Comment former au mieux ses collaborateurs à l'IA générative
L'engouement autour de l'IA générative rebat les cartes du marché de l'emploi. Alors que ChatGPT d'OpenAI, Gemini de Google ou Claude Anthropic permettent d'augmenter les salariés et de les décharger des tâches rébarbatives et chronophages, la maitrise de ces grands modèles de langage (LLM) devient un enjeu d'employabilité. Devenir un expert dans l'art du prompt permet d'accélérer une carrière ou, à défaut, de rester dans la course en termes de compétences attendues par le marché.
Selon une étude du cabinet de recrutement Robert Half, une majorité (53%) des salariés se disent prêts à suivre une formation "pour évoluer vers un nouveau rôle si leur travail devenait partiellement automatisé ou que leur employeur leur demandait de changer de rôle et d'acquérir de nouvelles compétences". A défaut, 17% d'entre eux se disent prêts à changer d'employeur. Ainsi, proposer une formation aux outils de gen AI permet non seulement aux entreprises d'accélérer leur adoption mais aussi d'en faire un levier d'attractivité et de rétention des talents.
Une multitude de ressources pédagogiques gratuites
Pour autant, dans une autre étude publiée par LinkedIn, il y a un an, seules 38% des entreprises françaises ont mis en place un programme d'accompagnement de leurs employés pour les aider à se familiariser avec l'IA. Un chiffre qui interroge. Si les formations manquaient cruellement lors du lancement tonitruant de ChatGPT, fin 2022, il existe aujourd'hui une pléthore de formations génériques en ligne et pour la plupart gratuites. Ces ressources pédagogiques, de type Moocs, décrivent les principes généraux de l'IA générative et démontrent quelques cas d'usage.
LinkedIn Learning, la plateforme formation du réseau social professionnel éponyme, a mis en ligne quelque 250 cours gratuits. Les institutionnels France Université Numérique et Bpifrance Université ou les spécialistes du digital learning comme OpenClassrooms et Coursera proposent des parcours de formations complets. Les géants américains du numérique ne sont pas en reste qu'il s'agisse d'AWS (programme Skills to Jobs Tech Alliance), de Google (Ateliers Numériques) ou d'IBM (AI Academy). Meta s'est, lui, associé à Simplon pour organiser des ateliers d'initiation en présentiel.
Aisément accessibles, ces contenus pédagogiques présentent l'avantage d'acculturer à l'échelle l'ensemble des collaborateurs. S'agissant pour l'essentiel de populations non techniques, il s'agira de sélectionner les formations qui vulgarisent des concepts parfois complexes mais dans un langage clair, en multipliant les exemples concrets. On privilégiera les formats courts et modulaires, de type micro-learning, qui tiennent plus facilement dans des agendas surchargés.
Adopter les bonnes pratiques, développer l'esprit critique
Ces formations génériques ne font toutefois que décrire les principes généraux de l'IA générative. Ils ne tiennent pas compte du niveau maturité d'une organisation dans ce domaine. L'institut Cegos propose un outil d'auto-diagnostic, baptisé AI Profiler, qui classe les organisations en quatre catégories (explorer, learner, adopter et transformer) puis, en fonction du niveau atteint, suggère des actions de formation prioritaires.
"Les contenus standards ne prennent pas en compte la culture IA spécifique de l'entreprise, ni sa politique de régulation et d'éthique", complète Grégory Gallic, responsable d'offre et d'expertise chez Cegos et expert de la formation à l'IA. "Or, l'intégration responsable de l'IA repose sur un cadre clair et un accompagnement adapté aux enjeux de chaque organisation."
Pour réduire les risques de biais, d'hallucinations, de fuite de données confidentielles et d'atteintes à la propriété intellectuelle, le parcours de formation doit intégrer les usages autorisés et les bonnes pratiques conformément aux principes du code de conduite et de la charte éthique propres à chaque entreprise.
