Parti en retard, Uber commence à se rattraper dans le B2B

Parti en retard, Uber commence à se rattraper dans le B2B Le VTC américain investit et recrute pour séduire les entreprises en France. 2 000 ont déjà signé, soit deux fois plus qu'il y a un an... mais une misère comparé au nombre de salariés qui utilisent individuellement le service.

Uber : géant du B2C, nain du B2B. Lorsque l'on se développe à la vitesse et à l'échelle d'Uber, il faut faire des choix. Et jusqu'ici, le VTC américain avait clairement donné la priorité au grand public, mettant peu de moyens sur son offre destinée aux professionnels, alors que des concurrents comme Chauffeur Privé, SnapCar ou Marcel n'ont pas attendu pour développer cette activité afin de ravir des parts de marché à l'acteur dominant du voyage d'affaires en France : les taxis G7. "Nous sommes challengers dans les contrats auprès des entreprises", reconnaît sans ambages Frank Montsauret, directeur d'Uber for Business en France.

Cette division B2B a été créée il y a seulement un an et demi dans l'Hexagone. Avant cela, personne ne s'occupait des entreprises chez Uber. La plateforme a alloué de nouveaux investissements à ce développement et va prochainement grossir la taille des équipes, qui vont passer de six à quinze personnes travaillant à plein temps sur le sujet.

Même prix, meilleur service

Mais surtout, Uber a développé de nouveaux produits dédiés aux entreprises. Notamment une plateforme qui leur permet de visualiser et contrôler leurs dépenses, de commander un VTC depuis un ordinateur (un besoin plus fréquent en entreprise), mais aussi de gérer le voyage d'un invité même s'il ne possède pas l'appli, en passant par des SMS. Les utilisateurs de l'appli avec un compte entreprise ont également accès à un nouveau type de courses, "Business", qui leur propose uniquement des chauffeurs ayant réalisé au moins 500 courses avec une note moyenne supérieure à 4,75 sur 5, sans surcoût. Uber n'accorde pas de ristourne à ses clients corporate, estimant que la fourniture gratuite de ces services additionnels constitue déjà un avantage.

Uber est massivement utilisé par des employés qui commandent des courses eux-mêmes, puis se font rembourser

Ces efforts commencent à payer, à en croire Frank Montsauret. "Nous avons plus que doublé notre nombre de clients en un an, pour atteindre près de 2 000 entreprises contractualisées et qui utilisent notre service chaque semaine." Uber compte quelques grandes entreprises dans son portefeuille, comme Criteo, OVH ou Deloitte, et devrait signer sa première entreprise du Cac 40 d'ici la fin de l'année. Des chiffres qui rapprochent Uber de ses concurrents SnapCar (2 500 entreprises clientes) et Chauffeur Privé (2 000), même si ces deux VTC français ont su convaincre davantage de grands groupes, notamment du Cac 40. Et l'Américain aurait déjà dépassé Marcel, qui revendique 1 260 entreprises clientes. Mais cela reste insuffisant pour une société plutôt habituée à dominer ses marchés. D'autant que le nombre d'entreprises clientes n'illustre pas la véritable importance d'Uber dans le B2B.

Uber fait en effet face à un paradoxe : si le VTC n'a réussi à fidéliser qu'un petit nombre d'entreprises, il est en réalité massivement utilisé par des employés qui commandent des courses eux-mêmes, puis se font rembourser en notes de frais. "Uber représente 61% des reçus liés aux taxis et VTC que nous traitons en France", explique Sébastien Marchon, directeur général de Rydoo, une start-up du groupe Sodexo qui développe une appli permettant de gérer toutes les dépenses d'un salarié en déplacement. Des chiffres dévoilés l'année dernière par un service similaire, Expensya, révélaient qu'Uber était même la deuxième entreprise générant le plus gros volume de dépenses, derrière la SNCF et devant Total.

Empreinte internationale

Une situation qu'Uber n'ignore pas. L'entreprise s'est rapprochée de plusieurs systèmes de gestions des notes de frais, dont Rydoo et Expensya, afin de s'y intégrer de sorte que les employés n'aient même plus à avancer les frais. Une manière de doper l'utilisation du service, mais surtout une porte d'entrée dans les entreprises. Armé de ces données d'utilisation, Uber peut repérer les entreprises dans lesquelles son service est populaire. Ce qui permettra ensuite de les démarcher en leur proposant de devenir leur service de transport par défaut pour le même prix, mais avec des services additionnels.

Autre argument de poids pour les convaincre : l'empreinte internationale d'Uber. Aucun de ses concurrents dans le B2B n'est présent à l'étranger. Pour des entreprises dont les employés sont amenés à voyager souvent hors de l'Hexagone, cela peut faire la différence. Et comme Uber ne perd jamais de vue là d'où il vient, toute cette stratégie sert aussi son offre grand public, explique Frank Montsauret. "Si quelqu'un installe notre appli en entreprise, il y a fort à parier qu'il va la réutiliser sur son temps libre." Ou quand un utilisateur conquis en vaut deux.