Dette publique : la hausse des taux met la France sous pression

Dette publique : la hausse des taux met la France sous pression Alors que l'Allemagne engage un vaste plan d'investissement, la hausse des rendements obligataires se répercute sur l'ensemble de la zone euro. La France voit ainsi sa charge d'intérêts augmenter, fragilisant sa trajectoire budgétaire.

Depuis début mars, les taux d'intérêt sur la dette française augmentent, entraînés par la remontée des obligations allemandes. Le taux de l'emprunt d'État à 10 ans atteint 3,54% le 11 mars, contre 3,14% huit jours plus tôt, selon la Banque de France. Une hausse qui alourdit le coût du financement public et dont les effets pourraient s'intensifier dans les prochaines années.

Une remontée des taux entraînée par l'Allemagne

L'augmentation des taux français ne provient pas directement des finances publiques nationales. L'écart entre les obligations françaises et allemandes – le spread, stable à 70 points de base – indique que la perception du risque spécifique à la France reste inchangée. La hausse s'explique par l'annonce d'un plan d'investissement de 500 milliards d'euros par l'Allemagne, accompagné d'une réforme du "frein à la dette" pour financer l'augmentation des dépenses militaires. Ces mesures ont provoqué une montée des taux des obligations allemandes, entraînant dans leur sillage celles de la dette française.

Un coût de la dette en forte augmentation

La hausse des taux impacte immédiatement le financement des nouvelles émissions d'obligations. En 2025, la France prévoit d'emprunter 300 milliards d'euros, qui seront soumis aux taux actuels. Le reste de la dette publique – environ 3 000 milliards d'euros – continue de bénéficier des conditions plus avantageuses en vigueur au moment de son émission, mais progressivement, ce stock est refinancé à des taux plus élevés.

Les intérêts de la dette versés par l'État français s'élevaient à 59 milliards d'euros en 2024. Selon les estimations de Bercy relayées par Les Echos, ce montant atteindra 67 milliards en 2025 et pourrait frôler les 100 milliards d'euros en 2028. Le taux apparent de la dette publique, qui était de 1,1% en 2020, approche désormais 2% et pourrait dépasser 3% d'ici la fin de la décennie.

François Ecalle, spécialiste des finances publiques et fondateur du site Fipeco, souligne que le principal enjeu est l'écart entre le coût moyen de la dette et la croissance du PIB en valeur. Si cet écart devient positif, la stabilisation de la dette nécessitera de réaliser des économies de l'ordre de 120 milliards d'euros. En ajoutant l'augmentation des dépenses militaires et les besoins liés à la transition écologique, l'effort budgétaire pourrait atteindre 150 à 180 milliards d'euros.

Un impact incertain de la relance allemande

La hausse des dépenses publiques en Allemagne pourrait néanmoins avoir des effets indirects sur l'économie française. La France, deuxième exportateur mondial d'armes, pourrait bénéficier de l'augmentation des commandes européennes dans un contexte de renforcement des capacités militaires.

Mais selon Hadrien Camatte, économiste en charge de la France chez Natixis, plusieurs inconnues demeurent : "Sera-t-il vraiment dépensé en totalité, à quel rythme ? L'Allemagne se tournera-t-elle vers l'industrie de défense française ou cherchera-t-elle à transformer sa propre industrie ?".

Le taux d'utilisation des capacités de production en France étant déjà élevé, la capacité à répondre à une demande accrue reste incertaine. La trajectoire des finances publiques françaises pourrait ainsi dépendre des choix budgétaires faits à Berlin.