station spatiale internationale (ISS) qui devrait rejoindre ce vaste cimetière sous-marin.