Le pétrole flambe, puis retombe : l'épée de Damoclès du détroit d'Ormuz
Au lendemain de frappes américaines en Iran, la menace d'une fermeture du détroit d'Ormuz a provoqué une envolée rapide des prix du pétrole. La situation s'est ensuite partiellement stabilisée, mais les flux énergétiques mondiaux restent exposés à ce point de passage maritime.
Un couloir de transit indispensable pour l'or noir et le gaz
Le détroit d'Ormuz, situé entre l'Iran et les Émirats arabes unis, est large de 55 kilomètres à son point le plus étroit. Chaque jour, environ 17 millions de barils de pétrole y transitent, soit près de 20% de la consommation mondiale, selon Radio France. En complément, un tiers de la production mondiale de gaz naturel liquéfié passe également par ce corridor.
L'Iran figure parmi les dix premiers producteurs de pétrole au monde avec environ 3,3 millions de barils extraits par jour. La moitié de cette production est destinée à l'export, essentiellement via Ormuz. Le Koweït, l'Irak, le Qatar et l'Arabie saoudite utilisent également cette route pour acheminer leurs hydrocarbures.
La fermeture de ce détroit aurait des conséquences sur les flux énergétiques, mais les alternatives restent limitées. L'Agence internationale de l'énergie mentionne deux oléoducs, saoudien et émirati, permettant un contournement partiel, mais leur capacité combinée représente à peine un quart du volume habituellement transporté par voie maritime dans cette zone.
Une flambée immédiate suivie d'un repli prudent
Dans la nuit du 21 au 22 juin, des frappes américaines ont visé des installations nucléaires iraniennes. Peu après, l'Iran a évoqué la possibilité de bloquer le détroit d'Ormuz. Cette déclaration a suffi à faire grimper le prix du baril de brent de la mer du Nord à 81,40 dollars et celui du WTI américain à 78,40 dollars, soit une hausse de près de 6% en début d'échanges asiatiques, rapporte Les Échos. Quelques heures plus tard, les prix étaient redescendus à 78,21 dollars pour le brent (+1,55%) et 75,04 dollars pour le WTI (+1,63%).
Deux supertankers, le Coswisdom Lake et le South Loyalty, ont modifié leur trajectoire après être entrés dans le détroit. Ils ont mis le cap au sud, quittant l'embouchure du golfe Persique. Cette décision n'a pas été explicitée publiquement. D'autres compagnies maritimes, comme Nippon Yusen et Mitsui OSK Lines, ont demandé à leurs navires de limiter leur temps de transit dans la zone. Le ministère grec de la Marine a également recommandé à ses bâtiments de reconsidérer leur itinéraire.
Malgré cette alerte, plusieurs experts évoquent un impact temporaire. Le président de l'Union française des industries pétrolières, Olivier Gantois, a estimé sur RMC que les prix à la pompe resteront "très limités" cette semaine et jusqu'à l'été, tout en soulignant que l'Iran dépend économiquement des flux pétroliers circulant par Ormuz.
Une incertitude renforcée par les risques géopolitiques
La décision de la fermeture du détroit d'Ormuz doit encore être validée par le Conseil suprême de sécurité nationale iranien, seul habilité à la mettre en œuvre.
Le secrétaire d'État américain Marco Rubio a de son côté appelé la Chine, premier importateur de pétrole iranien, à intervenir auprès de Téhéran pour éviter une escalade. Pékin reste pour l'instant silencieux.
Les experts de la banque MUFG, cités par Sud Ouest, estiment que l'évolution des prix dépendra de l'ampleur des perturbations sur la production et la logistique. Pour Chris Weston, du courtier Pepperstone, l'Iran n'a pas nécessairement besoin d'officialiser une fermeture pour provoquer un effet. La simple anticipation d'un blocage peut suffire à faire grimper les coûts de fret et d'assurance.
Enfin, selon les observations de l'Agence internationale de l'énergie, les stocks actuels et les capacités de production de l'OPEP+ offrent une forme de protection à court terme, mais ne peuvent compenser un arrêt prolongé du détroit.