Cloud-first ou cloud hybride, quelle stratégie de migration choisir en 2025 ?
Si l'on tient compte de l'année d'apparition du terme "cloud computing", en 2006, le cloud a atteint la majorité mais par encore celui de la maturité. Comme le rappelle le Cigref, le club numérique des grandes organisations françaises, dans son récent rapport "Migration vers le cloud", "l'adoption du cloud était au départ, motivée par de grandes attentes, telles que des gains considérables en matière de scalabilité, de réduction des coûts et de flexibilité".
La promesse du cloud se résumait alors à la formule "cheaper, faster, better". Mais c'était sans compter sur la nature protéiforme du cloud. Plus qu'une évolution technologique, le cloud exige de relever de multiples défis opérationnels, organisationnels, sécuritaires et règlementaires. Pour migrer vers le nuage, les entreprises les plus matures ont dû repenser leurs architectures techniques, ajuster leurs modèles économiques, faire évoluer les compétences de leurs équipes IT.
A quelques exceptions près, les organisations ne remettent pas en cause leur stratégie de migration dans le cloud mais plutôt son tempo. Confrontées au principe de réalité, elles doivent composer avec le poids de l'existant, les inerties en interne, les contraintes budgétaires, le déficit d'expertise. Pour autant, la plupart des entreprises tiennent le cap, bon gré mal gré, le cloud étant un prérequis à toute transformation numérique.
Selon une étude menée Wasabi Technologies, 47% des entreprises françaises revendiquent toujours mener une stratégie cloud-first, privilégiant le cloud par opposition à toute autre mode d'hébergement nécessitant une infrastructure informatique en propre ou externalisée auprès d'un prestataire. Cette stratégie n'est pas antinomique avec le mode hybride qui combine cloud public, cloud privé, edge computing et mode on-premise, en fonction de la criticité des données et des exigences réglementaires.
Le plafond de verre du patrimoine applicatif
A la différence d'une start-up qui, démarrant de zéro, peut adopter une approche cloud native, une grande entreprise ne peut s'affranchir de son existant informatique. "Elle doit souvent gérer des stacks techniques particulièrement complexes avec un historique mainframe, un parc de serveurs X86, un cloud privé basé sur la technologie VMware et un ou plusieurs environnements de cloud public", constate Laurent Barbet, head of hybrid cloud and infrastructure chez Atos.
Selon lui, le point le plus limitant porte sur le patrimoine applicatif. Par facilité, les entreprises ont tout d'abord déplacer telles quelles leurs applications dans le cloud (en mode dit de "lift and shift") avant d'apporter des améliorations mineures (replatform) puis d'envisager de modifier plus profondément leurs logiciels (reachitect) pour tirer réellement profit des atouts du cloud. Or, toutes les applications ne sont pas éligibles à cette modernisation. Pour Laurent Barbet, "20% environ des applications critiques tournent dans le cloud et ce taux devait monter jusqu'à 50% d'ici 4 ou 5 ans."
"Lorsque l'organisation atteint un certain niveau de complexité, le cloud est réintégré à la DSI dans une vision centralisée"
Bien sûr, les applications qui restent à migrer sont les plus complexes, à commencer par celles du monde mainframe, encore bien présent dans la banque, la grande distribution ou l'industrie. Le départ à la retraite des cobolistes ne facilite pas la donne. "Les compétences dédiées à ces grands systèmes sont de moins en moins nombreuses et la documentation technique est pauvre", constate Florent Bouchenot, cloud CoE advisor et responsable de l'offre move to cloud chez Capgemini.
Ce dernier voit un autre frein à l'adoption massive du cloud : l'accès aux réseaux. "Les acteurs de l'industrie et du retail ne disposent pas toujours des performances réseau nécessaires, en termes de bande passante et de latence, pour servir leurs usines et leurs magasins sur l'ensemble du territoire", reconnaît le consultant. Florent Bouchenot observe aussi une inégalité de traitement en termes d'exigences réglementaires. Alors que le monde de la grande distribution et du luxe est relativement épargné, ce n'est pas le cas de certains métiers particulièrement régulés. Les établissements bancaires doivent notamment se plier aux recommandations de l'Autorité bancaire européenne (ABE) et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). La multiplication des offres de cloud de confiance permet de répondre à cet enjeu.
L'IA générative accélère la montée dans le nuage
De son côté, Laurent Barbet note un changement de gouvernance. "Au début, le cloud se développe de façon anarchique, sous le radar de la DSI. Puis, lorsque l'organisation atteint un certain niveau de complexité, le cloud est réintégré à la DSI dans une vision centralisée", constate l'expert. Cette reprise en main permet d'adopter une approche globale de la sécurité et de l'administration et de définir un schéma d'architecture d'ensemble.
Une fois ce cadre de gouvernance posé, des entités transversales comme un centre d'excellence (CoE) cloud ou une cellule FinOps, peuvent émerger pour associer performances et maîtrise des coûts. Pour piloter au mieux sa stratégie cloud, la DSI se dotera d'une plateforme d'observabilité, proposée par OutSystems, Dynatrace, ou Splunk, pour superviser toutes les couches du système d'information, sur site ou dans le cloud. Quant aux hyperscalers, ils proposent leurs propres outils de monitoring.
Deux facteurs devraient accélérer la montée en puissance du nuage numérique. Même si les providers de cloud ne sont pas toujours transparents sur le sujet, le recours au cloud diminue mécaniquement l'empreinte environnementale des entreprises utilisatrices. Elles passent d'un parc de serveurs tournant souvent à vide dans des data centers vieillissants à une infrastructure mutualisée et sans cesse optimisée pour gagner en efficience énergétique.
Enfin, nos deux experts notent que l'adoption massive des modèles d'IA générative ne peut passer que par le cloud. Une entreprise lambda n'a ni les moyens ni la vocation à investir dans une infrastructure à l'état de l'art, dopée par des processeurs graphiques de dernière génération, à même d'offrir la puissance de calcul nécessaire à l'entraînement puis l'inférence de grands modèles de langage. "Des cas d'usage nés dans le cloud, comme ceux proposés par l'IA générative, ne peuvent être envisagés sur site", conclut Florent Bouchenot.