Développer l'esprit critique chez les collaborateurs est aussi crucial pour qu'ils ne prennent pas les résultats des modèles d'IA générative pour argent comptant. Un autre mouvement, de type bottom-up cette fois, consiste, selon Grégory Gallic, "à valoriser les initiatives du terrain en incitant les équipes à tester et explorer l'IA de manière encadrée, afin de favoriser une adoption maîtrisée et durable".
Formations sur mesure et ateliers
Au-delà des formations packagées de type "3h chrono pour se sensibiliser à l'intelligence artificielle", Cegos propose ainsi des sessions sur mesure qui intègrent le volet risques ainsi que des ateliers permettant au collaborateur de mettre la main à la pâte. Il expérimente en binôme avec un formateur Cegos ou un utilisateur avancé, qui prend le nom, selon les organisations, de champion IA ou d'ambassadeur IA.
"Ce mentorat joue un rôle clé dans la diffusion progressive de l'IA, en s'appuyant sur des relais internes capables d'accompagner leurs pairs dans l'appropriation des outils", juge Grégory Gallic. "Expérimenter avec un collègue est plus puissant qu'avec un formateur".
Après l'acculturation, on rentre dans un second temps dans celui de la professionnalisation. Il s'agit de former aux apports de l'IA sur le métier spécifique du collaborateur que celui-ci évolue dans le domaine des DRH, du marketing, de la communication ou de la gestion de projet. "C'est une transition essentielle pour passer d'une simple sensibilisation à une intégration concrète et efficace de l'IA dans les processus métiers", poursuit Grégory Gallic.
Cegos propose également un bootcamp IA d'une journée à destination des membres des comités de direction. Après avoir été sensibilisés via un état des lieux de l'IA générative, les cadres dirigeants participent à des ateliers thématiques sur ses apports au marketing, au commercial ou aux RH. En fin de journée, ils pitchent sur ce qu'ils ont retenu et évoquent le champ des possibles que permet, selon eux, l'IA générative. "La direction doit être un moteur du changement, car son engagement facilite l'adoption de l'IA à tous les niveaux de l'organisation", insiste Grégory Gallic.
Former "juste à temps"
Davantage que pour d'autres technologies, l'IA exige, par ailleurs, une formation "juste à temps", c'est-à-dire prodiguée au moment où le collaborateur doit mettre à profit les connaissances nouvellement acquises, qu'il s'agisse de rédiger un billet de blog, de créer ou retoucher un visuel, de personnaliser une campagne marketing ou de préparer un entretien commercial.
C'est sur ce créneau que se positionne Mendo. Après avoir proposé un add-in pour Excel, cette start-up française a conçu une extension qui s'intègre nativement à ChatGPT ou à Copilot de Microsoft. Cet outil d'apprentissage va enseigner l'art du prompting en situation réelle à travers de petites capsules de formation et d'exercices pratiques.
"Personnalisé, le parcours d'apprentissage diffère en fonction du métier exercé", indique Quentin Amaudry, CEO de Mendo. "Il est progressif en commençant par un cas d'usage basique, comme résumer un texte, pour monter en puissance et aller jusqu'à l'analyse de données. Le programme vise à faire découvrir le potentiel de l'IA générative mais aussi ses limites en développant un esprit critique face aux résultats obtenus."
Mendo, qui compte des grands comptes comme CNP Assurances, Bred Banque Populaire, PwC, EY, GRDF ou Groupe Rocher parmi ses références, entend accélérer l'adoption de l'IA générative et donc les gains de productivité associés. "Comme pour Excel, maîtriser ChatGPT ou Copilot nécessite de suivre une courbe d'apprentissage", observe Quentin Amaudry. Les données statistiques remontées par Mendo mettent en avant les départements les plus en avance et, par des mécanismes de gamification, favorisent l'émulation entre services. Un élément intéressant pour favoriser une montée en puissance progressive.