Cyril Chiche (Sumeria) "1,8 million de personnes ont activé une carte bancaire Sumeria"
Pour le JDN, le président de Lydia Solutions revient sur les premiers pas de Sumeria, une néobanque lancée en mai 2024 qui rémunère les comptes courants.
JDN. En mai dernier, vous annonciez le lancement de Sumeria, une néobanque qui a remplacé l'application "Lydia Comptes". Neuf mois plus tard, quel bilan peut-on tirer ?

Cyril Chiche. Depuis le lancement de Sumeria, les dépôts moyens de nos clients carte ont doublé et leur nombre de transactions par carte augmenté de 85%. Au total, 1,8 million de personnes ont activé une carte bancaire Sumeria. A l'échelle de la France, il s'agit encore d'une part de marché modeste mais nous nous rendons compte qu'une partie croissante de la population estime qu'il est possible d'avoir Sumeria comme compte principal. En quelques mois, c'est un bon accomplissement. Grâce à notre communication et à celle de nos concurrents, les Français se disent qu'un acteur 100% en ligne, comme Sumeria, est une alternative crédible aux banques plus traditionnelles.
Comment pouvez-vous inciter les Français à se détourner de leur banque traditionnelle et à choisir Sumeria ?
Nous avons choisi de bâtir la proposition de valeur de Sumeria sur trois piliers. Le premier, c'est le partage de la valeur avec notre offre de compte courant rémunéré. Le second, c'est la sécurité. L'écosystème bancaire fait principalement de la sensibilisation mais utilise trop peu les capacités des dernières technologies pour protéger les clients, notamment contre la fraude au faux conseiller bancaire. Nous faisons les deux et très activement. Nous avons par exemple lancé une solution d'authentification sans SMS pour lutter contre phishing. Dans quelques semaines, nous dévoilerons une solution qui intègre le canal téléphonique à l'intérieur de l'application Sumeria. Cela devrait mettre littéralement fin à la fraude par téléphone. Enfin, le troisième pilier repose sur la personnalisation de l'expérience client. Avec Sumeria, il est par exemple possible de personnaliser sa page d'accueil, de choisir entre plusieurs designs pour sa carte bancaire comme pour son application, mais aussi d'organiser ses comptes selon la méthode des enveloppes pour mieux gérer son budget… Nous souhaitons dépoussiérer l'univers de la banque grâce à la technologie.
Vous évoquez le compte courant rémunéré. Dans quelle mesure s'agit-il d'un argument pour convaincre un client de rejoindre Sumeria ?
Lors du lancement, je pensais que les gens seraient soit très réceptifs, soit indifférents. Finalement, le sentiment qui a dominé fut l'incrédulité. Certains de nos clients ont effectué des tests en déposant des petites sommes sur leur compte pour voir s'ils allaient être rémunérés. A l'heure actuelle, nous sommes encore le seul acteur français à proposer une offre de compte courant rémunéré. J'espère que tous nos concurrents proposeront une offre similaire pour ancrer la pratique. Nous avons déjà réussi à transformer les pratiques d'échanges d'argent entre personnes avec Lydia. Ce serait formidable d'être à l'origine d'un nouveau changement de marché avec la généralisation du compte courant rémunéré. Mais tout seul, c'est très compliqué de transformer un marché. Donc si nos concurrents s'y mettent aussi, tant mieux.
"Nous avons déjà réussi à transformer les pratiques d'échanges d'argent entre personnes avec Lydia. Ce serait formidable d'être à l'origine d'un nouveau changement de marché avec la généralisation du compte courant rémunéré."
Lors du lancement de Sumeria, vous annonciez 400 recrutements, une agence physique à Paris et une expansion européenne d'ici 2027. Vous êtes dans les temps ?
Nous sommes dans les temps. L'agence à Paris a été lancée, il s'agit du Café Sumeria (situé dans le onzième arrondissement de Paris, ndlr). En 2024, nous avons recruté 70 collaborateurs. Concernant l'expansion européenne, nous devons déjà obtenir l'agrément d'établissement de crédit. Notre dossier est en cours de traitement, nous espérons obtenir l'agrément pour la fin d'année 2025.
Avec Sumeria, vous avez rejoint un secteur assez concurrentiel où d'autres acteurs comme N26, Revolut ou encore Trade Republic sont assez actifs. Quel regard portez-vous sur cette concurrence ?
En toute honnêteté, nous sommes très heureux que le marché s'anime. C'est même indispensable car cela permet de montrer aux Français qu'une banque en ligne ou qu'une néobanque constitue une vraie alternative. La concurrence fait partie du jeu, c'est une chose saine et stimulante. A nous d'être meilleurs que les autres, dans la durée. Mieux vaut un grand marché avec de la concurrence que l'inverse.
Et que pensez-vous de l'arrivée de Wero ?
Cela ne change pas grand-chose pour nous et notre service Lydia. Il n'y a rien de plus que ce que proposait Paylib depuis près de 10 ans et on retrouve les mêmes acteurs. Cela ne nous empêche pas d'être, à ce jour, de très loin, le leader du marché des paiements mobiles entre particuliers en France. Par ailleurs, je pense que le seul paiement account to account (comme le proposera Wero, ndlr) entre quelques établissements bancaires est bien trop restrictif. Il n'y a vraiment aucune bonne raison de créer des systèmes de paiement qui ne soient pas agnostiques en matière de moyens de paiement en entrée, comme en sortie. Les utilisateurs doivent avoir le choix de débiter, un compte, une carte ou un wallet en fonction de ce qui les arrange et ceux qui reçoivent cet argent, particuliers ou commerçants, doivent eux aussi pouvoir choisir où ils veulent le mettre librement. C'est le seul moyen d'avoir un système vraiment fluide et déployable à grande échelle internationale. Cela semble par ailleurs être le sens de l'histoire quand on regarde les récentes annonces stratégiques des grands acteurs internationaux du paiement qui se rapprochent plus de hubs agnostiques de paiement que d'un énième système privatif.