Antoine Jouteau (Leboncoin) "Aujourd'hui, l'entreprise de data sur l'immobilier, c'est Leboncoin"

L'immobilier représente le premier business du groupe Leboncoin. Son PDG détaille ses ambitions sur ce secteur, où il est présent avec deux marques : Leboncoin et A vendre A Louer.

JDN. Vous déployez la refonte du site A Vendre A Louer, racheté il y a deux ans. En quoi consiste-t-elle ?

Antoine Jouteau, CEO / DG du groupe Leboncoin. © L.Revol

Antoine Jouteau. Nous avons racheté AVAL dans le but de renforcer notre présence dans les centres-villes, dans les milieux urbains, et pour "premiumiser", compléter l'expérience du Boncoin. On abandonne la charte graphique violette, qui passe en bleu. Mais au-delà du coup de pinceau, c'est toute l'expérience AVAL qui est en train de basculer, avec plus de critères, plus de pertinence, plus de recherche locale. AVAL est en train de s'enrichir de tous les critères de recherche qui lui manquaient, notamment sur la vente dans l'ancien. Nous sommes en train d'intégrer beaucoup plus fortement la cartographie, qui n'était pas assez présente, et aussi toutes les informations de proximité, avec notamment la recherche par temps de transport. Cette fonctionnalité sera également disponible sur LBC d'ici quelques mois. A court terme, AVAL sera également en mesure de détecter automatiquement les plans dans les images, afin de les mettre en valeur sur les annonces. Nous allons également permettre une recherche par mots clés. Enfin, dans les prochains mois, nous intégrerons les informations qui concernent votre future ville : les écoles, les commerces…

Votre offre BtoB va-t-elle suivre le mouvement ?

"Nous transformons notre offre BtoB, avec un service unifié et un back office commun à LBC et AVAL"

Nous sommes en train de transformer notre offre BtoB, en proposant aux agents immobiliers un service unifié sur LBC et AVAL. D'ici quelques mois, nos clients n'auront plus qu'un back office pour les deux sites. Nous travaillons aussi à améliorer les outils d'analyse que nous leur fournissons, pour leur permettre d'être encore plus efficaces. Sur AVAL, les professionnels auront bientôt accès à un outil de connaissance marché qui leur permettra d'obtenir, sur une zone géographique précise, trois informations essentielles pour leur activité : les biens les plus recherchés par nos internautes, les offres par type de biens les plus déposées sur la plateforme et le prix au mètre carré. Les professionnels de l'immobilier qui déposent des biens sur la plateforme pourront également connaître, sur les cinq dernières années, le prix des biens mis en vente sur une zone. L'objectif est d'avoir connaissance en un clic des données de valeurs foncières, et donc pouvoir proposer un prix de vente au plus juste des prix du marché immobilier.

Donc AVAL a vocation à être urbain, premium et Leboncoin à être orienté sur les autres zones ?

"Avec les deux plateformes, nous proposons une offre immobilière 360°"

En termes de positionnement, LBC est la plateforme généraliste, le carrefour d'audience, avec 30 millions de VU, dont 12 millions sur l'immobilier. Et vous avez AVAL, le spécialiste de l'immobilier avec 3 millions de VU, un site vertical avec des fonctionnalités qui ne sont pas toutes disponibles sur LBC pour l'instant, mais qui le seront un jour, et avec des données cartographiques, d'itinéraires, des données précises sur vos quartiers… Et, pour les professionnels de l'immobilier, plus de données d'expérience et d'efficacité. Avec les deux plateformes, nous proposons une offre 360°, avec de l'immobilier neuf, du locatif, des bureaux et commerces…

L'immobilier est-il désormais la première source d'audience du Boncoin, devant l'automobile ?

L'immobilier et l'automobile se tiennent. En ce moment, c'est l'immobilier qui est devant, mais ça change d'un mois sur l'autre, en fonction de la saisonnalité. Elles génèrent 11 à 12 millions de visiteurs par mois chacune. Ce sont deux rubriques majeures. Il y a aussi l'emploi qui, proportionnellement par rapport à son nombre d'annonces, est une forte catégorie. L'immobilier est notre premier marché en termes de business. Nous sommes donc très attentifs à l'accueil que nos clients réservent aux nouvelles fonctionnalités. C'est très stratégique.

"Nous lancerons plusieurs services personnalisés basés sur l'intelligence artificielle", avez-vous déclaré l'année dernière à Immomatin. Quels sont-ils ?

