Entreprises : comment appréhender la digitalisation de la TVA ?

Alors que l'approche numérique des gouvernements et du secteur privé s'étend à la fiscalité, il est nécessaire d'abandonner peu à peu les processus de déclaration de TVA traditionnels.

Tandis que les gouvernements et les entreprises du monde entier continuent à implémenter des approches numériques pour une grande variété de processus, il est de plus en plus nécessaire de s'éloigner de la facturation et des déclarations de TVA traditionnelles et de jauger les bénéfices des échanges automatisées de données pertinents pour les autorités fiscales, en temps réel.

Les pays d'Amérique latine, tels que le Chili, le Mexique et le Brésil, ont été précurseurs de cette tendance. Ayant déjà augmenté ou même remplacé les rapports périodiques par des reportings en temps réel basés sur la facturation électronique, de nombreux gouvernements latino-américains ont pu mieux comprendre leurs économies, tout en réduisant la fraude et leurs écarts de TVA.

Le passage aux contrôles transactionnels en continu (CTC) représente une révolution non seulement pour les autorités fiscales, mais aussi pour l’automatisation des transactions inter-entreprises. La mise en œuvre des CTC permet aux autorités fiscales de se faire une idée de la position fiscale d'une entreprise en utilisant des données riches et normalisées au moment de la transaction. En principe, ce processus ne requiert qu'une participation minime des entreprises. Par conséquent, cette exigence – qui s'ajoute à la facturation – peut à terme, éliminer la nécessité pour les entreprises de remplir des déclarations fiscales périodiques, les soulageant ainsi du fardeau de consacrer des équipes chargées de s’assurer de la conformité en matière de TVA et du remplissage de reportings dépourvus de la moindre valeur ajoutée pour l'entreprise.

Dans la pratique, cependant, cette nouveauté requiert une nouvelle configuration de gestion, plus approfondie, basée sur un rapprochement proactif des données issues de transactions B2B entre les différentes applications sources qui les communiquent automatiquement au gouvernement. Par conséquent, les entreprises doivent disposer d'un ensemble de données de qualité dans lequel elles peuvent puiser pour contester un éventuel contentieux, si besoin.

Une moindre qualité des données peut s'avérer problématique dans l'environnement de la TVA où les reportings sont nombreux. Dans des cas extrêmes, les rapports peuvent être incohérents, ou reporter des données qui ne correspondent pas aux données comptables lors des audits, entraînant contrôles fiscaux ciblés et potentiellement amendes ou pénalités.

Dans le monde émergent des CTC, la perfection des données n'est pas une option, ni un luxe. Si l'administration fiscale n'approuve pas les données d’une entreprise, les chaînes d'approvisionnement et la demande financière et physique peuvent littéralement s'arrêter, en particulier dans les pays où l'administration fiscale "valide" la facture en temps réel. C'est là que de nombreuses entreprises ayant des obligations dans des juridictions soumises à la TVA passent à côté d’une bonne pratique : commencer à utiliser des outils plus professionnels et avoir recours à l'automatisation pour créer des déclarations de TVA, afin de bénéficier des CTC quand ils sont introduits graduellement dans la plupart des pays, au lieu de les subir.

Abandonner le manuel

Notre époque est témoin de la gestion de la conformité à la TVA par certaines entreprises étant comme bloquée à l’ère des feuilles de calcul et de contrôles manuels. Grâce à la technologie, les entreprises peuvent s’assurer de l'exactitude de leurs données relatives à la TVA en utilisant des règles automatisées dans les logiciels.

Outre la rationalisation et l’interrogation des opérations de déclaration de TVA, l'exercice nécessaire pour circonscrire les étapes de l'amélioration des données au moyen de moteurs de règles automatisés implique d’identifier "ce qui cloche dans vos données de transaction" et d’en restituer une définition structurée. Ces définitions peuvent être utilisées pour trouver la source des déficits qualitatifs dans les processus opérationnels et les résoudre.

De nombreuses entreprises constateront que la plupart des erreurs de données sont le fruit d'un traitement manuel et/ou sur papier dans les relations avec les partenaires commerciaux et les flux de travail internes. L'automatisation des processus métiers comme la vérification des factures entrantes est donc la clé d'une préparation réussie aux CTC.

En commençant à préparer ainsi les données susceptibles d'être soumises à la TVA, une entreprise ouvre également la voie à une attitude plus "data-centrique" en matière de conformité. Lorsque les CTC et autres programmes de digitalisation de la TVA seront effectifs, les entreprises auront de plus en plus besoin de coordonner les données envoyées automatiquement aux administrations fiscales à partir de divers systèmes de gestion et de comptabilité.

