Ombres numériques : démasquer la menace cachée que représente le cyberespionnage d'entreprise
Si des films comme Inception captivent par leurs récits mêlant technologies de pointe et intrigues internationales, l'espionnage d'entreprise dépasse largement la fiction made in Hollywood.
En effet, loin d’être un simple scénario de cinéma, il s’agit d’une menace bien réelle, présente depuis longtemps.
Dans ce contexte, les méthodes de vol physique utilisées auparavant ont cédé la place à des techniques d’espionnage d’entreprise beaucoup plus avancées. Les espions n’ont plus besoin de passer au crible des dossiers à la lueur d’une lampe de poche, ni d’échanger discrètement des dossiers dans des mallettes comme dans Mission Impossible. Désormais, ils utilisent des outils automatiques sophistiqués et des techniques fondées sur l’IA pour franchir le périmètre de sécurité des réseaux informatiques et exfiltrer discrètement des données sensibles en empruntant des portes dérobées numériques ou des périphériques de stockage portables.
Ce vol « sans friction » de la propriété intellectuelle représente un défi majeur pour la sécurité, et les chefs d’entreprise sont à juste titre préoccupés par la protection de leurs actifs les plus précieux. Ainsi, le dernier baromètre CESIN révèle que le cyberespionnage constitue désormais un risque élevé pour 40 % des organisations, tous secteurs d’activité confondus. Il n’est dès lors guère surprenant que, selon le rapport du Forum économique mondial aux risques de cybersécurité, un tiers des dirigeants élèvent la perte de propriété intellectuelle (IP) et d’autres informations confidentielles au rang de préoccupation numéro 1.
Quand la menace vient de l’intérieur
Pour les services de renseignement gouvernementaux, peu de menaces inspirent autant de crainte que les agents doubles. De même, les initiés représentent un risque tout aussi insidieux pour les entreprises : leurs identifiants et privilèges permettent d’accéder en toute légitimité à des informations et à des systèmes sensibles, tandis que leur activité apparait comme « normale » et n’éveille aucun soupçon.
Par exemple, le cas d’un employé qui a fourni un travail précieux pendant de longues années tout en exfiltrant des données, des éléments de propriété intellectuelle et des secrets commerciaux sensibles illustre parfaitement ce risque. Ses motivations peuvent varier, allant du gain financier au chantage, en passant par des griefs personnels ou des convictions idéologiques. Les dommages ne laissant généralement pas de trace immédiatement visible, ces trahisons peuvent passer totalement inaperçues pendant de longues périodes. C’est ainsi que des vols de données peuvent se poursuivre sans être détectés, rendant l’organisation vulnérable à son insu.
Les mesures de sécurité traditionnelles sont insuffisantes
Il est aujourd’hui difficile de neutraliser des actes d’espionnage et ce, pour plusieurs raisons :
- Les attaques basées sur l’identité et les logiciels malveillants sans fichier fonctionnent sans exécutable, ce qui leur permet d’échapper aux méthodes de détection classiques. Les mesures de sécurité traditionnelles se concentrent souvent sur les menaces externes, laissant les organisations vulnérables aux initiés qui disposent d’un accès légitime à des informations confidentielles.
- L’intelligence artificielle simplifie de manière significative l’entrée à la cybercriminalité en accélérant le développement des cyberattaques. Résultat, les menaces avancées sont davantage accessibles et potentiellement plus dangereuses.
- Les solutions traditionnelles se concentrent souvent sur des points d’entrée ou des terminaux (endpoints) particuliers, ouvrant des brèches que les cyberattaquants sophistiqués peuvent exploiter en raison d’un manque de visibilité holistique sur les mouvements latéraux, les menaces d’initiés et les attaques multivectorielles coordonnées.
En somme, recourir exclusivement à des mesures de protection traditionnelles risque de donner une fausse impression de sécurité. Les entreprises doivent prendre conscience que les menaces de cyberespionnage ne sont pas de simples incidents passagers, mais le fruit d’efforts de longue haleine entrepris par des adversaires hautement organisés, qui extraient systématiquement des informations précieuses jusqu’à ce que leur détection devienne imminente.
Mettre en place une digue solide contre le cyberespionnage
Alors, pour neutraliser un espion, il convient avant tout de penser comme un espion. Il est essentiel d'adopter la perspective d’adversaires potentiels et d'explorer les diverses voies par lesquelles des informations sensibles pourraient être exfiltrées d’une entreprise. Cela passe par l'identification des informations susceptibles d’intéresser un espion, telles que les secrets commerciaux, la propriété intellectuelle, les conceptions de produits, ou encore les documents de recherche et les plans de fusion-acquisition (M&A). Pour cela, il est nécessaire d’utiliser des outils de classification des données afin de localiser et organiser ces informations en différentes catégories.
Une fois ces données identifiées et étiquetées, il est impératif d’appliquer des mesures de gouvernance de l’accès, telles que le contrôle d’accès basé sur des rôles ou l’authentification multifactorielle (MFA), pour limiter leur exposition en fonction de leur valeur. De plus, afin de réduire les risques de manière proactive, chaque employé doit être considéré comme une menace interne potentielle, ce qui justifie la mise en place d'un modèle de sécurité « Zero Trust ». Il est alors crucial de déployer des stratégies telles que l’application rigoureuse du principe du moindre privilège, la vérification permanente de l’identité pour empêcher l’accès non autorisé, ainsi que l’instauration de règles de prévention des pertes de données (DLP) pour éviter les transferts non autorisés. Enfin, il convient d'utiliser des approches telles que le provisionnement « juste à temps » (JIT) et « accès suffisant » (JEA) pour les tâches nécessitant des droits d'accès élevés.
Rechercher activement les menaces en cours
Il ne faut cependant pas croire que les mesures défensives les plus complètes seront suffisantes pour bloquer la totalité des menaces. Chaque organisation doit partir du principe que des adversaires se cachent déjà dans ses systèmes. Les espions se gardent bien d’annoncer leur intention et opèrent dans la plus grande discrétion, employant des tactiques subtiles qui échappent généralement aux radars traditionnels.
Il est dès lors essentiel de déployer des systèmes avancés de détection et réponse aux menaces qui s’appuient sur l’analyse comportementale et la surveillance basée sur l’IA pour identifier les écarts par rapport aux schémas d’utilisation établis et déclencher des alertes automatiques. Dans ce contexte, il est primordial de suivre les activités en dehors des heures ouvrées et d’analyser le trafic réseau pour détecter les canaux de communications clandestins.
Une autre stratégie performante consiste à retourner la situation contre les espions en déployant des technologies conçues pour les induire en erreur. Par exemple, la création de systèmes de leurre et de « pots de miel » (honeypots) permet de les attirer et d'observer leur comportement ainsi que leurs tactiques dans un environnement contrôlé.
En somme, le cyberespionnage représente une menace persistante et pressante, pesant sur le secteur public comme sur les entreprises. Celles-ci doivent mettre en place des mesures robustes pour renforcer leurs défenses face aux infiltrations sophistiquées et furtives de nouvelle génération. En choisissant le bon fournisseur de cybersécurité, les outils appropriés et l'expertise nécessaire, les histoires d’espionnage resteront un sujet de fiction… sur le grand écran et à l’écart de l’environnement professionnel.