Génération Z : la définir et la manager

Génération Z : la définir et la manager Nés à partir de 1995, les successeurs de la génération Y ne vont pas tarder à débouler dans les bureaux… et à chambouler pas mal d'habitudes.

Rythmes plus souples, hiérarchie pyramidale dynamitée, dématérialisation des postes... Les premiers Z nés en 1995 arrivent en stage et changent déjà les règles du jeu dans l'entreprise. Comment se préparer à les accueillir pour réussir à les intégrer ?

"Il vaut mieux leur donner des objectifs et les laisser travailler par eux-mêmes"

Règle numéro un : ne cherchez pas à les canaliser. Les jeunes issus de la génération Z ne supportent pas d'être marqués à la culotte par leur supérieur. Supérieur ? Un mot qui suscite l'hostilité chez eux : "Ils détestent la hiérarchie et les ordres : ce sont des free-lance nés", assure Eric Delcroix, conseil en entreprise, qui tient une revue de presse mondiale sur la génération Z, consultable sur son site. "Il vaut mieux leur donner des objectifs et les laisser travailler par eux-mêmes : vous verrez, ça marche !"

Alexandra Gaudin, DRH de l'agence de communication Australie, qui a signé quatre contrats professionnels de Z, confirme : "Ils sont dans l'attente de nouveaux défis : je leur confie régulièrement des missions ponctuelles en plus de leurs objectifs à tenir sur un an et demi. Il faut les challenger en permanence pour ne pas les ennuyer !" Campagne d'affichage à gérer en un mois, opération de communication sur les réseaux sociaux à piloter pendant deux semaines... Ces responsabilités supplémentaires, perçues par les autres générations comme une surcharge de travail, sont très prisées par les Z, qui ont besoin de percevoir le cap de l'entreprise à court-terme.

"Ils sont dans l'attente de nouveaux défis : je leur confie régulièrement des missions ponctuelles en plus de leurs objectifs à tenir sur un an et demi"

Certaines entreprises comme Google vont plus loin, en aménageant l'emploi du temps de leurs salariés. Nicolas Sadirac, directeur général de l'école 42, témoigne : "Un à deux jours par semaine, ils peuvent profiter des infrastructures et bénéficier du carnet d'adresses de Google, pour réaliser leur projet personnel." En clair, les sociétés qui développeront un incubateur en interne doperont massivement leur attractivité. Un bon moyen pour fidéliser dans l'entreprise cette génération sans attache, prompte à quitter le navire aux premiers ronrons.

Adapter complètement les rythmes de travail aux Z est l'autre difficile défi à relever pour les managers. Au travail, mais aussi chez eux, ils bousculent les heures de bureau en se connectant via leur tablette ou leur smartphone : "Ils sont beaucoup plus flexibles que leurs aînés, qui ont pris l'habitude de différencier la vie professionnelle de la sphère privée", constate Eric Delcroix. "Aux USA, les restos U sont désormais ouverts 24 heures sur 24 pour les accueillir !" Son conseil : développer un réseau social qui leur permet d’interagir entre eux et avec la direction quand ils le veulent en quelques clics. Le blogueur poursuit : "Nés avec le web 2.0, ils sont habitués à une grande réactivité et ne connaissent pas le formalisme des rapports hiérarchiques : s'adresser directement au patron de la société ne leur pose aucun problème." Les cadres sup' orgueilleux vont en prendre pour leur grade...

Mais pourquoi un tel besoin ? Les Z veulent du feed back. Finis les points mensuels ou hebdomadaires. La nouvelle génération a constamment besoin d'être rassurée, encouragée, sans être asphyxiée. "Les retours peuvent durer de quelques minutes à une demi-heure : ils sont très sensibles aux prises de contact informelles dans la journée", explique Grégoire Buffet, fondateur du cabinet de recrutement H3O. L'attention qu'on leur porte permet de les aiguiller et doper leur motivation. Et pas besoin de prendre des pincettes si le retour est négatif. "Ils peuvent tout entendre et ne se braquent pas", témoigne Alexandra Gaudin. Les réseaux sociaux les ont habitués aux critiques parfois virulentes.

Selon Nicolas Sadirac, directeur dénéral de l'école 42,  la génération Z a "un rapport décomplexé à l'erreur". © 42 - William Beaucardet

Nicolas Sadirac abonde : "Ils ont un rapport décomplexé à l'erreur ! Pour eux, c'est normal de se tromper : ils ne diabolisent pas l'échec comme les autres générations." La plus grosse erreur pour un manager serait d'essayer de maquiller son incompétence en donnant une réponse erronée à une question posée. Fabienne Arata, directrice générale d'Experis IT, filiale de Manpower, a accueilli six stagiaires de l'école 42 : "Il ne faut pas avoir peur de dire je ne sais pas, plutôt que d'être pris en flagrant délit d'incompétence : ils vérifient tout sur le web et ne supportent pas l'imposture." Confiance et transparence sont les maîtres mots pour obtenir leur estime.

La transparence, un principe qui s'applique aussi pour la culture d'entreprise : les sociétés doivent maintenant dévoiler les coulisses de leurs bureaux pour espérer attirer les Z. L'agence de communication Australie l'a bien compris et s'est offert une vitrine sur le site Welcome to the jungle, une plateforme de recrutement qui développe la marque employeur. Interviews d'employés et photos des locaux leur permettent d'évaluer l'ambiance au boulot. "Les candidats de la génération Z font très attention à l'e-reputation d'une entreprise et collectent toutes les infos possibles sur internet pour évaluer les conditions de travail sur place", expose Alexandra Gaudin.

Aujourd'hui, offrir un bon salaire ne suffit plus pour être attractif : il faut également proposer un cadre de vie séduisant. "Ça peut sembler futile, mais de nombreux candidats sont attirés par notre grande terrasse et ses transats", ajoute Alexandra Gaudin. Et pour briser la routine au travail, les créateurs de l'agence Australie ont trouvé un truc : déménager régulièrement les services d'un étage à un autre, répartis sur sept niveaux. Un tour de passe-passe qui bouscule les points de repère des salariés et réintroduit de la nouveauté dans un espace souvent trop cloisonné.

Les sociétés doivent dévoiler les coulisses de leurs bureaux pour espérer attirer les Z

Dernier prérequis pour accueillir les Z : se mettre au diapason technologique. "J'ai dû convaincre mon directeur des systèmes d'informations d'offrir à mes stagiaires un accès privilégié au réseau, pour accroître leur autonomie", raconte Fabienne Arata, d'Experis IT. "Et leurs ordinateurs m'ont coûté trois fois plus cher que les autres..." : quand ils arrivent en entreprise, les Z s'attendent à trouver le même matériel qu'à la maison. Tout retard technologique leur paraît invraisemblable. "Mais ça valait le coup : ils ont excellé dans leur projet et remotivé tout mon service, avec leur capacité virale à s'emparer de n'importe quel défi." Résultat, Fabienne Arata compte tous les embaucher au moins à temps partiel avant la fin de leur école... à moins qu'ils ne trouvent une meilleure offre. Fidéliser les zappeurs de la génération Z sera certainement le casse-tête le plus difficile à résoudre pour les DRH de demain.