Manik Gupta (Uber) "Notre objectif est que l'application Uber remplace complètement votre voiture"
Le directeur produit d'Uber fait le point sur la stratégie du groupe et l'évolution de son offre. Son travail: rendre l'application incontournable pour gérer les déplacements et les transports de produits de ses clients utilisateurs.
JDN. Livraison de repas, vélos et trottinettes, transport de marchandises, etc. Quel est le métier d'Uber aujourd'hui ?
Manik Gupta. Uber a toujours été une marketplace. Lorsqu'Uber a été créé il y a près de dix ans, notre offre reposait essentiellement sur cette magie de n'avoir qu'à appuyer sur un bouton pour voir un véhicule arriver. Nous avons démarré avec notre offre BlackCar avant de lancer UberX, UberPool puis de proposer de nouvelles formes de mobilité. Il y a quatre ans, nous avons réussi notre diversification avec Uber Eats en capitalisant sur notre expérience de mise en relation entre chauffeurs et passagers. Notre offre parisienne représente d'ailleurs assez bien toute la palette de services proposés par Uber aujourd'hui.
Nos services sont désormais utilisés par plus de 100 millions d'utilisateurs chaque mois dans 60 pays. Nos applications sont disponibles dans 700 villes et comptabilisent 15 millions de trajets chaque jour. Côté chauffeurs, ils sont près de 4 millions à utiliser chaque mois Uber pour trouver des clients. Il y a quelques semaines, nous avons d'ailleurs lancé Uber Money, pour leur permettre d'accéder à différents services financiers avec de nombreux avantages à la clé. Disponible pour l'instant uniquement aux US, nous étendrons rapidement cette offre à d'autres marchés.
Vous avez récemment annoncé l'acquisition de Cornershop, une entreprise chilienne spécialisée dans la livraison de produits alimentaires. Quelles sont vos ambitions dans ce secteur très concurrentiel, dans lequel Uber avait déjà mis un pied en lançant UberRush (fermé l'an passé) ?
UberRush était une offre un peu différente car destinée à la livraison de colis. L'une des raisons de cette acquisition est que nous avons d'abord été séduits par l'équipe de Cornershop qui s'est attaquée au problème de la livraison de produits alimentaires depuis plusieurs années et qui a donc beaucoup de choses à nous apprendre. Si nous nous intéressons à ce marché, c'est parce qu'Uber a vocation à être l'opérateur de votre vie au quotidien et faire ses courses est un besoin rencontré par tous nos utilisateurs à travers le monde. Nous voulons donc proposer un service qui pourrait simplifier la vie de nos utilisateurs en leur évitant de se déplacer.
Quelle est la stratégie d'Uber pour devenir rentable ? La diversification opérée avec le lancement de nouvelles divisions telles que Uber Eats ou encore Uber Freight permettra-t-elle à l'entreprise d'y arriver ?
"Transit est une fonctionnalité née au sein de notre incubateur "
Ce que je peux dire, c'est que notre capacité de pouvoir mettre en relation des chauffeurs avec des passagers en moins de cinq minutes en moyenne dans le monde entier est unique. C'est en capitalisant sur notre technologie que nous avons pu créer une division comme Uber Freight, qui vise à apporter davantage d'efficacité dans un secteur du transport de marchandise. Imaginez par exemple un restaurant qui utilise Uber Eats pour vendre des plats. Ce même commerçant pourrait utiliser Uber Freight pour sa propre logistique afin de se faire livrer ses produits et ingrédients. Nous serions alors en position d'optimiser toute cette logistique autour et au sein même des villes.
Uber a ouvert un incubateur interne il y a un an. Pour quel objectif ?
Nous pensons que notre entreprise regorge de talents avec des profils entrepreneuriaux et nous voulons leur permettre de donner vie à leurs idées. Le niveau d'exigence pour y entrer est assez élevée car nous voulons que les projets incubés soient qualitatifs. Pour cela, n'importe quel collaborateur d'Uber peut envoyer une candidature qui sera évaluée sur différents critères tels que : s'agit-il d'un réel problème, est-ce que nous pouvons prendre une place sur ce marché, etc. En échange, nous donnons accès à ces intrapreneurs à toutes les ressources nécessaires et nous leur permettons de s'y consacrer à plein temps. La fonctionnalité Transit, qui permet d'accéder en temps réel aux informations de transport en commun, fait partie des projets nés dans cet incubateur. Elle est aujourd'hui disponible dans 9 villes à travers le monde, dont Paris.
