Le contextuel panel, bientôt en prime time digital ?
S'appuyer sur un panel dont on suit le comportement à la loupe pour calibrer son médiaplanning. C'est ce qui se fait aujourd'hui en TV et ce qui se fera sans doute demain en digital, faute de cookies tiers.
Et si le digital s'inspirait du monde de la télévision pour trouver une alternative aux cookies tiers, dont Google a annoncé la disparition de Chrome, à l'horizon 2023 ? Une idée un peu loufoque à une époque où on a plutôt tendance à dire que c'est le monde hertzien qui ferait bien de se digitaliser. Mais une idée qui commence à faire son chemin dans le monde de l'adtech. De quoi parle-t-on au juste ? De s'inspirer du pragmatisme d'un secteur qui, à défaut de pouvoir scruter le comportement de chaque téléspectateur devant son écran, préfère s'appuyer sur les données récoltées par le panel de 5 000 foyers de Médiamétrie pour calibrer son médiaplanning. Et d'essayer de faire de même dans les environnements digitaux lorsque les cookies tiers font défaut. Entre les utilisateurs de Safari et Firefox, deux navigateurs qui bloquent les cookies tiers, et ceux de Chrome qui les refusent, on estime que près de 50% des visiteurs Web ne peuvent déjà plus être ciblés par ce biais
La solution ? A court terme : analyser le comportement de navigation des internautes qui acceptent les cookies pour identifier les URL au sein desquelles la population cible du client est surreprésentée. Par exemple, un article qui parle de la Playstation 5 et dont on découvre qu'il attire surtout des hommes âgés entre 18 et 35 ans. A long terme, c'est-à-dire lorsque ces cookies tiers ne seront plus disponibles, il s'agira de faire de même grâce aux internautes qu'on sera encore capable d'identifier : soit parce qu'ils sont logués, soit parce qu'on leur accole un identifiant probabiliste. Il s'agit, dans tous les cas, de s'inspirer de la stratégie d'un TF1 qui, grâce au panel de Médiamétrie, est capable de dire que son programme The Voice a un taux de couverture sur cible de X% auprès du segment 18-35 ans et d'attirer des budgets médias en conséquence.
"Selon nos tests internes, la méthode nous permet d'atteindre 60 à 70% d'impressions sur cible contre 50% pour la moyenne du marché"
On parle de ciblage contextuel panel, par opposition au ciblage contextuel classique, qui se contente lui d'analyser le contexte de la page (l'URL, la thématique globale, les termes utilisés…). C'est la méthode utilisée par l'alliance Gravity qui s'appuie sur l'historique de navigation (60 jours) des plus de 250 sites qui font partie de son réseau. Un historique qu'elle enrichit à mesure que de nouveaux articles sont publiés. "Cela nous permet de qualifier quasiment en temps réel l'affinité d'une nouvelle URL avec une audience cible et d'intégrer les plus performantes au plan média dans une logique de ciblage contextuel", explique son directeur général, Edouard Letort. L'adtech, qui n'en est pas à son coup d'essai, assure que les taux de clic et de visibilité des impressions achetées par ce biais sont sensiblement identiques à ceux des campagnes avec cookies tiers. "On va valider les résultats avec DAR mais selon nos tests internes, la méthode nous permet d'atteindre 60 à 70% d'impressions sur cible contre 50% pour la moyenne du marché", poursuit Edouard Letort.
Scale et temps réel
Le dirigeant note par ailleurs que la maîtrise de la pression publicitaire semble se faire naturellement lorsque l'annonceur recourt à sa solution de mediaplanning prédictif. Ne pas pouvoir limiter le nombre d'impressions auxquelles un même utilisateur est exposé est une grosse crainte du marché. Le risque : lasser l'internaute, voire le rebuter. S'il est impossible de tenir les comptes entre différents sites, faute de cookies tiers, la méthode de ciblage contextuelle de Gravity permettrait une auto-régulation, tout simplement parce qu'un utilisateur ne retourne pas indéfiniment consulter un même contenu. La fréquence d'exposition reste sensiblement identique à celle des campagnes recourant aux cookies tiers, selon les tests menés par l'adtech. Gravity est loin d'être un cas isolé. "Il y a bien une dizaine de technologies capable de proposer cette méthode de ciblage", assure Bastien Faletto, director sales SEMEA de 1plusX, DMP d'un nouveau genre qui est, elle aussi, capable de faire du contextuel panel notamment pour qualifier les internautes lors de leur première visite (avant la dépose de cookie donc). Tout l'enjeu, à en croire Bastien Faletto, c'est de réussir à le faire en temps réel et at scale. Pour le premier point, pas de soucis. Pour le second, cela s'annonce évidemment plus compliqué sans cookies tiers.
"Le ciblage contextuel panel est un incrément intéressant mais il viendra en complément d'autres moyens de ciblages, qu'il s'agisse d'ID partagés, Privacy Sandbox ou autre."
Gravity, dont les éditeurs membres dépassent rarement plus de 20% de trafic logué, a conscience qu'il va devoir réimaginer son panel à l'horizon 2023. "On est en train d'alimenter notre user graph avec la donnée loguée de nos éditeurs pour être capables d'alimenter ce panel avec un identifiant maison", déclare Edouard Letort. Bastien Faletto prévient néanmoins : "Le ciblage contextuel panel ne se suffira pas à lui-même. C'est un incrément intéressant mais il viendra en complément d'autres moyens de ciblages, qu'il s'agisse d'ID partagés, Privacy Sandbox ou autre." Chez Gravity, on reconnait volontiers que ce mediaplanning prédictif n'est qu'une brique dans une roadmap plus large qui voit la société explorer toute une série de solutions de ciblage sans cookie, qu'il s'agisse d'ID déterministes, de ciblage sémantique ou de ciblage par cohorte via Privacy Sandbox. "Notre conviction, c'est qu'il n'y aura pas une solution miracle de substitution mais une batterie de solutions que l'annonceur devra activer selon les cas de figure." A leurs partenaires agences de les aider à y voir plus clair, en faisant les bons arbitrages.