STMicroelectronics : tensions croissantes entre Paris et Rome sur la gouvernance

STMicroelectronics : tensions croissantes entre Paris et Rome sur la gouvernance Les tensions s'accentuent autour de la direction du fabricant de semi-conducteurs, alors que l'Italie critique la gestion du groupe et craint un déséquilibre dans les décisions impactant ses intérêts industriels.

Le ministère italien de l'Économie renforce la pression sur la direction de STMicroelectronics. Rome, qui détient 14% du capital aux côtés de l'État français via Bpifrance, remet en cause la gestion de Jean-Marc Chéry. La chute du chiffre d'affaires et les suppressions de postes annoncées ravivent les tensions. L'Italie menace d'exercer son droit de veto au conseil d'administration, tandis que Paris soutient le dirigeant.

Une gouvernance sous tension

Le gouvernement italien exprime depuis plusieurs mois des réserves sur la gestion de Jean-Marc Chéry, PDG de STMicroelectronics depuis 2018. Le ministère italien de l'Économie critique une mauvaise anticipation du retournement du marché des semi-conducteurs et une communication jugée optimiste sur les prévisions de croissance. En octobre 2023, la direction du groupe prévoyait un chiffre d'affaires de 20 milliards de dollars en 2028. Au printemps 2024, elle annonçait encore une croissance du marché, avant de devoir revoir ses estimations à la baisse à trois reprises dans l'année.

STMicroelectronics a finalement enregistré un chiffre d'affaires de 13,2 milliards d'euros en 2024, en baisse de 23%. Son bénéfice net a chuté de 63%, atteignant 1,5 milliard d'euros. La capitalisation boursière du groupe a été divisée par deux sur un an.

L'Italie reproche également à STMicroelectronics d'avoir réduit la présence des cadres italiens au sein du comité exécutif. Leur nombre est passé de cinq à trois sur un total de neuf membres. Ces éléments nourrissent le mécontentement du ministère italien, qui juge la gouvernance actuelle insuffisante. "Le groupe a aussi pris du retard dans l'innovation produit, et n'a pas cherché à réaliser des acquisitions là où elle perdait du terrain", a déclaré un expert du secteur au Figaro.

Le droit de veto brandi par Rome

Face à cette situation, l'Italie entend utiliser son droit de veto, prévu dans le pacte d'actionnaires signé avec la France. Ce levier permettrait de bloquer certaines décisions du conseil d'administration, empêchant notamment Jean-Marc Chéry de prendre des initiatives majeures.

L'enjeu central concerne la suppression d'emplois prévue par STMicroelectronics. Entre 2 000 et 3 000 postes pourraient être concernés par des départs anticipés et des non-remplacements, selon Bloomberg, relayé par Les Echos. Rome craint que l'Italie soit plus touchée que la France et conditionne une subvention de 2 milliards d'euros à la préservation des effectifs. Cette aide vise à financer une nouvelle usine à Catane, en Sicile, dans le cadre du Chips Act européen.

Dans une interview aux Échos, Jean-Marc Chéry a minimisé les tensions, affirmant que "la gouvernance de STMicroelectronics n'est pas un handicap, à la condition que chacun respecte sa place". Il a également réagi aux critiques italiennes en déclarant dans Il Sole 24 Ore : "Cela me désole profondément, mais rien de plus".

Paris soutient Jean-Marc Chéry

Le gouvernement français maintient sa confiance en Jean-Marc Chéry. Le ministre de l'Économie, Éric Lombard, a réaffirmé son soutien au dirigeant, tout comme Nicolas Dufourcq, président de Bpifrance. "L'idée que la France serait manifestement favorisée est une contre-vérité", a déclaré ce dernier.

Les tensions se sont accrues après la révélation d'une vente d'actions de STMicroelectronics par Jean-Marc Chéry et Lorenzo Grandi, directeur financier du groupe. Selon Il Sole 24 Ore, les deux dirigeants ont cédé pour environ 8 millions d'euros d'actions quelques jours avant une annonce de résultats décevants. Cette opération a conduit un groupe d'actionnaires américains à engager une action collective contre eux, les accusant d'avoir communiqué des informations trompeuses au premier semestre 2024.

L'assemblée générale des actionnaires, prévue en mai 2025, sera un moment clé pour la gouvernance du groupe. L'Italie souhaite imposer un changement à la tête de STMicroelectronics, mais n'a pas encore avancé de candidature alternative.