Intelligence artificielle et musique : une révolution à double tranchant

L'intelligence artificielle est en train de transformer l'industrie musicale à une vitesse vertigineuse.

De la composition automatisée à l'analyse des tendances d'écoute, en passant par la production assistée, les outils d'IA offrent aux artistes des possibilités inédites. Pourtant, cette révolution technologique soulève des questions cruciales sur les droits d'auteur et la maîtrise des créateurs sur leurs propres œuvres.

L’IA représente des opportunités indéniables pour les musiciens. Elle permet aujourd'hui à n'importe quel artiste, amateur ou professionnel, de produire de la musique avec une qualité studio depuis un simple ordinateur. Ce qui autrefois nécessitait des infrastructures coûteuses est désormais accessible à tous. Certains outils vont même jusqu'à suggérer des mélodies, affiner des mixages et générer des paroles. Ces avancées techniques peuvent faciliter la créativité et donner naissance à de nouvelles formes d'expression musicale.

Cependant, ces innovations s'accompagnent de dangers qu'il est nécessaire d'encadrer avec principalement une menace pour les droits des artistes.

L'un des problèmes majeurs posés par l'IA dans la musique réside dans l'utilisation de données existantes pour générer de nouveaux morceaux. Les modèles d'intelligence artificielle sont entraînés sur des catalogues de musiques, souvent sans l'accord des artistes concernés. Si une IA produit une chanson en s'inspirant d'une œuvre préexistante, qui détient les droits ? L’artiste original doit-il percevoir une part des revenus générés par ces créations artificielles ? Aujourd'hui, aucune réglementation claire ne répond à ces questions.

De plus, le modèle économique actuel des plateformes de streaming ne permet déjà pas aux musiciens de vivre correctement de leur art. L’arrivée massive de contenus générés par IA risque d’accroître cette précarisation en inondant le marché de titres automatisés, diminuant encore davantage la visibilité et la rémunération des vrais créateurs.

Le Royaume-Uni est actuellement le théâtre d’une vive controverse autour des droits d’auteur et de l’IA. Le gouvernement britannique envisage une modification de la loi sur le droit d’auteur en instaurant un système de "retrait" (“opt-out”) pour l’utilisation des œuvres protégées dans l’entraînement des IA. Autrement dit, par défaut, les développeurs d’IA pourraient exploiter du contenu protégé, sauf si les ayants droit expriment explicitement leur opposition. Une mesure qui au final renverserait le principe même du droit d’auteur. En signe de protestation, plus de 1 000 artistes, dont Damon Albarn, Kate Bush et Annie Lennox, ont participé à un album silencieux symbolisant leur opposition à cette mesure.

Cette controverse illustre bien les défis posés par l’IA à l’échelle internationale et souligne l’urgence d’une réglementation plus protectrice des artistes.

Les artistes doivent pouvoir garder le contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres par les IA. Il ne suffit pas de leur donner la possibilité d’interdire l’accès à leurs créations, car il est impossible, pour un musicien isolé, de surveiller l’ensemble des acteurs du secteur. Une législation claire doit être mise en place pour garantir une rémunération juste et équitable des artistes dont les musiques sont utilisées pour entraîner ces modèles.

Des solutions techniques existent déjà. Il est possible de tracer les morceaux exploités par les IA et de répartir les revenus en fonction du pourcentage d'utilisation des œuvres. Mais cela n’aura de sens que si des mesures contraignantes obligent les entreprises technologiques à rendre ces informations accessibles et à respecter les droits des artistes.

Comme pour toute nouvelle innovation, il est essentiel de trouver un équilibre entre technologie et créativité.

L’intelligence artificielle dans la musique est encore en phase de maturation, mais son impact va s'accélérer dans les années à venir. Il est impératif de définir un cadre éthique et économique avant que les artistes ne soient totalement dépossédés de leur travail.

Cette technologie peut enrichir la création musicale si elle est encadrée de manière équitable. En revanche, sans régulation, elle pourrait accélérer la précarisation des artistes et remettre en cause l'essence même de la musique : une expression humaine avant tout.

Le choix nous appartient encore, mais il faut agir vite.