Diego Harari (Vinci Immobilier) "Je ne crois plus vraiment au concept de smart city"
Le directeur général adjoint de Vinci Immobilier, chargé de la stratégie et de la transformation durable, détaille au JDN ses attentes mais aussi ses déceptions vis-à-vis des technologies IoT.
JDN. Vinci Immobilier a pour objectif d'atteindre la zéro artificialisation nette en 2030 et de réaliser 50% de son chiffre d'affaires dans des opérations de recyclage urbain. Quel rôle jouent les technologies dans ce projet d'entreprise ?
Diego Harari. Parvenir à la zéro artificialisation nette n'est pas pour Vinci Immobilier un sujet technologique. Cette stratégie va principalement s'appuyer sur le choix des bons terrains. Nous voulons privilégier, à la place de l'extension urbaine, le recyclage urbain. Ce concept, qui n'est pas encore normé, signifie le choix de terrains sur lequel l'activité est obsolète. Cela peut concerner des friches industrielles mais aussi des bureaux, dans le tertiaire, qui ont une mauvaise performance énergétique. Dans cette phase de rénovation, nous aurons besoin de la technologie numérique pour connaître, en amont des travaux, ce qu'il y a derrière les murs. Par exemple, il y a beaucoup de faux plafonds dans les bâtiments tertiaires : nous voulons savoir s'il y a une poutre derrière, quel est son dimensionnement, la charge qu'elle est capable d'accepter, etc. Nous avons actuellement ces informations au dernier moment, une fois le faux plafond démonté, ce qui cause des pertes alors que le métier de l'immobilier porte sur la maîtrise des risques, en sachant ce à quoi vous allez devoir faire face. Nous avons des attentes pour bénéficier d'outils similaires à ce qui se fait dans le secteur des réseaux enterrés afin de cartographier l'existant sous le sol. Pour l'heure, nous n'avons rien trouvé de pertinent.
Concernant ces outils, avez-vous des attentes des solutions IoT, afin de faire évoluer vos bâtiments dans les projets de smart city ?
Nous regardons ce qui se fait sur le marché mais je ne crois plus vraiment au concept de smart city. Les acteurs, et moi particulièrement chez Vinci Immobilier, ont été trop ambitieux sur ce sujet. On a cru aux promesses technologiques et l'on s'est fait des représentations d'un avenir avec les smart cities. Je suivais à une époque tout ce qui concernait les nouveaux protocoles comme Matter. On a pensé à des plans business et à des offres pour le logement pour le transformer en smart home de manière généralisée. Nous pensions que les nouvelles générations d'IoT nous permettraient de passer rapidement des vieux réseaux fonctionnant en bus à des réseaux sans fil qui dégageraient des valeurs d'usage.
Mais dans la vraie vie, cela ne s'est pas déroulé ainsi. Nous avons très vite été confrontés à la fois à une énorme difficulté opérationnelle – nous avons dû faire face à l'échec de projets et la start-up de la smart home dans laquelle nous avions investi a fait faillite. Et en parallèle nous n'avons pas réussi à créer suffisamment de valeur pour l'utilisateur final. Les solutions sont restées avec une image de gadget. Résultat, l'IoT pour le smart building a généré beaucoup de contraintes et peu de valeur, cela ne pouvait finir autrement qu'en faisant pschitt. Toutefois, cela ne veut pas dire que l'on abandonne tout. Les projets qui fonctionnent continuent peu à peu à progresser et on se focalise désormais sur des usages spécifiques. A mes yeux, l'IoT devient une tendance progressive, qui s'inscrit sur le long terme, mais ne constitue pas une révolution pour la ville de demain.
Avez-vous d'autres sujets liés à la tech ?
Nous intégrons comme tout le monde de plus en plus d'intelligence artificielle. Pour l'heure, l'IA nous sert dans un périmètre restreint, lié à l'identification d'opportunités, à l'estimation de prix et à l'automatisation des traitements de portefeuilles fonciers. On bénéficie de l'expertise d'une spin-off spécialisée sur ce sujet. Mais notre principal sujet concerne plutôt l'appropriation des technologies par les équipes. Les jumeaux numériques par exemple représentent, un vrai changement dans les façons de faire notre métier, il faut réapprendre, se challenger. Les jumeaux numériques existent néanmoins depuis longtemps dans d'autres secteurs. De même, dans le bâtiment, nous travaillons sur les pompes-à-chaleur. Ces dernières deviennent plus performantes et intègrent de l'innovation mais on ne peut pas dire que cela soit un produit green tech à proprement parler, c'est une technologie qui a déjà des décennies. Au final, nos projets ne sont pas liés à une technologie qui s'avère exceptionnelle, mais l'innovation vient du fait que l'on applique des outils à de nouveaux usages.
Diego Harari est directeur général adjoint stratégie et transformation durable de Vinci Immobilier depuis août 2023. Il a commencé sa carrière en tant que responsable cellule HQE chez Saunier et associés de 2007 à 2011. Il est ensuite devenu responsable du développement Green Building chez Bureau Veritas de 2011 à 2014, avant de rejoindre Vinci Immobilier en 2014, au poste de directeur du développement durable et de l'innovation.