Galeries Lafayette, Carrefour : les conséquences du décès de Ginette Moulin
Petite-fille du fondateur des Galeries Lafayette, Théophile Bader, et propriétaire des grands magasins, Ginette Moulin figurait à la 34ème position des fortunes françaises de Challenges en 2024, avec un patrimoine professionnel de 4,05 milliards d'euros. Son décès à l'âge de 98 ans a été annoncé ce mardi. Via son holding Motier, elle possédait les Galeries Lafayette, La Redoute, les magasins Royal Quartz et Louis Pion, les joailleries Mauboussin ainsi qu'une participation de 7,7% dans Carrefour. En 2014, cette participation était montée jusqu'à 11,5% suite à un investissement de 1,3 milliard d'euros.
Une succession préparée de longue date
"Au nom de Carrefour, je salue la mémoire de Ginette Moulin, une femme d'exception […] et tiens à rendre hommage au soutien indéfectible qu'elle a toujours apporté au groupe en tant que grand actionnaire", a déclaré Alexandre Bompard, PDG du distributeur. Elle était l'épouse d'Etienne Moulin, qui avait développé Monoprix au sein de l'entreprise familiale. L'enseigne s'était associée au Casino de Jean-Charles Naouri pour financer le rachat de Prisunic. En 2004, elle avait bataillé avec sa cousin Noëlle Meyer pour assurer son contrôle sur les Galeries. L'entrée au capital de Carrefour permettait une entité plus résiliente aux crises que les grands magasins. En 2024, Ginette Moulin a cédé la présidence de son holding Moutier à son gendre Philippe Houzé. Il a géré Monoprix puis les Galeries avant de céder son siège à son fils Nicolas. Guillaume, son autre fils, gère l'image et l'engagement culturel du groupe. Les deux frères siègent au directoire des grands magasins, aux côtés de leur cousin Arthur Lemoine.
La main aux héritiers
Christiane, l'une des trois filles de Ginette Moulin, est l'épouse de Philippe Houzé. Son autre fille, Patricia Lemoine, mère d'Arthur, siège au conseil d'administration de Carrefour et assure la présidence du conseil de surveillance des Galeries Lafayette. La cadette, Isabelle, sans enfants, se tient éloignée des affaires familiales. Philippe Houzé est le vice-président du conseil de Carrefour, où ses 7,7% du capital valent 13% des droits de vote. Position qui rivalise avec les 8,8% du capital Peninsula, la société de la famille du milliardaire brésilien Abilio Diniz, décédé en février 2024 à l'âge de 87 ans.
Fin 2020, Philippe Houzé s'était opposé au rachat de Carrefour par Auchan. Le groupe de la famille Mulliez offrait 21,5 euros l'action Carrefour. Depuis des mois, le cours de Carrefour plafonne autour des 13 euros. En 2024, lors de la cession d'un bloc de 3,5%, Houzé a déclaré : "Motier s'est toujours positionné comme un actionnaire de long terme, pleinement convaincu de la pertinence de la stratégie menée par Alexandre Bompard […]. Nous n'envisageons pas de réduire davantage notre participation". Cependant, sa participation a diminué puisqu'il a dû vendre le BHV pour éponger les pertes du Covid.
Deux actionnaires de référence de Carrefour s'alignaient avec la direction alors que la moitié du capital était aux mains d'investisseurs anglo-saxons, comme le fonds BlackRock, qui est monté à 5%. Mais les deux sont tombés aux mains d'héritiers. Selon Bloomberg, la famille Diniz aurait pris la décision de sortir de Carrefour, une information non confirmée par Peninsula, également actionnaire de Carrefour Brésil.
"Les héritiers de Ginette Moulin travaillent dans une logique patrimoniale, les décisions de cession ne sont pas prises à la va-vite. Ils ont déjà cédé 3,5% du capital de Carrefour. Donc le détachement a déjà eu lieu", détaille une analyste aux Echos. "Certes le titre est faible mais Carrefour continue de servir des dividendes corrects : 5 à 6% de rendement à ce cours, ce n'est pas si mal", explique un autre. Et un dernier de conclure : "l'un des principaux problèmes de Carrefour n'est pas le contrôle de l'actionnariat mais le fait qu'il est très exposé au marché français avec une consommation en berne".