Droits d'auteurs et IA : pourquoi les acteurs de la publicité digitale doivent s'engager aux côtés des éditeurs
Les éditeurs attaquent Meta pour usage illégal d'œuvres par l'IA. Les acteurs pub doivent les soutenir, protéger les contenus, garantir un trafic sain et promouvoir un usage équitable de l'IA.
Les auteurs français assignent en justice Meta, qui utilise illégalement leurs œuvres pour nourrir son outil d’IA. Les éditeurs d’information, de leur côté, ont cherché à négocier, sans succès avec les sociétés d’IA, et entreprendront sans doute, eux aussi des actions en justice. Les acteurs de la publicité digitale doivent s’engager dans ce combat et soutenir les éditeurs de contenu.
Michel Houellebeck ou Patrick Modiano percevront-ils bientôt des royalties versées par Meta ? C’est en tout cas ce qu’exigent plusieurs syndicats d’éditeurs français, qui viennent d’attaquer en justice le groupe de Mark Zuckerberg. Motif : Meta a illégalement utilisé le contenu de milliers de livres français pour entraîner son IA, sans en avertir les auteurs concernés, et sans les rémunérer. Cette attaque inédite du monde littéraire contre les géants de l’IA en rejoint une autre : celle que mènent déjà les éditeurs d’information, dont le travail est largement utilisé pour entraîner les outils d’IA.
Que souhaitent les médias français ? D’abord, le fait de pouvoir refuser que leurs contenus soient utilisés gratuitement pour entraîner des modèles d’IA… et que leur volonté soit respectée. Nombre de médias ont déjà exprimé ce refus, mais cela n’a pas empêché les robots d’indexation de continuer à collecter leurs données. Ensuite, ils demandent aux moteurs d’IA, lorsqu’ils reprennent leurs informations, de les citer en tant que sources, et de les rémunérer.
Pour l’heure, le moins qu’on puisse dire est que les discussions patinent : à l’exception du Monde et de l’AFP, aucun média français n’a signé d’accord avec une entreprise d’IA. Les 800 autres titres de la presse française ont pourtant cherché, via leurs syndicats, à entrer en négociation avec ces fabricants d’IA. Un seul leur a répondu : Open AI, le créateur de Chat GPT, a refusé toute discussion, expliquant qu’elle n’en voyait pas l’intérêt. De nouvelles actions en justice se préparent donc.
Baisse de trafic pour les sites d’information, du fait de la domination des outils d’IA
Les éditeurs d’information, dans cette affaire, ne se battent pas uniquement pour faire rémunérer l’utilisation de leurs contenus : ils se trouvent également confrontés à une baisse de fréquentation de leurs sites, car les utilisateurs se contentent des informations trouvées grâce à l’IA, et ne prennent plus la peine de se rendre sur les sites auteurs de ces informations. Les moteurs d’IA enverraient ainsi 96% de trafic en moins sur les sites d’information que les moteurs de recherche type Google .
Se faire dépouiller à la fois de leurs contenus et de leurs lecteurs pose évidemment un problème de taille aux éditeurs de presse. Et comme si cela ne suffisait pas, ils doivent, de plus, faire face à un autre danger : recevoir plus de visites émanant de robots venus chercher de l’information pour des outils d’IA que de « vrais » utilisateurs. Ce changement dans la nature de leur trafic présente un risque majeur : non seulement il surcharge leurs serveurs, mais de plus peut les faire entrer dans la catégorie des sites peu fiables aux yeux des publicitaires, et leur faire perdre encore plus de ressources.
Soutenir les éditeurs d’information et identifier le trafic illégal venu des IA
Personne n’a intérêt à affaiblir à ce point les éditeurs d’information : ni les citoyens, ni les marques, ni même les outils d’IA. Tous ont besoin de continuer à disposer des informations fiables, produites par de vraies équipes de journalistes, équitablement rétribués pour ce travail. C’est pourquoi les marques et agences de publicité digitale ont un rôle majeur à jouer dans cette évolution. D’abord, en soutenant les médias d’information de qualité, et en continuant à leur confier leurs budgets publicitaires. Notamment, lorsqu’il s’agit d’éditeurs indépendants, ne disposant pas d’une force de frappe suffisante pour traiter avec les entreprises d’IA. Ensuite, en exerçant une vérification rigoureuse de la nature du trafic reçu par ces sites, pour ne pas mettre dans le même panier le « faux » trafic issu de robots et celui généré par les outils d’IA. Des outils de vérification sophistiqués existent pour différencier ces types de trafic et déceler l’intrusion des IA. L’industrie publicitaire doit se saisir de ces outils pour continuer à garantir aux marques une exposition sûre, dans des environnements de qualité.
Nul ne conteste l’apport indiscutable de l’IA, ni les progrès qu’elle représente pour la société dans son ensemble. Mais la façon dont les outils IA exploitent aujourd’hui les éditeurs et leurs données reste inacceptable. Pour faire changer la donne, une seule solution : agences, entreprises technologiques et régulateurs doivent travailler ensemble, pour poser les bases d’un mode de fonctionnement équitable et bénéfique pour tous.