Défense : une souveraineté numérique française et européenne est-elle possible ?

Alors que l'Europe vient d'annoncer la nécessité d'un réarmement européen, la question de la gestion de nos actifs stratégiques et sensibles doit se poser.

Le temps est venu de reprendre le contrôle de nos données.

Alors que l’Europe vient d’annoncer la nécessité d’un réarmement européen, la question de la gestion de nos actifs stratégiques et sensibles doit se poser. Sommes-nous armés pour affirmer notre indépendance technologique au service de la protection du Vieux Continent ?

Un impératif stratégique pour notre défense

Dans des organisations chaque jour plus “data driven”, nos données sont devenues une ressource-clé au cœur de chaque décision : Renseignement, opérations militaires, Intelligence Economique, Cyberdéfense, industries, données de nos Organisations d’Importance Vitales (OIV)… Elles sont exploitées dans des processus, hautement sensibles, parfois classifiés et représentent un actif stratégique pour notre sécurité.

Dans ce contexte d’exploitation de données sensibles, un autre enjeu de taille émerge : la confidentialité de ces opérations et la capacité de les maintenir dans un cercle volontairement restreint. Sur ce point, la question de notre dépendance à des outils qui ne répondent pas aux mêmes exigences règlementaires de confidentialité des données que nous, européens, doit se poser.

Pour stocker et exploiter des données hautement stratégiques et sensibles, il est indispensable que les Européens comprennent l’importance de le faire avec des fournisseurs souverains. Les lois qui les régissent nous protègent, et les risques de fuites sont moindres.

Dépendance numérique : quels enjeux ?

Nous devons comprendre véritablement les enjeux de notre dépendance à des solutions non-européennes. Dans un contexte géopolitique particulièrement actif, se conformer à des règlementations extra-européennes peut équivaloir à prendre des décisions qui vont à l’encontre de nos intérêts stratégiques. Pour nos systèmes de Renseignement ou nos activités militaires, c’est prendre le risque d’une faille dans la confidentialité de nos informations que l’on ne peut se permettre (avec l’application du Cloud Act par exemple).

Notre dépendance crée une vulnérabilité stratégique et expose nos systèmes à des risques accrus (cybersécurité, espionnage, perte de maitrise d’accès à la donnée). Les nerfs de nos RSSI sont déjà mis à rude épreuve, comme en témoigne le dernier rapport de la cybermenace en France, pourquoi ne pas renforcer notre défense en exploitant nos données avec des solutions indépendantes et européennes ? En créant une « supply chain IT » 100% européenne, nous pourrions renforcer l’efficacité de l’exploitation de nos données, renforcer la valeur créée, le tout, dans un cadre de gouvernance de confiance.

Cette dépendance envers certains acteurs majeurs freine le développement de notre écosystème numérique français et européen, réduisant ainsi notre autonomie stratégique face aux grandes puissances mondiales.

Néanmoins nous avons les moyens et les capacités de mettre en œuvre cette souveraineté numérique en France et en Europe.

Notre écosystème regorge d’entreprises innovantes et performantes qui sont engagées et répondent déjà aux exigences d’industrialisation, de sécurité et de confidentialité des informations, parfois depuis plus de 20 ans. Les nouvelles règlementations européennes qui régissent l’espace numérique (DORA, Nis2, AI Act…) obligent tout l’écosystème à augmenter ses exigences en matière de sécurité, d’éthique et de confiance

Soutenir l’écosystème de solutions européennes

Depuis 2021, la Direction Interministérielle du Numérique (DINUM) rappelle que les solutions qui manipulent des données sensibles doivent être hébergées dans des environnements disposant d’un niveau de sécurité SecNumCloud. Nous avons aujourd’hui les capacités d’aller encore plus loin et de valoriser une chaine complète 100% européenne dans le traitement, l’exploitation de ces données. Créer un parcours sans couture et européen dans la valorisation de nos données sensibles.

La France propose déjà cette 3ème voie, évoquée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron lors du Sommet pour l’Action pour l’IA en février dernier. Le pôle d’Innovation de Paris-Saclay développe son pôle d’excellence dédié à l’Intelligence Artificielle et nos chercheurs sont convoités dans le monde entier. Nous poursuivons nos efforts pour renforcer notre indépendance et notre souveraineté européenne, et répondre à nos propres intérêts et enjeux stratégiques.

Nos données sensibles peuvent s’appuyer sur un tissu d’entreprises solides qui proposent des solutions plus sécurisées, indépendantes et durables.

Dans cette période de remise en question des pôles d’influence mondiaux, l’Europe se doit d’être solidaire de sa propre industrie et mettre en œuvre une vraie préférence européenne dans ses décisions d’achats numériques Un équilibre souveraineté – performance est souhaitable notamment parce que l’Europe regorge d’entreprises innovantes et d’une communauté scientifique d’avant-garde.

Osons le « Made in France » et le « Made in Europe » et construisons notre autonomie et notre performance dans la durée.