Pourquoi Facebook commence (vraiment) à me faire peur
Au fil des années, Facebook n'a cessé d'exposer un peu plus la vie de ses membres. Une évolution peu reluisante qui pose plus que jamais la question à un retour à l'anonymat sur les réseaux sociaux.
Je
suis particulièrement bien l'ensemble des évolutions de Facebook depuis son
arrivée en France et même un peu avant et pourtant le service se complexifie.
La
dernière mise à jour de Facebook, "Timeline", dont tout le monde ne
bénéficie pas encore est esthétiquement très réussie mais, même pour les
usagers avancés de Facebook, il y a de quoi se perdre. On arrive à une
situation dans laquelle gérer votre profil Facebook devient presque un travail à
temps partiel !
Ainsi,
vous pourriez passer une nuit entière à redescendre dans votre timeline,
c'est-à-dire, tout ce que vous avez publié depuis votre arrivée sur le réseau
social afin de cacher ce que vous ne souhaitez plus que les gens voient,
reconfigurer tous vos paramètres de confidentialité, reconfigurer qui doit
avoir accès à quoi - en somme, nous sommes tous en train de devenir webmasters…
et cette perspective est peu reluisante.
Une
fois que vous avez réalisé que Facebook ne supprime jamais vraiment les
contenus que vous pensez avoir supprimé, qu'il conserve en mémoire toutes vos
discussions, vos e-mails, vos statuts, vos photos, vous réalisez rapidement à
quel point vous avez fait confiance à une machine qui pourrait dérailler, être
piratée ou dont les propriétaires (privés) pourrait utiliser vos données.
Je
ne suis pas un enfant de cœur et le marketing (et par conséquent les bases de
données) sont parties constituantes de mon métier, mais je dois avouer que les
évolutions de Facebook commencent à me faire peur.
Heureusement,
les cours de justice aux USA et en Europe poursuivent Facebook afin de limiter
cette exposition forcée et demandent au réseau social que l’opt’in soit
systématique sur chaque publication.
Facebook,
normalisateur de la société
En
effet, Facebook souhaite que l'on partage de plus en plus, ce que l'on fait,
mange, lit, ce dont on joue avec... chaque petit détail de sa petite vie peut
désormais trouver sa place sur Facebook jusqu'à la mort de ses proches ou la
perte d'une dent. Tout cela sera stocké, disséqué par les algorithmes de
Facebook… A
ce stade, vous vous dîtes peut être que finalement il n'y a rien de nouveau,
que cela a toujours été ainsi voire que les banques, par exemple, détiennent
également des informations primordiales sur votre vie. Mais, une fois de plus,
il ne faut pas oublier que toute les données disponibles sur Internet, même un
e-mail, peuvent demain, se retrouver sur la place publique.
A
mon sens, vouloir exposer de manière maximale la vie de ses membres à une vraie
logique commerciale mais n'est pas une chose saine. Si vous prenez par exemple
Spotify, pouvoir partager sa musique semble être une avancée intéressante et
plutôt sympathique. Mais mettez-vous à la place d'un adolescent de 14 ans, pas
trop sûr de lui (comme tous les ados). Comment allez-vous impressionner vos
amis Facebook ? Qu'allez-vous écouter et donc partager ? Ce que vous aimez ou
ce que tout le monde aime (ou ce qu'il est cool d'aimer) ?
Évidemment vous allez vous fondre dans la masse pour ne pas paraître étrange au travers de
votre profil public. Avant, il suffisait de dire que l'on aimait tel ou tel
groupe à la mode, maintenant vous devez aussi les écouter, impossible de faire
semblant. Demain, il en sera de même avec les émissions TV, les films que vous
allez regarder en streaming, les restaurants… en fait, ce sera le cas avec tout
ce qui touche votre quotidien. Il y a une vraie différence entre s'annoncer fan
d'une marque afin de pouvoir paraître cool et avoir une machine qui vérifie ce
que vous faîtes réellement en temps réel et en permanence.
Depuis l'ouvrage de George Orwell, 1984, nous
avons tous peur de "Big Brother ». Aujourd’hui, s’il n’y a pas de Télécran, c’est la pression
sociale qui nous pousse à tout partager en ligne sur Facebook. La conséquence
est donc que l’on montre la personne que les autres ont envie de voir et non la
personne que nous sommes vraiment au fond de nous.
