Conseil en design : vers un nouveau business model du temps gagné ?

Le marché du conseil en design témoigne de sa résilience face aux petites – et grandes – évolutions qui le bousculent. Du Design Thinking hier à l'IA aujourd'hui, où en est le secteur ?

Cela fait déjà une décennie que le marché du conseil en design témoigne de sa résilience face aux petites – et grandes – évolutions qui le bousculent. Après une phase d’évangélisation et de popularisation (grâce notamment au Design Thinking), l’internalisation des compétences et savoir-faire liés au design au sein même des entreprises (startups ou membres du CAC40) est une nouvelle étape franchie. Cela illustre tout à la fois une prise de conscience bienvenue de la valeur de nos métiers, une maturité affirmée du marché, et entraîne dans le même temps des collaborations souvent plus efficaces, et plus pérennes.

Cependant, avec la crise sanitaire de 2020 et l’accélération de l’intégration de la technologie dans l’ensemble des process métiers, un impératif de pragmatisme s’est imposé.  En 2020, il a fallu faire à la fois vite et bien : qu’il s’agisse de convertir l’organisation au 100% télétravail, ou encore de basculer au tout e-commerce. En 2024, il a fallu intégrer l’IA à marche forcée pour personnaliser son expérience client, automatiser des processus industriels ou optimiser sa supply chain, pour rester compétitif. Ces 2 événements ont prouvé à l’ensemble des parties-prenantes qu’elles étaient capables d’agir… Sans (trop) réfléchir ! Ces réussites impératives ont donné l’impression – pour ne pas dire l’illusion parfois – que ces heures, ces mois tout entiers traditionnellement consacrés au cadrage stratégique et à la collecte des besoins métiers ou utilisateurs pouvaient être désormais sacrifiés, tout comme les itérations une fois la solution mise en place… 

Chahuté par des crises sur l’utilité des budgets engagés et la pertinence de leurs conseils (jusqu’au plus haut niveau de l’Etat), sommés de passer rapidement des slides PowerPoint au résultat concret, les acteurs du conseil en stratégie se sont emparés du design, pour rendre tangible leurs recommandations. Les acquisitions et la création d’entités dédiées se sont multipliées, et les plateformes de freelancing se sont développées, rendant les talents toujours plus faciles à mobiliser. A court terme, la promesse de passer rapidement de l’idée à l’action peut se réaliser : on peut convaincre le Comex avec 250 slides en janvier et avoir une équipe délivrant une version minimale d’une solution pour fin mars.

Mais à moyen et long terme, alors que se joue la tonitruante révolution des intelligences artificielles, arrive un mur dont nous peinons à voir la hauteur. Comment former et faire grandir nos talents les plus juniors, qui effectuent les tâches de production qui seront automatisées en premier et qui n’ont pas encore l’expérience pour challenger un rendu ? Comment repenser nos méthodes d’accompagnement et nos organisations d’équipe pour les rendre aussi fluides que la complexité et la rapidité nouvelle des projets le demande ? Et au-delà, comment adapter nos modèles économiques, principalement basés sur le temps passé, quand ce qui demandait quelques jours hier peut se faire en quelques minutes aujourd’hui ?

Notre valeur, doit s’évaluer à l’aune de nouveaux piliers : notre propension à demeurer des généralistes d’une part (qui nous confère d’avantage de recul critique et de capacité à nous inspirer de la diversité des secteurs et enjeux de nos clients) ; notre engagement en faveur de la transparence (pour redonner confiance et l’assurance d’avancer alliés avec ces innovations que nous sous-estimons encore) ; notre capacité à challenger encore et toujours la « machine » (résolument et intrinsèquement imparfaite) ; et enfin, ou plutôt surtout, notre sérieux et notre humilité. Dans ce contexte, une phrase de Winston Churchill devrait résonner particulièrement à tout acteur du conseil et du design : “Que la stratégie soit belle est un fait, mais n'oubliez pas de regarder le résultat”.