Sammy Zoghlami (Nutanix) "Suite au rachat de VMware par Broadcom, le volume d'activité client de Nutanix a beaucoup progressé"

Le vice-président pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique du spécialiste des technologies hyperconvergées revient sur sa stratégie sur fond de recomposition du marché.

JDN. Comment percevez-vous l'acquisition de VMware par Broadcom ? Avec un an de recul, s'agit-il pour vous d'une menace ou d'une opportunité ?

Sammy Zoghlami est vice-président EMEA de Nutanix. © Nutanix

Sammy Zoghlami. C'est forcément une opportunité pour Nutanix dans la mesure où nos gammes de produits sont comparables à celles de VMware. Cela faisait des années que VMware était un concurrent mais aussi un partenaire dans la mesure où nous sommes également capables de faire tourner cet environnement.

Aujourd'hui, les clients qui décident de choisir une pile logicielle full stack basée sur Nutanix sont de facto plus nombreux. Le fait de remplacer la technologie VMware par celle de Nutanix n'est pas un phénomène nouveau. Mais il y a bien une accélération des réflexions dans ce sens. Suite au rachat de VMware par Broadcom, le volume d'activité client a par conséquent beaucoup progressé.

Cette tendance a-t-elle eu un impact sur vos résultats ?

Pour répondre à cette question, il faut d'abord distinguer différents scénarios. Certains clients de Broadcom avec un environnement assez simple à migrer peuvent s'engager immédiatement dans une bascule vers Nutanix. D'autres raisonnent sur la durée et ont décidé de signer un nouveau contrat avec Broadcom en vue de se laisser du temps pour déterminer leur politique de migration.

En termes de résultats pour Nutanix, l'impact se joue donc à la fois à court, moyen et long terme. L'ensemble des clients ne migrent pas en même temps, et heureusement car ce serait difficile à gérer en termes de qualité.

Comment appréhendez-vous ces deux types de scénario ?

Pour les clients avec des environnements simples, nous proposons des solutions technologiques qui permettent d'automatiser les migrations. A l'autre bout du spectre, les environnements complexes nécessitent de facto un travail plus approfondi. Ils impliquent de cartographier les applications, appréhender les dépendances, phaser les projets, transposer les scripts d'automatisation, voire planifier les migrations sur des fenêtres de temps très restreintes. Au final, certains clients migrent en quelques semaines et d'autres en deux à trois ans.

"Certains clients de taille moyenne ont pu migrer tout leur environnement dans le cloud public en deux semaines"

Pour les clients qui utilisent simplement l'hyperviseur VMware avec des baies de stockage et des serveurs 3 tiers, c'est un véritable projet de transformation que d'évoluer vers une infrastructure hyperconvergée comme la nôtre. Sans compter les clients qui souhaitent gérer à la fois des machines virtuelles et des containers logiciels, chose que nous prenons en charge également.

"L'objectif est de réduire la part de professional services nécessaire à l'implémentation"

Je fais bien le distinguo entre Broadcom et VMware dans la mesure où les clients perçoivent une différence claire entre les deux. Leur expérience de VMware a été très bonne pendant de nombreuses années. Elle n'est pas la même avec Broadcom. Beaucoup de clients se posent la question du niveau de confiance qu'ils peuvent accorder à ce fournisseur. C'est une nouvelle relation.

Du coup, comment Nutanix se différencie-t-il des produits VMware dans ce paysage post-acquisition ?

Nous n'avons pas changé de stratégie. Comparé à la technologie VMware acquise par Broadcom, nous déployons les mêmes types de projet. Notre principal facteur de différentiation réside dans l'intégration et la simplicité. Et ce, à la fois côté machines virtuelles et côté Kubernetes. Nous nous développons de plus en plus sur le segment de la containérisation depuis le rachat de D2IQ (opération annoncée en mars 2024, ndlr).

Au final, l'objectif est de réduire la part de professional services nécessaire à l'implémentation. Dans le même temps, les besoins en matière d'intégration et de maintien en condition opérationnelle sont réduits. Ce qui est un facteur différentiateur important, notamment dans le domaine des containers, un segment sur lequel les solutions impliquent pour la plupart beaucoup de travail à la fois pour la mise en œuvre et la maintenance.