Il y a un risque pour que Facebook normalise la société, ce qui, de manière ironique, aura pour effet de limiter la pertinence de la base données qu'ils auront construit.
Nous
sommes des grenouilles en train de bouillir
Avez-vous
déjà entendu parler de "l'expérience de la grenouille" ? Si vous
mettez une grenouille dans de l'eau bouillante, elle en sortira aussitôt, une
grenouille n'a pas envie de mourir à priori.
Maintenant, mettez une grenouille
dans de l'eau froide et faites chauffer l'eau au fur et à mesure et vous vous
rendrez compte qu'elle y reste jusqu'à y mourir cette fois (si vous souhaitez
en avoir le cœur net vous trouverez facilement des vidéos de ce type
d'expérience sur Youtube).
Nous
sommes, en quelque sorte, des grenouilles en train de bouillir. En effet, si
Facebook avait utilisé à son origine les mêmes paramètres de confidentialité
qu'il utilise aujourd'hui, personne n'aurait rejoint le réseau social, ou en
tous cas, ne l'aurait pas rejoint pour les mêmes raisons et ne partagerait pas
les mêmes choses. Maintenant que les internautes sont présents, qu'ils ont fait
l'effort de construire une forme de réseau, ils y restent et laissent Facebook
faire ce que bon lui semble.
Cependant,
l'arrivée de Timeline pourrait voir des changements importants arriver. Loïc Le
Meur, blogueur et entrepreneur français particulièrement bien connu, a ainsi
expliqué comment son fils de 16 ans a supprimé tout le contenu de son profil
car le simple fait de savoir que certaines personnes pourraient revenir à ses
débuts sur le réseau social lui a fait peur.
Le
fils de Loïc n'est pas un cas isolé, j'ai entendu de nombreuses histoires
identiques. C'est intéressant car d'habitude, les gens disent toujours qu'ils
vont quitter Facebook, partager moins souvent qu'avant, mais n'en font rien.
Pour la première fois, ils réagissent. Signe que les temps changent ? Ce qui
est clair c'est que les consommateurs sont de plus en plus conscients de ce
qu'ils partagent, du fait que leurs données doivent être protégées et c'est
l'un des prochains grands défis pour les réseaux sociaux (pas que Facebook)
mais également pour les entreprises.
L'avenir
est du côté de la Chine ?
Il
est également intéressant de noter que si Facebook et ses 800 millions de
membres est leader sur l'ensemble de ses marchés, il n'est quasiment pas
présent en Chine (et en Russie). Cela est évidemment liée à la censure et au
nationalisme chinois mais c'est également en raison d'une différence culturelle
majeure (qui tend à s'estomper malgré tout chez les plus jeunes) : on ne
partage pas avec son vrai nom en Chine (même si on assiste à une tendance
inverse chez les plus jeunes).
Les réseaux sociaux chinois l'ont bien compris et
respectent l'anonymat et c'est aussi ce qui leur vaut ce succès sans précédent.
Quand on pense à l'avenir des médias sociaux, on peut évidemment penser à
Google Plus mais il est impossible d'ignorer la Chine et la manière dont les
réseaux locaux pourraient modifier notre écosystème.
Il
semble assez évident que la prochaine étape de la Chine est de s'installer de
manière plus évidente à l'étranger (pas que via des capitaux).
Je
crois que les internautes ont toujours besoin et envie de partager leurs vraies
vies, leurs vraies histoires, leurs vraies soirée, leurs vrais
"tout"... mais sans que cela soit rattaché à leur nom ou sans qu'ils
aient à se soucier que quiconque (patron, recruteur potentiel, etc.) puisse
retomber dessus un jour ou l'autre.
Pourquoi
cette évolution ne viendrait pas des réseaux sociaux chinois ?
La principale
faiblesse de Facebook réside dans le fait que c’est un endroit à la mode et pas
encore un outil (à l’instar de Google par exemple) et que par conséquent, il pourrait être passé de mode. C’est évidemment un élément
sur lequel les équipes semblent travailler avec l’annonce prochaine d’un
téléphone mais également avec le partenariat avec Bing et autres services.