Le tracking publicitaire expliqué à ma fille, volet 3 : chez les retailers et autres espaces logués
Ta vie en ligne est traquée à chaque fois que tu y consens. Chaque site est équipé d'un certain nombre de prestataires technologiques qui sont là pour collecter tes données de navigation, si tu acceptes le tracking publicitaire. La première chose qu'ils font, c'est t'attribuer un "identifiant" (un numéro) puis de collecter et stocker des informations sur toi (les recherches que tu fais, les contenus que tu consultes, les produits que tu achètes...). Le but est de te "ranger" dans différents segments avec d'autres personnes qui ont les mêmes goûts, sexe, âge etc. pour les proposer aux annonceurs. La chose devient encore plus sophistiquée en revanche quand le site que tu visites en sait un peu plus sur toi parce que tu t'y connectes.
C'est souvent le cas des sites d'e-commerce, des retailers mais cela peut aussi concerner une banque en ligne, une assurance, un média, une plateforme de streaming voire un opérateur télécom. "Dans ce cas, l'annonceur peut, si tu lui donnes ton consentement, t'intégrer par exemple à un segment de personnes qui consultent souvent leur facture en ligne pour plus tard promouvoir un service de facturation détaillée. Il te montrera cette pub sur un site de news car il aura posé un cookie sur ton navigateur lorsque tu y étais loguée", explique Damien Mora, VP Opérations et Tech chez Biggie Groupe, une agence de pub.
L'annonceur peut donc dans ce cas te retrouver ailleurs sur le web lorsque tu te vois afficher sa campagne. "Il pourrait à ce moment-là même t'afficher un message adressé à ta personne avec ton prénom lorsque l'occasion se présenterait et où que tu serais sur le web", poursuit-il. Il suffirait pour cela de rajouter des éléments de personnalisation au cookie qui se trouve dans ton device. "Techniquement c'est possible, mais en pratique personne ne le fait", ajoute Damien Mora.
Evidemment, les annonceurs ne sont pas fous, ils savent que cela aurait un impact négatif sur toi : tu te sentirais surveillée, traquée... Règle d'or : les marques ne te parlent de manière nominative que lorsque tu es chez elles via un email qu'elles t'adressent ou sur ton espace client mais certainement pas sur le site de news que tu consultes ! "Et même dans ce cas d'hyper personnalisation tu seras rangée dans un cluster avec des personnes disposant d'un profil proche du tien : par exemple le fait d'aimer ou d'avoir acheté tel ou tel produit", précise Aude Perdriel-Vaissière, leader data chez onepoint.
Mais ce n'est pas tout. Les retailers notamment en savent un paquet sur tes copines… celles qui, contrairement à toi, achètent tout le temps sur le drive. Mais aussi sur toi lorsque tu vas chez ton magasin de jardinage ou de bricolage préféré ou encore quand tu te rends là où vont tous les Français s'acheter une tenue de fitness ou de natation et que tu dégaines ta carte de fidélité. Il est en effet devenu possible de rassembler toutes ces informations au même endroit : tes achats en ligne et en magasin, tes centres d'intérêt sur différentes enseignes et même ta navigation sur le web… Comment ? A travers de grosses alliances data.
Certaines enseignes appartenant à un même groupe ou certains publishers se regroupant autour d'une "alliance data" confient en effet à un prestataire technologique externe tout ce qu'elles savent sur toi, que ton achat se fasse en ligne ou en magasin, et en toute légalité : cela se fait à condition que tu disposes d'une carte de fidélité et à condition que tu donnes ton autorisation au tracking publicitaire, comme prévu par la loi.
Certes, chaque enseigne ne connait pas les données des consommateurs des autres enseignes de l'alliance. En revanche, le prestataire externe, lui a la vue sur toutes les données de toutes les enseignes membres et cela lui permet de confectionner à l'aide de sa technologie, une "DMP" (plateforme de gestion de données), des segments ultra riches et précis agrégeant tes informations de consommation sur toutes les enseignes membres et même plus : "Grâce à la DMP ces alliances arrivent aussi à collecter et réconcilier les données de navigation des clients de ces enseignes", explique Pascal Vautrin, fondateur de DigniLog, qui l'a testé.
C'est du no limit ou du très granulaire, selon les points de vue. Les associations de défense de la vie privée sont vent debout jugeant cette pratique non conforme à la règlementation. Les annonceurs sont quant à eux ravis, car ils se trouvent à la fois avec le volume et la précision : de quoi leur permettre de pousser des campagnes sur ces environnements et ailleurs sur l'open web à toi et à tous ceux et celles qui sont dans le même segment que toi quand cela leur parait pertinent.