Une collaboration public-privé pour une science ouverte et une Europe souveraine

L'IA soulève de forts enjeux socio-économiques. La collaboration entre recherche publique et privée est essentielle pour maintenir la compétitivité et garantir une autonomie technologique européenne.

L'intelligence artificielle (IA) est aujourd'hui au cœur d'enjeux socio-économiques majeurs avec une multiplication des décisions stratégiques disparates : déploiement du modèle DeepSeek-R1 prétendument avancé en raisonnement frugal, soulevant des questions de transparence, restriction des accès aux bases de données scientifiques par l’administration Trump II, investissement européens massifs dans l’IA et sa régulation et centre de donné français financé par les Emirats à venir. Dans ce contexte, il est impératif d’affirmer notre souveraineté scientifique en renforçant la collaboration entre recherche publique – socle d’innovation – et privée – catalyseurs d’impact sociétal. Préserver des dispositifs incitatifs comme le programme « Jeune Docteur », aujourd’hui remis en cause, est crucial pour maintenir notre compétitivité.

Les secteurs public et privé, malgré des différences structurelles et d’intérêt, sont deux piliers complémentaires de science et d’innovation. Fort d’une recherche fondamentale d’excellence explorant des sujets diversifiés sans contrainte de rentabilité immédiate, le public garantit une vision à long terme, essentielle sur les sujets comme le climat ou la santé, où l’IA aura un apport décisif. Start-ups et recherche appliquée transforment ces avancées en solutions concrètes, que les entreprises mettent à l’échelle, accélérant leur adoption par la société. Encourager un modèle collaboratif durable permet de maximiser l’impact de la recherche publique tout en offrant au privé des bases scientifiques rigoureuses et transparentes. Le supercalculateur Jean Zay, fruit d’une coopération entre le CNRS, GENCI et Eviden, illustre l’efficacité d’une stratégie partenariale équilibrée entre ces deux sphères. L’optimisation des investissements est également un levier clé. La recherche publique, axée sur la compréhension des modèles plutôt que leur performance, nécessite des financements stables. À l’inverse, les entreprises mobilisent ponctuellement d’importantes ressources computationnelles pour concrétiser ces avancées. Structurer les financements et mutualiser les efforts sont essentiels pour garantir l’autonomie technologique européenne.

Un autre enjeu majeur est la valorisation des talents. Les laboratoires européens, notamment français, se distinguent par des publications de haut niveau, aux côtés de leurs homologues américains, malgré des ressources moindres. Cette excellence témoigne de la performance de nos chercheurs et de la qualité de leur formation, largement financée par le contribuable. Assurer leur rétention et leur intégration dans l’écosystème de l’innovation est stratégique, surtout dans un milieu académique où la mobilité est la norme. La suppression du programme « Jeune Docteur » est donc une erreur à l’encontre des ambitions affichées d’une « start-up nation » et de notre compétitivité internationale. Maintenir de telles initiatives est essentiel pour favoriser un cercle vertueux entre recherche et innovation. Alors que les Etats-Unis, détenant la majorité des données et modèles fragilisent la science ouverte par des décisions restrictives, l’Europe doit renforcer son attractivité et structurer son leadership scientifique. Ses partenariats académiques solides et ses régulations éthiques offrent un terrain propice à la création de bases de données et de modèles de confiance. Une coopération public-privé volontariste permettrait aux entreprises d’optimiser leur retour sur investissement et d’accélérer l’innovation. A défaut, nous risquons de devenir simples consommateurs des innovations développées ailleurs, sans maîtrise des impacts et bénéfices.

L’Europe demeure un bastion de recherche indépendante et doit stabiliser ses financements en s’engageant dans une politique cohérente à long terme, au-delà des agendas politiques. Sacrifier notre recherche sur l’autel du court-termisme est une erreur. La science ouverte, rigoureuse et indépendante, est la seule garantie d’une innovation réellement bénéfique à la société.