L'analyse de risques pour en finir avec le dilemme de la fin de vie des équipements

Pour être certains de disposer des toutes dernières fonctionnalités mais aussi des services associés, les clients sont incités à procéder à des tech refresh, c'est-à-dire à remplacer régulièrement leurs anciens systèmes par les plus récents.

Poussés par les exigences d'un marché ultra-concurrentiel, les constructeurs de matériel et les éditeurs de logiciels focalisent leurs moyens sur l'innovation. Dans leurs catalogues, de nouvelles générations de produits remplacent perpétuellement les plus anciens. Les cycles de vie sont relativement courts de l’ordre de 5 ans et suivent le plus souvent un schéma identique : la première année est jalonnée de nombreuses versions remédiant aux défauts de conception ; dès la deuxième année, de nouvelles fonctionnalités apparaissent parallèlement à quelques ultimes corrections mineures ; à partir de la troisième année, les évolutions se font plus rares ; enfin, les quatrième et cinquième années, ne sont plus proposées que des fonctionnalités nouvelles, souvent dispensables et parfois annonciatrices de la prochaine génération.

Au terme de ces cinq ans, plus aucune correction ne sera apportée. L’équipement atteint sa fin de vie (End of Life, EOL), puis sa fin de support (EOS, End of Support), après laquelle le constructeur ne garantit la disponibilité ni des pièces détachées ni des compétences techniques. Pour être certains de disposer des toutes dernières fonctionnalités mais aussi des services associés, les clients sont ainsi incités à procéder à un tech refresh, c’est-à-dire à remplacer leurs anciens systèmes par les plus récents. Or, les utilisateurs ne sont généralement pas si pressés de sacrifier des équipements qui fonctionnent et remplissent encore parfaitement leur mission. Technologiquement, ils n’y voient pas toujours un bénéfice qui justifierait de bouleverser un environnement qui a fait ses preuves et donne satisfaction. Et financièrement, prolonger la durée de vie des équipements en améliore le TCO, et augmente donc le retour sur l’investissement initial. Ainsi, non seulement beaucoup conservent leurs machines longtemps après les EOL/EOS, mais il est même courant de n’effectuer aucune mise à jour après la mise en production initiale. Par souci de stabilité et de fiabilité, on ne prend guère le risque de toucher au socle technique tel qu’il a été qualifié lors de la phase d’intégration, ce qui pourrait impacter la qualité de service ou remettre en cause l’interopérabilité.

Se crée ainsi un décalage entre la réalité hétérogène du data center et un idéal à l’état de l’art technologique. À l’approche de la fin de vie des équipements, cette forme de dette technique place les DSI face à un dilemme : vaut-il mieux ne toucher à rien tant que cela fonctionne, et avancer sans filet, ou suivre scrupuleusement les préconisations des fabricants, au risque de déstabiliser l’infrastructure ? Comme souvent en informatique, il n’y a pas de réponse systématique. Y compris après l’EOS, il est par exemple toujours possible de trouver sur le marché, pièces, compétences et conseil pour maintenir si besoin les équipements en condition opérationnelle. Quel que soit le type d’équipement et le stade du cycle de vie, le pragmatisme sera donc de mise pour choisir entre laisser en l’état, upgrader ou remplacer.

Pour se déterminer, le plus pertinent est d’évaluer et peser le risque encouru dans les différents cas de figure. Pour cela, on fera réaliser une analyse de risques par un expert de confiance, indépendant des constructeurs et de leurs intérêts. Cette analyse débute par un audit dans lequel on recensera, d’une part, les équipements (modèle, configuration, usage, etc.) et, d’autre part, les événements matériels et logiciels qui impacteront prochainement l’infrastructure (EOL/EOS, mises à jour, correctifs…). Cet état des lieux permet de déterminer l’impact global d’un changement au niveau de tel ou tel maillon de la chaîne technique, et donc le risque, l’intérêt, voire la nécessité, d’y procéder. Au moment de choisir entre le remplacement d’un équipement ou sa prolongation, ceci permet de tenir compte des conséquences pour l’ensemble de son environnement technique et opérationnel.

On peut procéder à cette analyse de façon ponctuelle, notamment à l’approche de la fin de vie d’un équipement critique, mais en faire une action récurrente permet d’obtenir un précieux outil de suivi et de pilotage de l’infrastructure. Grâce à ce point de vue dynamique et global sur l’infrastructure, on pourra s’appuyer sur des critères objectifs pour mieux prioriser les investissements et mieux planifier la modernisation du parc, avec en point de mire une rationalisation ciblée des dépenses et davantage de certitudes en matière de qualité de service.