Comment cette simplicité opérationnelle se traduit-elle sur le terrain ?

Grâce à Nutanix, il est possible de mettre en œuvre des solutions en quelques jours plutôt qu'en quelques mois voire quelques années. Certains clients de Nutanix, de taille moyenne, ont pu migrer tout leur environnement dans le cloud public en deux semaines. Ce type de projet est impossible à réaliser avec des solutions complexes. Les gains de temps sont réalisés aussi bien lors de l'implémentation qu'au moment des mises à jour qui pourront être réalisées en un clic. Des mises à jour qui peuvent concerner à la fois le firmware, le hardware, l'hyperviseur et l'OS.

Résultat, notre Net Promoter Score qui représente la propension de clients à nous recommander s'élève à 90 depuis plus de dix ans (contre -2 actuellement pour celui de Broadcom, ndlr).

Que proposez-vous pour faciliter la migration des environnements VMware vers Nutanix ?

Ici aussi, nous accélérons un mouvement déjà amorcé depuis de nombreuses années. Cela passe d'abord par l'amélioration de notre outil Move conçu pour faciliter le passage de VMware à Nutanix ou vers le cloud public. Ensuite, pour les projets complexes, nous transférons nos méthodologies et nos bonnes pratiques à nos partenaires intégrateurs via un programme de formations. Enfin, le nombre de chantiers de migration vers Nutanix ne cessent de croître tout comme leur taille. Ce qui fait monter l'ensemble de notre écosystème en compétences.

Est-ce que Nutanix a adapté sa stratégie de partenariat suite à l'acquisition de VMware par Broadcom ?

Nous l'avons adaptée sur le plan technologique. Lors de notre conférence annuelle 2024, nous avons annoncé la disponibilité de Nutanix sous forme d'hyperviseur uniquement. En parallèle, nous avons signé un partenariat avec Dell portant sur l'intégration de la solution de stockage PowerFlex. Cette possibilité n'a pas encore été lancée en version finale. Ce sera la première fois que des clients pourront déployer notre hyperviseur sans nécessairement mettre en œuvre une infrastructure hyperconvergée.

Il s'agit là d'un ajustement de notre feuille de route pour accompagner les clients qui souhaitent migrer rapidement vers notre hyperviseur en prenant en charge des baies de stockage existantes. Nous envisageons de signer le même type d'accord avec d'autres acteurs du monde du stockage.

Finalement, quel est le principal sujet de préoccupation des ex-clients de VMware qui vous contactent ?

Les clients ont très peur en se tournant vers nous de retomber dans un vendor lock-in. Nous les rassurons en leur proposant des engagements de tarif sur le long terme pour éviter toute mauvaise surprise. Nous mettons aussi l'accent sur notre technologie pour bien montrer qu'il est possible de la déployer aisément comme de s'en détacher. Sur ce point, nous passons beaucoup de temps à expliquer quels sont nos standards. Nous utilisons des modules open source dans nombre de nos offres. C'est le cas de notre hyperviseur qui s'adosse à KVM. Mais également de notre implémentation de Kubernetes qui est en ligne avec les recommandations de la cloud native computing foundation. Nos API sont ouvertes. Nous utilisons des systèmes d'exploitation open source, comme CentOS ou Rocky Linux par exemple. Notre base de métadonnées repose sur le système open source Hadoop, etc. Par conséquent, notre plateforme peut reprendre beaucoup de composants informatiques existants tout en les agrémentant d'outils de management puissants.

Sammy Zoghlami est vice-président de Nutanix pour la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Il a débuté sa carrière en 2001 chez Computacenter. Il est d'abord recruté comme manageur de compte. En 2009, il est promu business development director enterprise solution group pour la France. En 2010, il est embauché par Cisco comme product sales specialist datacenter. Il rejoint Nutanix en 2013 comme country manager pour la France. Il gravit ensuite les échelons. C'est en juillet 2019 qu'il est nommé SVP pour la région EMEA.