Retrait du règlement ePrivacy: quelle régulation pour la publicité en ligne?

La Commission européenne a annoncé le retrait dans les six prochains mois de sa proposition de règlement ePrivacy

La Commission européenne a annoncé le retrait de son programme de travail 2025, dans les six prochains mois, de sa proposition de règlement ePrivacy, qui datait du 10 janvier 2017. C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.

Les raisons avancées pour justifier le retrait de cette proposition sont les suivantes: “Pas d'accord prévisible - aucun accord n'est attendu de la part des colégislateurs. En outre, la proposition est obsolète au vu de certaines législations récentes, tant dans le paysage technologique que législatif.”

C’est d’abord une bonne nouvelle, car ce texte, qui visait à remplacer le cadre posé en 2002 par la Directive ePrivacy, cristallisait des divergences entre les Etats-membres et les institutions européennes elles-mêmes, mais également entre les acteurs de la publicité digitale. 

A titre d’illustration, un point emblématique et très critiqué de ce texte prévoyait, pour accroître la protection de la vie privée des personnes et lutter contre la “cookie fatigue”, la collecte d’un consentement unique à la publicité en ligne par l'intermédiaire des navigateurs. De quoi mettre vent debout tout l'écosystème publicitaire quand on sait que le marché des navigateurs est dominé par Google…

Mais le retrait de ce texte est aussi une mauvaise nouvelle, car si les institutions ne semblent pas avoir renoncé à modifier la Directive ePrivacy pour ce qui est de son volet relatif à la publicité digitale, elles semblent en revanche avoir renoncé à légiférer par la voie du droit dur, pourtant garante du respect des processus démocratiques.

On assiste en effet ces dernières années, à de multiples tentatives de réguler le secteur de la publicité digitale par des instruments dits de “droit souple”, certes plus flexibles, mais dont le caractère contraignant est de plus en plus prégnant.

Ainsi, pour pallier le blocage du règlement ePrivacy, les institutions et autorités européennes ont à la fois mené différentes études et consultations (initiative “Cookie pledge” ayant donné lieu à la publication de bonnes pratiques en matière de collecte du consentement; Digital Fairness Fitness Check…), et publié des lignes directrices (Lignes directrices 2/2023 de l’EDPB sur le champ d’application technique de l’article 5 (3) de la Directive ePrivacy, Opinion 2/2024 de l’EDPB sur le modèle “Pay or consent”...).

Point d’orgue de ces travaux avec l’annonce, en octobre dernier, de la préparation d’un “Digital Fairness Act” visant à moderniser différents textes relatifs à la protection des consommateurs (Directive sur les pratiques commerciales déloyales, Directive sur les clauses abusives, Directive sur les droits des consommateurs). Ce projet, qui devrait être discuté dès 2026, doit s’attaquer notamment aux “dark patterns”, au design addictif, au marketing d’influence et au ciblage des personnes vulnérables. 

S’il faut saluer l’effort mis en oeuvre pour adapter des règles vieillissantes à un marché en pleine évolution et répondre aux attentes légitimes des consommateurs, on déplore toutefois le risque suscité par un empilement de textes susceptibles d’interprétations différentes entre les Etats-membres.

La Commission européenne a placé ses travaux pour 2025 sous le signe de la simplification. L'avenir de la régulation de la publicité en ligne demeure toutefois incertain. Il est crucial que les institutions et les autorités compétentes parviennent à construire un cadre clair, stable et harmonisé, conciliant les intérêts économiques et le droit fondamental au respect de la vie privée, afin d'éviter une fragmentation du marché et une protection inégale des consommateurs.