"Nos algorithmes d'IA sont en train d'être testés et déployés et, sur l'immobilier, donnent des taux de croissance assez importants"

Nous déployons progressivement toute une nouvelle expérience sur nos applications – aujourd'hui, le mobile pèse 80% de notre expérience – et aussi sur le site web. Nous sommes en train de basculer d'un classement chronologique, où les annonces les plus récentes remontent en tête de liste, à un affichage plus personnalisé. Si vous êtes dans une période où vous vous intéressez à l'immobilier, la mode et l'emploi, vous retrouverez de la mode, de l'immobilier et de l'emploi dans vos listes. Les tests que nous avons réalisés sont très encourageants. Progressivement, l'expérience immobilière va être beaucoup plus personnalisée. On arrive assez vite à recentrer sur la zone géographique que vous souhaitez, le type de biens (maison ou appartement), la taille… Nos algorithmes sont en train d'être testés et déployés. Nos data scientists travaillent dessus depuis un petit moment. Sur l'immobilier, ça donne des taux de croissance assez importants. Je pense que nos clients vont être contents. Notre stratégie, ce n'est pas de développer des fonctionnalités marrantes, c'est d'être pertinent dans la recherche, de fournir un moteur capable de faire des suggestions, de détecter vos critères, d'être géolocalisé… Tous les investissements que nous réalisons sur l'intelligence artificielle tendent vers ce but et l'immobilier et l'emploi sont deux cibles prioritaires.

Avec le rachat de MeilleursAgents pour 200 millions d'euros, Axel Springer, qui possède déjà SeLoger et Logic-Immo, va constituer un mastodonte de la data immobilière. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

"Avec le rachat de MeilleursAgents, Axel Springer nous challenge sur la data"

Aujourd'hui, l'entreprise de data sur l'immobilier, c'est plutôt le groupe LBC, qui a plus de contenus et deux fois plus d'audience que tout le monde sur deux portails leaders. Aujourd'hui, le marché est en pleine révolution. Les notaires ont ouvert leurs données transactionnelles en début d'année. Donc je m'interroge un peu sur ce rachat, d'un point de vue stratégique. Maintenant que vous avez les données transactionnelles, que vous allez avoir accès à l'historique et que vous avez la plus forte audience et le plus fort contenu, c'est possible de reconstituer toute cette chaîne de data. Notamment pour une entreprise comme LBC, qui est une entreprise de data. C'est notre ADN, ce que nous faisons depuis toujours. Mais je comprends leur mouvement stratégique. Il est question de nous challenger sur ce sujet. Je trouve qu'il y a une course à la valorisation qu'il faut surveiller. Ce sont quand même des valeurs très importantes.

Trop importante ?

"Il y a une course à la valorisation des entreprises de data qu'il faut surveiller"

Je pense qu'ils paient la valeur qu'ils ont estimé être la bonne pour eux. Je n'ai pas à juger si c'est cher ou pas. Ce que je regarde, c'est l'apport de valeur pour les agents immobiliers. Et je suis plutôt concentré sur ce que nous apportons nous : de l'efficacité, des données analytiques pour monitorer les campagnes. C'est aux agents immobiliers de juger sur quels supports ils doivent être. Nous, notre stratégie, et on le dit depuis toujours, c'est de remonter cette chaîne de valeurs. Nous voulons fournir plus de données en amont, pour que le client analyse mieux, et en aval pour mieux préparer la recherche. Et, progressivement, proposer des offres de financement, d'assurance, etc. Aujourd'hui il s'agit d'offres publicitaires, complémentaires avec l'expérience utilisateur. Mais bientôt, nous serons plus pertinents dans les propositions de crédit, d'assurance logement, de diagnostics etc. qui entrent dans la logique d'usage lorsque vous êtes en train d'acheter un bien immobilier.

Sur la partie location de vacances vous déclariez dans la même interview : "Nous souhaitons accompagner les hôtes des voyageurs avec un nouveau service de réservation et de paiement sécurisé de l'acompte, qui sera entièrement optionnel et gratuitʺ. Où en êtes-vous ?

C'est en déploiement depuis plusieurs mois et nous allons beaucoup plus accélérer sur le début de l'année 2020. Nous sommes en train de tester les fonctionnalités. Nous avons acquis Locasun en juin dernier, qui va apporter des annonces de professionnels qui ne sont pas présents sur la plateforme LBC, où 99% des annonces de location de vacances émanent des particuliers. La combinaison des deux va faire de nous un acteur complet. 40 à 50% des offres de nos concurrents, qui sont américains, sont des offres de professionnels. Nous venons avec ce contenu de particuliers, très fort, que nous allons compléter avec des contenus de professionnels et d'agents sur le territoire français. On vient avec une audience française, la fonctionnalité de réservation en ligne et une assurance que nous sommes en train de tester. Et les retours sont plutôt bons. C'est déjà en déploiement mais le produit va beaucoup évoluer d'ici mars prochain. Nous sommes un nouvel entrant sur ce marché avec pas mal d'envie, d'ambition et une grosse base d'audience et de contenus.