Google utilise-t-il le taux de clic des résultats pour mieux les classer ?

Google utilise-t-il le taux de clic des résultats pour mieux les classer ? Le JDN a demandé à quatre SEO expérimentés s'ils pensaient qu'un bon taux de clic pouvait faire remonter une page dans les résultats de Google. Voici leur avis.

Google analyse-t-il le taux de clic, ou CTR (pour Click-Through Rate), des pages remontées dans ses résultats, et surtout, son moteur s'en sert-il pour ajuster son classement ? La même question se pose pour un autre indicateur, auquel Google peut facilement avoir accès : le "pogo-sticking", qui concerne le retour d'un internaute sur la même page de résultats, après avoir visité l'un des résultats. Le pogo-sticking pourrait, aux yeux de certains, bien exprimer l'insatisfaction de l'internaute, et le manque de pertinence du résultat visité.

Ni les réponses, évasives, de Google sur ces interrogations, ni les études, rarement irréprochables ou convergentes, n'ont réussi à définitivement trancher la question. Le JDN a voulu savoir ce qu'en pensaient des SEO aguerris, et a demandé à 4 d'entre eux, "dans quelle mesure le pogo-sticking et le CTR affecte le référencement d'une page dans les résultats de Google". Ils étaient aussi invités à expliquer, à l'oral ou par écrit, pourquoi ils étaient sûrs, ou pas, de leurs réponses, et à évoquer les conséquences que cela pouvait avoir sur le travail concret de référencement.

Voici leurs réponses.

Jean-Benoît Moingt (Solocal) : "L'UX est une composante du SEO"

Jean-Benoît Moingt est responsable SEO chez PagesJaunes - ‎Solocal. © SoLocal

"Lorsqu'on parle de SEO, on évoque généralement trois piliers : la technique, le contenu, et la popularité. On a tendance à oublier un quatrième pilier qui, pourtant, gagne en importance : l'usage. Cette notion d'usage est d'autant plus importante lorsqu'on travaille sur de la 'top tail', les requêtes les plus saisies par les internautes, car elles permettent à Google d'emmagasiner très rapidement un gros volume de données. Or, n'oublions pas que Google est LE spécialiste mondial du traitement de datas, et dispose de très nombreux moyens (Google Chrome, Google DNS, Adsense, …) de mesurer l'usage et évaluer la satisfaction d'un internaute pour une page donnée.

Avec environ 40 000 requêtes effectuées chaque seconde, la mesure du pogo-sticking est une mine d'or pour Google. Quoi de plus précis pour estimer si l'internaute a trouvé son bonheur après le clic sur un lien ? Il y a quelques années, Google proposait d'ailleurs à l'internaute de bloquer un résultat suite à un retour arrière, signe que cette information est mesurée depuis bien longtemps.

L'époque où l'on pouvait faire du SEO sans se préoccuper de la satisfaction utilisateur est révolue. L'UX est désormais une composante à part entière du SEO. S'il est impossible de le démontrer avec certitude, le pogo-sticking est utilisé par Google pour mesurer l'usage. Il est d'ailleurs bien possible que ces notions soient au cœur des derniers Quality Updates."

Philippe Yonnet (Search Foresight) : "Ces critères ont probablement un poids, mais comme beaucoup d'autres"

Philippe Yonnet est directeur général associé de l'agence Search Foresight. © JDN

"Il est difficile de développer la pertinence d'un moteur de recherche sans analyser les retours sur cette pertinence, appelés les 'relevance feedbacks'. Ces derniers peuvent être explicites, comme les notes que Google demande aux Quality Raters, ou implicites, comme les clics mesurés ou le pogo-sticking.

Des recherches scientifiques ont été conduites sur l'intérêt d'exploiter ces 'informations implicites' pour mesurer la pertinence d'un résultat, et corriger les pages de résultats. Mais elles arrivent à la conclusion que le résultat n'est pas satisfaisant, voire même assez moyen. Dit autrement, se fier au pogo-sticking pour changer l'ordre des résultats n'améliore pas toujours la pertinence du moteur. Les erreurs générées peuvent être trop importantes. Ce critère n'est donc pas suffisant.

