Comment Orange collabore avec Facebook pour disrupter les télécoms
L'opérateur contribue activement au Telecom Infra Project. Une initiative open source lancée par le réseau social américain pour mutualiser le développement de solutions réseau.
Facebook a lancé le Telecom Infra Project (Tip) début 2016. Objectif de cette initiative ? Favoriser le partage, en open source, de designs technologiques et bonnes pratiques dans les infrastructures télécoms. Depuis, une dizaine d'industriels ont rejoint cette organisation. Parmi eux, on relève des équipementiers réseau, comme Juniper ou Lemko. Ainsi que des opérateurs, tels le Sud-coréen SK Telecom. Le Français Orange a lui-aussi décidé de rejoindre le groupement, et s'y investit même activement.
Le Tip est le pendant télécoms de l'Open Compute Project (OCP) lancé par Facebook en 2011, et qui s'oriente vers la co-conception (toujours en open source) de designs de serveurs machine. Orange contribue d'ailleurs également à l'OCP, et notamment à l'une de ses plus récentes initiatives (le Telco Project), qui vise à dessiner un serveur open source taillé pour motoriser les cœurs de réseau.
Virtualiser le réseau pour réduire les coûts
Orange contribue à plusieurs projets du Tip qui rejoignent ses problématiques, de la co-création d'une solution facilitant le déploiement réseau en zones rurales jusqu'à la définition de méthodes pour accélérer l'acquisition de nouvelles compétences en ingénierie. L'opérateur historique collabore aussi à un groupe de travail du Tip dédié au développement d'un environnement de virtualisation de fonctions de réseau sans fil. "A travers ce type de technologie, l'enjeu est de parvenir à déporter dans le cloud l'intelligence radio située dans nos antennes", explique Philippe Lucas, SVP strategy, architecture & standardisation au sein de la division innovation, marketing et technologies d'Orange.
"Notre objectif est de réaliser des économies d'échelle et favoriser l'interopérabilité des réseaux"
La virtualisation réseau représente l'un des axes majeurs de R&D chez Orange. "En déportant les fonctions réseau dans le cloud, nous allons pouvoir optimiser drastiquement la maintenance", insiste Philippe Lucas. "A chaque évolution fonctionnelle, nous étions obligés jusqu'ici de mettre à jour tous les équipements correspondants, les routeurs par exemple. Avec le cloud, ce ne sera plus nécessaire. La plupart des déploiements seront beaucoup plus centralisés, ce qui impliquera mécaniquement moins d'interventions humaines sur le terrain. L'objectif sera au final de tendre vers une automatisation quasi-totale." Exemple donné par Philippe Lucas : la Livebox, dont une partie des fonctions réseau est en train d'être migrée dans le cloud (le boîtier devrait ainsi occuper de moins en moins de place).
C'est d'ailleurs dans la même optique qu'Orange collabore parallèlement au projet ONAP (pour Open Network Automation Platform). Hébergé par la fondation Linux, il regroupe divers opérateurs (AT&T, Bell, China Telecom…) et équipementiers réseau (Cisco, Ericsson…) autour du développement d'un OS cloud open source orienté télécoms.
Orange teste la techno de routage optique de Facebook
A travers l'ensemble de ces initiatives de co-innovation, notamment engagées en lien avec Facebook, Orange entend œuvrer à la standardisation des composants réseau (serveurs, équipements, OS...). Son but est de pousser les équipementiers à évoluer d'une logique technologique propriétaire et verrouillée à un modèle ouvert et open source. "Pour nous, cette approche revêt un double intérêt. D'une part, elle engendre des économies d'échelle en banalisant le hardware et le software, avec du même coup la capacité de mutualiser les coûts de maintenance entre opérateurs et en lien avec les industriels. D'autre part, elle favorise l'interopérabilité des infrastructures des différents opérateurs, ce qui reste une problématique centrale dans les télécoms", analyse Philippe Lucas.
Dernière initiative dans laquelle Orange s'est impliqué par le biais du Tip : le projet The Voyager. Le Voyager est un routeur réseau optique, directement conçu par Facebook (et reposant sur son architecture open source d'optimisation Open Packet DWDM). Il embarque la technologie de commutation réseau déployée par le réseau social dans ses propres data centers. A terme, ce boîtier réseau doit être proposé en open source par Facebook, dans l'optique d'en partager le développement avec d'autres acteurs.
"The Voyager est actuellement en test au sein de nos laboratoires. Il permet d'envisager la même démarche que celle de l'OCP (avec le Telco Project ndlr), mais côté routeurs et équipements réseau cette fois", décrypte Philippe Lucas. Au-delà des économies d'échelle qu'elle laisse présager, la brique de Facebook pourrait également faciliter à terme l'intégration de fonctions réseau propres à chaque opérateur, et qui ne sont pas forcément implémentées au départ par les fabricants.