Voitures d'occasion : la baisse des prix est-elle une mauvaise nouvelle écologique ?
Cette tribune analyse la récente baisse des prix (-8%) sur le marché des voitures d'occasion après trois ans de hausse vertigineuse
Après trois ans d’inflation vertigineuse, le marché des voitures d’occasion connait désormais une baisse des prix tout aussi fulgurante qui atteint 8% en quelques mois sur certaines catégories de véhicules. Un retournement qui ravit certains acteurs du marché mais qui inquiète du fait de son impact écologique. Pourtant, les voitures de seconde main ne sont pas toujours les plus polluantes et, à condition de favoriser leur entretien régulier, pourraient au contraire participer à réduire le bilan carbone du secteur automobile.
En 2020, la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 paralysait l’économie française et initiait une période d’inflation galopante pour le secteur de l’automobile d’occasion. Une hausse particulièrement visible sur les véhicules de plus de 15 ans, dont le prix moyen a augmenté de 63% en trois ans ! Les raisons en sont connues : la pandémie puis par la guerre en Ukraine ont imposé d’importants délais de livraison sur les véhicules neufs les plus abordables. Les automobilistes se sont ainsi massivement reportés sur le marché de l’occasion et en particulier sur les modèles récents, faisant augmenter leur prix puis par effet domino celui des plus anciens. Sur la même période, les réglementations écologiques se sont multipliées, évinçant des centres-villes les voitures les plus polluantes et contribuant initialement à faire augmenter le prix moyen des voitures neuves à un rythme inédit (+23% en trois ans selon l’Argus). Bonus écologique et Zones à Faibles Emissions ont contribué à faire diminuer rapidement les émissions de CO2 moyennes des voitures neuves, celles-ci sont ainsi passées de 119,5 g/km en janvier 2020 à 94,4 g/km en janvier 2024. Un tournant qui a également accéléré le renouvellement du parc et contribue désormais au recul des prix sur les véhicules d’occasion les plus anciens.
Une baisse bienvenue en période de forte inflation
Avec une baisse de 8% en moyenne sur trois mois, le marché enregistre en effet son plus net recul depuis de nombreuses années. Une baisse qui fait le bonheur de nombreux automobilistes dont le pouvoir d’achat a été largement entamé par l’inflation galopante de ces dernières années : 5,2% en 2022 et 4,9% en 2023 selon l’INSEE. Mais en rendant les véhicules thermiques les plus anciens beaucoup plus attractifs que les autres, cette évolution ne risque-t-elle pas de nuire à la décarbonation de cette industrie ? La plupart des économistes s’accordent en effet sur la nécessité d’influer sur le « signal prix » pour encourager l’achat des voitures les plus propres et rendre les plus polluantes moins attractives. Ici, la dynamique est parfaitement inverse : les voitures les plus émettrices de gaz à effet de serre sont de loin les plus accessibles pour des Français au portefeuille extrêmement contraint. Ce que confirme une étude menée par le site de vente Autoscout24 : près de 50% des recherches concernent des véhicules au compteur dépassant les 100.000 km et environ 13% des véhicules ayant déjà roulé 200.000 km.
Renforcer l’entretien des voitures
L’accessibilité des voitures d’occasion n’est cependant pas totalement irréconciliable avec l’impératif de décarbonation du secteur. Signalons en effet que l’achat d’occasion participe de l’économie circulaire en prolongeant la vie des véhicules et en réduisant le besoin de production de véhicules neufs. Par ailleurs, si les véhicules les plus anciens sont en moyenne bien plus polluants que les autres, leur niveau d’émission dépend directement de la qualité de leur entretien. On sait en effet qu’une maintenance assidue de l’ensemble du véhicule (décrassage du filtre à particule, contrôle de la pression des pneus, changement de pièces usagées) peut considérablement réduire sa consommation de carburant et ses émissions de particules fines. Dans ce contexte l’engouement pour les véhicules les plus anciens ne devrait pas inquiéter mais encourager toutes les initiatives en faveur d’un meilleur entretien des véhicules : sensibilisation des conducteurs, facilitation des diagnostic techniques, subvention à destination des automobilistes les plus modestes, etc. Loin d’être une mauvaise nouvelle, la baisse des prix pourrait donc au contraire être une nouvelle incitation à faire en sorte que la transition écologique profite à tous.