Mais je pense toutefois que le CTR et le pogo-sticking sont observés et mesurés par Google, qui en prend compte pour classer ses résultats. Ces critères ont probablement un poids, mais comme beaucoup d'autres facteurs. Je ne pense donc pas que seul, un très bon CTR ou un pogo-sticking satisfaisant, pourra faire remonter une page dans les résultats.

Si ce n'est pas pour faire monter une page dans les résultats, il y a toutefois d'autres très bonnes raisons de travailler le CTR et le pogo-sticking. Améliorer le CTR, en optimisant la meta description et le titre de la page, va ainsi pouvoir accroître le trafic organique, ce qui est toujours bon à prendre. Et si la page génère peu de pogo-sticking, alors cela veut dire que la rétention de l'internaute est bonne, ce qui devrait mécaniquement améliorer les pages vues, et les conversions."

Sébastien Monnier (Woptimo) : "Ce sont peut-être des indicateurs plus ou moins utilisés par Google, selon les requêtes"

Sébastien Monnier est directeur de l'agence Woptimo. © S.M.

"Même s'il s'agit de deux indicateurs différents, CTR et pogo-sticking sont tous les 2 utilisés par Google pour classer les résultats, je le sais de sources bien placées. C'est dans l'algorithme, mais ce sont peut-être des indicateurs plus ou moins utilisés, selon les requêtes par exemple. Ce ne sont en effet pas les mêmes critères qui s'appliquent pour l'ensemble des requêtes.

Le fonctionnement du moteur de Google est complexe, après plus de 15 ans de développement. Il peut faire penser un peu aux voitures autonomes, qui doivent examiner une multitude de critères et prendre les bonnes décisions pour bien avancer et ne pas se crasher. La décision du véhicule doit s'adapter au contexte, de manière intelligente. Le moteur de recherche fait sans doute un peu la même chose : il prend en compte un contexte et une multitude de critères, dont le CTR et le pogo-sticking, avant de prendre une décision pertinente pour bien classer ses résultats.

La question peut aussi se poser de savoir si le CTR et le pogo-sticking peuvent être manipulés pour influencer les résultats. Google arrive-t-il à détecter des clics qui ne seraient pas naturels ? En tout cas, Google Suggest résiste assez mal aux abus...  Mais c'est aussi sûr que Google a aussi développé, depuis plusieurs années, des algorithmes pour s'assurer que les clics proviennent bien d'humains, sur Google +, Youtube et surtout, sur les publicités."

Olivier Duffez (Webrankinfo) : "Google tient compte du comportement de l'internaute"

Olivier Duffez est consultant SEO et éditeur de Webrankinfo. © O.D.

"J'entends souvent parler du taux de rebond, mais je suis presque persuadé que Google n'en tient pas compte, car cela ne signifie pas forcément que l'internaute a été déçu ! Pourtant, je suis convaincu depuis 2011, et c'est encore plus frappant en 2016 que Google tient compte du comportement de l'internaute.

Google évalue la satisfaction de l'internaute en le scrutant depuis sa requête jusqu'à la dernière page du site qui semble avoir bien répondu à sa recherche. Pas de preuves issues de tests à grande échelle avec des éléments mesurés, c'est juste mon expérience qui me pousse à dire cela. Donc, évitez à tout prix d'avoir un trop gros pourcentage d'internautes qui, après avoir cliqué sur un résultat des SERP, restent peu de temps sur le site (quel que soit le nombre de pages vues), reviennent en arrière, cliquent sur un autre résultat et ne reviennent plus ensuite sur Google.

Je pense aussi que Google tient compte du CTR dans les SERP. Attention, de l'extérieur nous avons bien du mal à savoir ce qu'est un bon ou un mauvais CTR. Cela peut varier selon de nombreux cas de figure (présence de publicités, résultats locaux, images, vidéos...) et les types de requête (information, navigation, transaction). J'ajoute, enfin, que j'ai pu sortir un site de Panda en changeant fortement le contenu et le design, avec l'objectif de justement limiter le risque que l'internaute revienne en arrière, dans les résultats de Google, à peine arrivé sur le site."