Face au 1st price auction, les trading desks passent en état d'alerte
Près de 50% des impressions pubs programmatiques sont vendues selon cette mécanique où le plus offrant paie ce qu'il a enchéri. De quoi compliquer le travail des acheteurs.
Le passage du marché RTB au 1st price auction, avec une mécanique d'enchères qui voit le plus offrant payer ce qu'il a enchéri, a beau diviser, la bascule s'est définitivement enclenchée sous l'impulsion des principaux SSP. Début mai, eMarketer estimait que près de la moitié des impressions programmatiques étaient vendues par ce biais aux Etats-Unis. "La croissance a été aussi rapide en France où 50 à 60% des impressions sont en 1st price", estime Damien Mora, le responsable des opérations du trading desk Gamned.
Pour des trading desks habitués au 2nd price auction (système où le plus offrant paie le prix proposé par le second plus offrant), il s'agit ni plus ni moins que de réapprendre à bidder. "La stratégie d'enchère se résumait pour certains à mettre un prix plafond extrêmement élevé en sachant qu'ils ne le paieraient quasiment jamais", illustre Rémi Lemonnier, fondateur de Scibids, une start-up française qui accompagne les trading desks dans leur stratégie d'enchère. Damien Mora en convient volontiers. "C'est particulièrement vrai pour du retargeting où le pool de cookies disponibles étant limité, les acheteurs étaient très agressifs pour remporter l'enchère à tout prix, sachant pertinemment qu'en mettant un plafond de 100-150 dollars, ils paieraient rarement plus de 15 à 20 dollars."
"Avec des SSP qui passent leur inventaire en 1st price du jour au lendemain, certains acheteurs ont vu leurs CPM multipliés par trois en moins de 24h"
Le marché basculant vers le 1st price à vitesse grand V, camper sur cette stratégie d'enchères serait suicidaire. "Avec des SSP qui passent parfois leur inventaire en 1st price du jour au lendemain, certains acheteurs ont vu leurs CPM multipliés par trois en moins de 24 heures", constate Damien Mora. Le genre de désagrément qui peut conduire un trading desk peu attentif à brûler le budget d'un mois en quelques jours… D'où l'importance de monitorer au plus près les campagnes au jour le jour. "Il faut être très vigilant sur l'évolution de ses CPM et regarder avec attention toute hausse inexpliquée, conseille Damien Mora. Et si cette hausse est la conséquence du passage d'une source d'inventaire en 1st price, il faut revoir sa stratégie d'enchères."
Cette vigilance est d'autant plus indispensable que les trading desks ne savent la plupart du temps pas si la bid request qui leur est envoyée est mise aux enchères en 1st price ou 2nd price. Pour cause, les DSP et SSP ne leur remontent pas l'information. Les acheteurs n'ont donc pas d'autre choix que de ruser. Chez Gamned, on a installé un système d'alerte en surcouche du DSP pour surveiller l'écart entre le prix soumis lors de l'enchère et le prix effectivement payé. S'il s'est brutalement réduit, il est probable que la source d'inventaire concernée soit passée en 1st price. "Attention, prévient Damien Mora, un même éditeur peut pratiquer du 1st price sur une partie de son inventaire et du 2nd price sur une autre s'il travaille avec différents SSP."
L'achat en 1st price est une mécanique subtile. "Il faut être beaucoup plus fin et faire évoluer constamment le prix de son enchère", analyse Damien Mora. Une enchère trop élevée garantit de tout rafler mais plombe le coup d'acquisition. Mais une enchère trop basse ne permet pas à l'acheteur de délivrer ses objectifs de reach. Ce sont toutes les stratégies d'enchères qui doivent donc être repensées pour continuer à optimiser le win share tout en évitant de gonfler l'addition. "Pour une même audience, il va falloir définir une enchère spécifique à chaque source d'inventaire, détaille Rémi Lemonnier. En fonction de la densité de bids responses, et donc de la concurrence, et du montant des enchères soumises." Le trading desk ne peut plus se permettre de bidder cher pour les inventaires les moins concurrentiels. A lui de se lancer dans des calculs probabilistiques pour prévoir que s'il bid 6 euros pour la source d'inventaire X et 8 euros pour la source Y, il gagnera dans 90% des cas.
Pour aider les trading desks à filer à toute allure sur l'autoroute du 1st price, les principaux DSP du marché leur proposent désormais un assistant à la conduite. Par exemple, la fonction "Bid price optimization" chez Appnexus permet au DSP d'interpréter l'enchère proposée en 2nd price par le trading desk et de la reformuler lorsque ce dernier se retrouve à bidder sur un environnement 1st price. "Cette fonction de bid shading est plutôt opaque mais elle peut sauver la mise des trading desks lors de changement soudain de la mécanique de mise en vente chez un SSP", analyse Rémi Lemonnier. Et ce n'est pas tout, les gros DSP planchent également sur un moyen de faire remonter l'information si l'enchère est en 1st price ou 2nd price. Du côté de Zebestof, filiale du groupe Figaro - CCM Benchmark, on récupère l'information dans le champ auction type "at" de la bid request. "Nous paramétrons des bid différents selon la mécanique d'enchères", précise le DG, Antoine Saglier. Sa plateforme est même capable de savoir si la requête qui est lui est envoyée est du header bidding.