Facebook et Google veulent prouver que la pub online fait vendre en magasin
Le digital prend de l'importance et les annonceurs veulent connaître son influence sur la performance de leurs points de vente.
Au 1er trimestre 2016, le digital est devenu officiellement le premier média en France devant la télévision en termes d'investissements publicitaires. Et les attentes des annonceurs vont crescendo. Parmi celles-ci, la volonté de nombreuses enseignes de distribution, marques de grande consommation ou encore acteurs du secteur automobile de mesurer la contribution de leurs campagnes online sur les ventes offline.
Pour satisfaire à leurs attentes, Facebook a frappé un grand coup il y a un mois avec le lancement de deux fonctionnalités, baptisées "Store Visit" et "Offline Conversion". Cette dernière, une API, lui permet de faire correspondre les données d'achats collectées en magasin, grâce à des partenariats avec des acteurs comme IBM, Index, Invoca, Lightspeed, LiveRamp, Marketo et Square, avec les ID des personnes exposées à la campagne d'un annonceur. Ce dernier peut donc connaître le pourcentage de personnes exposées online qui ont acheté un produit en magasin.
E.Leclerc a pu constater que 12% des clics sur les publicités locales Facebook génèrent des visites en magasin
Avec "Store Visit", Facebook veut aussi mesurer le trafic en magasin généré par ses publicités, en combinant données GPS, données beacons, Wifi et signaux radios avec les coordonnées géographiques des magasins. De quoi permettre à un acteur comme E. Leclerc de constater que 12% des clics sur les publicités locales génèrent des visites en magasin dans les sept jours qui suivent, selon un communiqué du réseau social.
Facebook devra sans doute promouvoir son outil en prenant quelques pincettes afin d'éviter les polémiques sur la vie privée de ses utilisateurs. "Les Français ont du mal à accepter être trackés online, mais c'est encore pire dans la 'vraie vie'", note Bertrand Fraboulet, le patron de l'agence à la performance du groupe Havas, Ecselis.
Facebook n'en est pas à son coup d'essai. Le groupe propose une solution similaire, depuis le rachat d'Atlas à Microsoft en 2013. Les annonceurs qui diffusent leurs campagnes via l'adserver d'Atlas sur toute une nuée de sites Web peuvent mesurer l'exposition digitale de leurs clients.
"L'annonceur communique sa base de donnée clients offline à Atlas, qui va être capable de relier un email ou un numéro de téléphone à un identifiant Facebook puis de relier cet identifiant à un cookie", explique Arnaud Lauga, directeur data, technologie et innovation chez Publicis Media. Un moyen pour l'adserver de rendre compte ensuite à l'annonceur du nombre d'acheteurs qui ont été exposés à sa campagne online. Et savoir par exemple que sur 100 achats offline, 80 ont eu une exposition digitale.
Une information intéressante… mais loin d'être suffisante en tant que telle. "Les annonceurs ne peuvent pour l'instant pas accéder aux données brutes pour pouvoir identifier les sites sur lesquels les acheteurs ont vu la campagne, à quelle date…", regrette Arnaud Lauga. En bref, reconstituer le cheminement de l'internaute et pouvoir arbitrer sur ses investissements online.
Google n'est pas en reste et propose depuis fin 2014 une fonctionnalité permettant de mesurer le nombre de visites en magasin générées par les campagnes Adwords. Les utilisateurs de Google Analytics Premium (autrement dit quelques rares gros e-commerçants) ont également la possibilité de croiser leurs bases de données offline avec les internautes passés sur leur site. "On est en revanche aveugles sur les internautes exposés à une campagne sans passer sur le site", regrette Arnaud Lauga.
Le dispositif a récemment été testé par Petit Bateau qui a pu apprendre que 44% des acheteurs en magasins avaient visité son site Web en amont. Autre statistique intéressante, les visiteurs mobiles convertissent mieux que les visiteurs Web fixe.
Les alternatives au duo Google et Facebook
Deux spécialistes du CRM onboarding, Temelio et Liveramp, sont également capables de croiser les bases de données offline des annonceurs avec des cookies. En langage simple, savoir que tel acheteur correspond à tel cookie et a donc visité tels sites. Et tout cela de manière anonyme, instructions de la Cnil oblige.
Cette alternative séduit de plus en plus d'annonceurs car elle leur permet de s'affranchir du duo Google et Facebook. D'autant qu'elle permet de comparer plusieurs leviers : display, email, affiliation… Un écueil de taille toutefois : la technique ne marche qu'avec les détenteurs d'une carte de fidélité.
"C'est parfait pour des acteurs comme Carrefour ou un Auchan où le taux de clients encartés est très fort, moins pour les autres où un encarté est un intentionniste, un client qui achète naturellement plus et vient plus souvent", note Bertrand Fraboulet. D'où des résultats un peu biaisés.
Les annonceurs qui préfèrent garder leur data pour eux et éviter les intermédiaires pourront se contenter de bricoler leur système d'information. La pratique est en vogue dans le milieu automobile ou les tests en magasin se réalisent après remplissage d'un formulaire. A chaque levier d'acquisition, son ID formulaire. "Le logiciel de gestion commerciale peut ensuite trier les formulaires par origine et donner à l'annonceur une vision d'ensemble", détaille Bertrand Fraboulet.
Pour Laure Debos, directrice analytics, research & insights chez Publicis Media, beaucoup reste toutefois à faire sur le terrain de la mesure de la contribution du média aux ventes en magasin. Et le principal enjeu reste à ce titre d'intégrer le média offline dans la boucle.
"Nous voulons savoir si, oui ou non, l'acheteur a vu la campagne TV et à quel moment. Avant d'être exposé à une publicité online ? Après ?", se demande-t-elle. En clair, bénéficier d'une "vision multi-canale du client". Même son de cloche pour Bertrand Fraboulet qui estime que sur ce terrain "le plus simple est de commander une étude économétrique à un prestataire pour connaître l'apport de la TV, du search, de l'offline mais aussi du prix ou d'une promotion temporaire sur les ventes". Les instituts tels que le CSA en ont fait leur métier, regroupant un maximum de sources de données : fichiers de ventes par marque, données de la pression média et études de corrélation. "Les organisations ont gagné en rapidité et sont désormais capables de proposer ce type d'études de manière mensuelle", note Bertrand Fraboulet.