Il faut donc suivre l'évolution de l'étendue des informations que les administrations fiscales tirent de ces reportings, afin qu'une entreprise puisse garder le contrôle sur l'image qu’elle donne de ses opérations commerciales. Aussi, les informations nécessaires sur les données couvrant l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement et des transactions peuvent être utilisées à l'avantage d'une entreprise. Par exemple, en les intégrant à sa stratégie.

En automatisant dès à présent les processus fiscaux et commerciaux et en adoptant une attitude de conformité axée sur les données, les chefs d'entreprise peuvent économiser des coûts, accroître la résilience et créer de meilleurs contrôles, ce qui permet une compréhension plus précise et plus approfondie des exigences en matière de reporting.

Pour se préparer à ce changement, les organisations doivent prioriser la création de tableaux de bord en utilisant des méthodes d'analyse modernes. Une base organisée de documentation et de preuves, avec des archives numériques propres, est également essentielle. Pendant que les économies se reconstruisent, la technologie et les connaissances qu'elle apporte seront le levier d'une véritable réussite stratégique.

Le rôle central des données

Une meilleure visibilité sur les bases de données des entreprises est une priorité pour les administrations fiscales et les gouvernements qui s'efforcent de combler l’écart de TVA. Cela passe par la numérisation de toutes les déclarations fiscales, les données étant transmises à intervalles réguliers selon le flux des transactions et les exigences du gouvernement.

Le concept des CTC stipule que les données relatives aux transactions, qui sont principalement (mais pas exclusivement) pertinentes pour la TVA, doivent être reçues de manière transactionnelle. En revanche, d'autres formes de données, telles que les données relatives aux paiements ou aux mouvements des stocks, peuvent n'être communiquées qu'une fois par semaine ou par mois, tandis que des données comptables plus générales peuvent n'être demandées qu'occasionnellement.

Plutôt que d'interpréter les CTC comme une formalité informatique, les entreprises devraient aborder les nouvelles exigences sous l'angle des données qui deviennent finalement disponibles pour les administrations fiscales. Grâce à la digitalisation de la fiscalité, les administrations pourront accéder aux données plus rapidement et plus facilement.

Au lieu de se concentrer sur la transition de l'Ancien Monde (celui de la saisie manuelle des données globales des achats et des ventes) vers ce nouveau monde de l'échange automatisé de données très détaillées par transaction, les entreprises devraient se pencher sur les raisons pour lesquelles cette transition est importante. 

Toutefois, ces entreprises s'exposent probablement à des audits des plus méticuleux. En effet, les données de mauvaise qualité deviennent progressivement beaucoup plus visibles pour l'administration fiscale, ce qui signifie qu'elle peut confronter les entreprises aux trous dans les données renseignées et les cas de non-conformité accidentelle qui auraient auparavant échappé aux mailles du filet mettent désormais les entreprises en porte-à-faux.

Grâce à cette transparence accrue, les autorités fiscales peuvent recouper davantage les données de chaque entreprise, celles de ses partenaires commerciaux et de ses tiers, et numériser les mandats afin de pouvoir introduire des exigences similaires en matière de comptabilité électronique. Une analyse détaillée de ces données permettra de dresser un tableau complet des opérations d'une entreprise.

Pour accueillir les CTC, les entreprises doivent investir dans le cheminement plus que dans l’objectif. À mesure que tout se numérise, les organisations doivent s'efforcer de suivre ces changements et de maintenir le même niveau de maîtrise des données que les autorités fiscales. Comme de plus en plus de pays introduisent des régimes CTC, ce besoin ne fera qu'augmenter.

Pour faciliter la transition vers la numérisation fiscale, les entreprises doivent adapter leur boîte à outils afin de fournir de meilleures informations sur les données, à la fois pour satisfaire les autorités fiscales mondiales et pour obtenir un avantage concurrentiel. Les chefs d'entreprise doivent considérer les CTC comme la prochaine étape logique sur la voie de la transparence des affaires - un parcours pendant lequel une entreprise doit rester pleinement vigilante et préparée.

Les CTC ont un effet "boule de neige"

L'adoption généralisée de la déclaration fiscale numérique dépendra entièrement de la volonté des gouvernements indépendants. Par exemple, les gouvernements de la majorité des pays de l'UE ont pris des mesures importantes pour mettre en place les CTC. Il y a beaucoup d'éléments dont les entreprises internationales doivent être conscientes.

Il n'y a pas d'alternative à l'évolution vers des contrôles fiscaux de plus en plus digitalisés dans tous les pays dotés de systèmes à fiscalité indirecte comme la TVA. Les gouvernements peuvent mieux comprendre et évaluer plus rapidement la santé économique de leur pays grâce à des données en temps réel, tout en améliorant les contrôles fiscaux et en réduisant la fraude.

À mesure que les pays du monde commencent à constater le succès de ces dispositifs numériques, il n'est plus que question de temps avant que cette tendance ne devienne la norme à échelle mondiale.