Pourquoi avoir lancé cette fonctionnalité, alors même qu'elle entre en concurrence avec vos autres services payants ?
"50% des nouveaux utilisateurs d'Uber Eats n'ont jamais utilisé Uber"
L'une de nos équipes était très intéressée par cette idée d'accéder à ces informations directement depuis l'application Uber. Pour développer cette application, nous avons conclu un partenariat avec Moovit afin d'accéder à leurs données d'itinéraires en transport en commun. Notre objectif est de proposer à nos utilisateurs la meilleure option possible pour se rendre d'un point A à un point B, même si cela doit entrer en concurrence avec nos services. Parfois, la meilleure option pour se rendre quelque part peut être de prendre un UberPool, mais parfois le meilleur choix peut être d'utiliser un vélo, une trottinette ou encore de prendre les transports en commun. Nous partons du principe que si nous arrivons à proposer la meilleure option à nos utilisateurs en fonction de leur budget et de leur envie, nous pourrons gagner leur confiance et ces derniers reviendront utiliser notre application pour tous leurs besoins de déplacement. Nous voulons être la première application à laquelle vous pensez lorsque vous devez vous déplacer. Depuis que nous l'avons lancé, près d'un demi-million de personnes ont utilisé Transit. A la fin de cette année, cette fonctionnalité devrait être disponible dans une quinzaine de villes.
Uber est actuellement en train de tester un nouveau design qui intégrerait son service Uber Eats à son application de transport. Où en êtes-vous ?
"Nous continuons d'investir dans notre unité de véhicules autonomes"
Plusieurs tests ont en effet été lancés il y a plus d'un mois. L'un d'eux consiste à faire apparaître deux boutons : l'un pour commander un chauffeur, l'autre pour commander à manger. Ces tests ont vocation à nous permettre d'observer comment nos clients réagissent. Nous devons prendre en compte les différences et spécificités de nos utilisateurs sur chaque marché où nous sommes présents. Dans certaines régions, le réseau Internet mobile est peu développé et les téléphones utilisés disposent souvent de peu de mémoire. Nous devons donc imaginer tous ces cas de figure pour comprendre quel est le meilleur modèle à adopter. Une question que nous nous posons régulièrement est : aurons-nous davantage de personnes qui découvriront nos services ? Par exemple, nous savons que 50% des nouveaux utilisateurs d'Uber Eats n'ont jamais utilisé Uber. Nous observons également que ceux qui utilisent notre application pour réserver des vélos ou des scooters ont un engagement plus élevé avec notre service de chauffeur VTC.
A quoi ressemblera Uber dans cinq ans lorsqu'un utilisateur ouvrira l'application ?
Notre objectif est d'être la destination privilégiée de tous ceux qui ont besoin de se déplacer en proposant une offre fiable, peu onéreuse et sécurisée. Lorsque vous ouvrirez l'application Uber dans cinq ans, vous saurez donc exactement comment vous rendre d'un point A à un point B. Nous voulons aussi qu'Uber soit l'application qui vous livre ce que vous voulez, à commencer par des plats avec Uber Eats et bientôt des produits alimentaires. Nous allons continuer d'investir dans différentes formes de mobilité, à l'image des véhicules autonomes dont nous parlions précédemment mais aussi dans d'autres technologies. Par exemple, nous voulons améliorer UberPool pour faire en sorte que davantage de voitures soient partagées. Notre objectif des cinq prochaines années est que l'application Uber remplace complètement votre voiture.
Manik Gupta est le directeur produit d'Uber. Mi-novembre, il annonce qu'il quittera officiellement ses fonctions le 13 décembre 2019. Avant d'être CPO d'Uber, il était responsable des solutions de mapping et des technologies liées à la Marketplace. Auparavant, il a travaillé pour Google Maps pendant 7 ans.