Que peut apporter l'IA générative à la fonction RH ?
Après le marketing, la fonction RH est peut-être celle qui a le plus à gagner des apports de l'IA générative. Les grands modèles de langage (LLM) ont surtout fait leurs preuves dans la génération de texte. Cela tombe bien, les directions des ressources humaines manipulent au quotidien un grand volume de documents, qu'il s'agisse de rédiger des offres d'emploi et des fiches de poste, de préparer un livret d'accueil pour les nouveaux arrivants ou d'éditer les contrats de travail de ces derniers.
Les DRH montrent toutefois une certaine défiance. Selon une étude réalisée par l'éditeur spécialisé Kelio, seuls 9% des professionnels RH déclarent utiliser les outils d'IA dans le cadre de leur métier et 76% ne souhaitent tout simplement pas les mettre en œuvre. Si les jeunes responsables RH se montrent moins réticents que leurs ainés, les défis à relever pour convaincre la profession sont nombreux.
Parmi les freins à lever, les DRH évoquent l'incompatibilité des outils d'IA avec leurs procédures actuelles (41%) et le respect de la confidentialité et la sécurité des données personnelles (38%). Une DRH gère, de fait, des informations particulièrement sensibles telles que le salaire ou le numéro de sécurité sociale. Sur le plan réglementaire, au-delà du RGPD, l'AI Act, le règlement européen applicable en 2026, devrait classer les systèmes d'IA utilisés dans le recrutement comme à haut risque.
L'adoption de l'IA constitue, par ailleurs, un véritable changement organisationnel. Selon la même étude, 32% des responsables RH évoquent un manque de compétences et de formation spécifique et 29%, une résistance au changement des collaborateurs. Le manque de solutions adaptées à leurs besoins spécifiques et les coûts liés à leur implémentation arrivent en fin de liste. Selon un autre baromètre conduit par le courtier WTW, les DRH voient néanmoins un certain nombre de points positifs à l'adoption de l'IA générative, notamment pour le redéploiement des salariés vers des tâches à forte valeur ajoutée (55%) ou pour compenser les difficultés de recrutement (32%). Seuls 11% évoquent un risque de réduction des effectifs.
De la rédaction d'une annonce à la pré-sélection des candidats
Les cas d'usage les plus matures se concentrent sur la gestion du recrutement, et plus particulièrement sur sa phase préparatoire. Des éditeurs comme Golden Bees, Hyppolyte.ai, CleverConnect ou Meteojob ont intégré des grands modèles de langage (LLM), de type ChatGPT, pour générer des offres d'emploi et des fiches de postes répondant aux standards du marché en se basant sur les référentiels de l'employeur. Une tâche particulièrement chronophage.
Une fois les candidatures reçues, l'IA vient vérifier l'exactitude des informations fournies par les postulants. Un assistant intelligent ira jusqu'à élaborer une trame de questions contextualisées pour guider l'entretien d'embauche mais s'arrêtera là. "La réalisation de l'entretien et la négociation avec le futur collaborateur restent du ressort du recruteur", juge Claire Cohan, responsable marketing de Kelio. Le feeling qui passe ou ne passe pas entre deux individus n'est pas heureusement (encore) modélisable.
A défaut de conduire les entretiens d'embauche, Hippolyte.ai se propose de faire une présélection automatisée des candidats. Un appel téléphonique généré par un automate dopé à l'IA les interroge sur des critères clés comme la localisation, la disponibilité, l'expérience ou les prétentions salariales. De leur côté, les candidats peuvent évoquer leurs parcours et réussites. Une sorte de pré-entretien qui vise à accélérer le processus de recrutement, notamment pour les métiers en tension.
Constituer un référentiel de compétences
Autre cas d'usage : l'identification des compétences émergentes sur le marché de l'emploi. Estimant qu'il n'existe pas de solution sur étagère dans ce domaine, WTW monte des projets sur mesure pour ses clients. "A l'aide d'outils de web scraping, nous collectons des données publiques sur les job boards ou les réseaux sociaux de type LinkedIn que nous croisons avec nos propres données afin de déceler les compétences qui montent en puissance dans telle fonction, tel secteur d'activité ou telle type d'entreprise", explique Laurent Termignon, directeur de l'activité Work & Rewards chez WTW. L'analyse peut porter sur un bassin d'emploi, un pays ou une zone géographique plus étendue.
Un cran plus loin, l'IA peut enrichir un référentiel de compétences en cartographiant en continu l'ensemble des compétences disponibles au sein d'une organisation. "Faire évoluer dans le temps un système de classification des postes est particulièrement fastidieux", poursuit Laurent Termignon. "Du coup, les référentiels ne sont renouvelés que tous les deux ou trois ans alors que les modèles d'organisation évoluent très vite sous la poussée des nouvelles technologies, de l'automatisation ou du recours à la sous-traitance."
Proposer des formations sur mesure
"Une fois les compétences cartographiées, il est possible de les évaluer puis d'établir des passerelles métiers et de mettre en regard des parcours de formation afin d'assurer la montée en compétences des collaborateurs", complète Claire Cohan. Un domaine de la formation qui est, lui aussi, concerné par l'arrivée de l'IA générative.
Dans un livre blanc, l'éditeur 360Learning évoque un certain nombre de cas d'usage. L'IA générative va tout d'abord créer une première mouture d'un support de formation sur la base de documents internes que le responsable de formation peaufinera. Elle permet aussi créer des quizz originaux en attendant de générer des vidéos grâce aux progrès accomplis dans ce domaine depuis le lancement de Sora d'OpenAI.
Une fois les contenus pédagogiques fin prêts, une IA plus " traditionnelle " permet, dans une approche dite d'adaptive learning, de personnaliser le parcours de formation en fonction du profil de l'apprenant, de son niveau initial, de son rythme d'apprentissage. Grâce à cette formation sur mesure, l'apprenant zappe la partie du programme qu'il maitrise pour se concentrer sur les connaissances qui lui restent à acquérir. Un facteur-clé de succès.