Vidéos verticales : les éditeurs se lancent, les audiences s'y mettent, les annonceurs vont-ils suivre ?
Depuis quelques mois on voit arriver sur les sites web mobiles et application des grands médias un nouveau format de contenu : les vidéos verticales, gratuites, que l'on consulte en scrollant, comme sur les réseaux sociaux. Une manière pour ces acteurs de proposer une expérience sociale à leurs audiences digitales, à 80% mobiles. Mais également une astuce pour attirer les annonceurs, dont beaucoup ne jurent plus que par le social (il suffit de consulter les chiffres de l'Observatoire de l'ePub pour le constater).
"Nous avions besoin de revaloriser nos vidéos éditoriales, largement diffusées sur les réseaux sociaux où nos communautés sont très fortes mais où la monétisation n'est pas à la hauteur de nos attentes. De plus, ces contenus n'étaient pas assez visibles sur nos propriétés digitales. Désormais ils sont mis à disposition de nos lecteurs avec la même expérience proposée par les plateformes sociales", explique Martin Clamart, directeur délégué au digital chez M Publicité.
Le groupe Le Monde déploie le format depuis octobre sur le HuffPost (web et app), depuis décembre sur le site mobile du Monde et chez Télérama.fr, et vient de le lancer en mars sur l'application du Monde. Sur Le Monde, l'expérience est proposée au milieu de la home, dans un bloc intitulé "L'actualité en vidéo" : il suffit de cliquer sur une des vidéos proposées pour se retrouver avec ces vidéos verticales en plein écran en son "on" que l'on visualise ou fait défiler au gré de ses envies.
Mais avec quelle adhésion ? "Si l'on prend l'exemple du Monde, qui est le carrefour clé d'audiences du groupe sur mobile, entre 15% et 20% des audiences sur web mobile cliquent sur ces vidéos et en consomment plusieurs. C'est très encourageant, d'autant que nous sommes en phase de lancement", précise Martin Clamart.
Chez Prisma, les vidéos verticales sont live depuis l'été dernier sur Harper's Bazaar dans le bloc "Bazaar TV" : "Le taux de clic sur Bazaar TV est d'environ 10%, ce qui est encourageant, vu que ce bloc est présenté très bas sur la page, au pied de l'article (on le retrouve aussi bien exposé sur la home, ndlr)", précise Allan Jocalaz, directeur des opérations et du trafic chez Prisma Media.
Chez Le Parisien, qui propose ce flux de vidéos verticales sur son site et application avec une technologie propriétaire depuis décembre, l'expérience a déjà généré un million de vidéos vues additionnelles sur un mois, en mars. Une belle performance face aux 25 millions de vidéos vues environ que le média enregistre sur ses propriétés (hors social) sur un mois. "Le format vertical compte pour 30% des 350 vidéos éditoriales produites chaque mois par la rédaction", explique Sophie Cassam Chenaï, directrice du numérique du Parisien. "Ce format est une très belle opportunité pour nous permettre de capter les marques qui, ces dernières années, se sont concentrées sur le social, cas des annonceurs locaux", explique Nicolas Danard, DGA en charge de la monétisation et du digital des Echos Le Parisien Médias / Paris Match Médias. Chez Le Parisien, la commercialisation de ces inventaires vient de débuter en gré à gré, en opérations spéciales et en programmatique garanti.
S'imposer sur les KPI du social
Il faudra cependant rebrousser les manches pour convaincre les annonceurs du social de venir. Chez les agences, il est courant que les équipes qui achètent du média online ne parlent pas avec celles qui achètent du social. Cela complique la tâche pour nos interlocuteurs, qui doivent prouver à ces dernières leur capacité à fournir de meilleurs retours. "Nous appelons de nos vœux les annonceurs à venir tester nos vidéos verticales brand safe produites par des journalistes et à nous challenger sur les mêmes KPI du social. Nous pouvons être beaucoup plus performants. Pour le prouver, je suis prêt à m'aligner sur les coûts à la vidéo vue pratiquée chez Meta", lance Martin Clamart. "Nous pouvons aussi cofinancer des études pour démontrer l'impact bien supérieur de ces campagnes sur la mémorisation et l'attention des audiences", ajoute-t-il. Une dizaine de campagnes ont déjà été diffusées depuis novembre sur ces inventaires.
"Je suis prêt à m'aligner sur les coûts à la vidéo vue pratiquée chez Meta"
Paul Ripart, directeur délégué digital et data chez Prisma Media, rappelle les atouts de ce format pour les marques : "La vidéo verticale renforce l'engagement de l'utilisateur, qui doit cliquer une première fois pour que le contenu se déclenche (click to play), tout en favorisant la visibilité de l'annonceur, qui est seul à l'écran, et l'attention de l'utilisateur sur un environnement brand safe."
Certes mais quid du volume ? Tant que les audiences ne l'adoptent pas de manière plus généralisée, comment livrer les campagnes ? "Le but avec les vidéos verticales n'est certainement pas de rivaliser avec le reach du social", rappelle Nicolas Danard. "Notre proposition est de permettre aux annonceurs de faire émerger leurs campagnes sociales avec des taux d'attention inégalés et un environnement brand safe et brand suitable que nos contextes de diffusion leur offrent", poursuit-il.
Pour assurer un volume suffisant d'impressions livrées aux campagnes, chaque éditeur déroule sa stratégie. Chez M Publicité, les campagnes sur les vidéo verticales sont complétées avec de l'inventaire outstream au sein des articles pour que le volume ciblé et les KPI visés soient garantis. Chez Le Parisien, l'offre sera complétée par les autres inventaires vidéo sur le site, l'application et leur chaîne YouTube.
Chez Prisma, on allume également les turbines pour se renforcer sur l'inventaire instream : les vidéos courtes stickées en autoplay sont petit à petit remplacées par des contenus éditoriaux centraux sur la page en format vertical adapté aux usages mobiles et en click to play. L'objectif à terme est de produire cinq vidéos éditoriales verticales par semaine. Des tests sont en cours chez Voici, Géo et Télé Loisirs. Au total, tous formats verticaux confondus, Prisma arrive déjà à diffuser des campagnes à des niveaux respectables malgré des volumes encore naissants : "Nous pouvons répondre à des budgets de 20 000 euros sur une période de trois semaines", commente Paul Ripart.
Mais ce n'est pas tout : des discussions entre différents médias sont en cours pour le partage d'expériences. La perspective d'une d'alliance ou offre commune n'est pas exclue. "Pour monter en puissance, il serait intéressant qu'une offre commune autour des vidéos verticales réunissant plusieurs groupes médias se mette en place. En tout cas la discussion est ouverte", confirme Paul Ripart. "Pour le moment ce n'est pas prévu, mais nous sommes bien conscients que c'est ensemble que nous pouvons peser", en convient Martin Clamart.